France : les soignants fortement opposés à la loi sur l’euthanasie

Source: FSSPX Actualités

Alors que le projet de loi sur la fin de vie a été présenté en conseil des ministres ce mercredi 10 avril, les résultats d’une nouvelle enquête de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP), menée auprès des acteurs en soins palliatifs, viennent d’être révélés.

Les résultats montrent une forte réticence face à une loi qui aurait des effets délétères sur la pratique des soins palliatifs. La consultation a été réalisée entre fin février et mi-mars 2024.

Une grande inquiétude

83% des bénévoles, infirmiers et médecins interrogés disent être « préoccupés » par le projet de loi sur l’euthanasie et le suicide assisté. Ils sont en outre 63% à être plutôt « insatisfaits » d’une évolution de la loi. Le sentiment d’inquiétude domine, quelles que soient les générations, même si les jeunes ont une perception un peu moins « négative ».

Certains indiquent ainsi que leur « métier sera dénaturé, et [qu’ils vont se] trouver dans des situations humainement et éthiquement très difficiles ». L’inquiétude est très marquée chez les médecins en soins palliatifs qui sont en « première ligne ». La moyenne de leurs réponses ne dépasse pas 2, sur une échelle allant de 1 (très inquiet) à 9 (très soulagé).

Provoquer la mort est « inacceptable »

Interrogés sur l’évolution du cadre législatif actuel, 68% des adhérents de la SFAP (43% des non adhérents) se disent défavorables à un changement. Il existe toutefois un écart sensible selon les professions : 67% des médecins sont opposés à une évolution contre 47% des infirmiers et cadres.

54% des médecins et 33% des infirmiers et cadres de santé ont fait part de leur opposition à la législation du suicide assisté avec exception d’euthanasie. L’opposition est plus forte face au suicide assisté et à l’euthanasie ensemble. Elle concerne 75% des médecins et 53% des infirmiers.

Une très grande proportion des sondés sont opposés à la réalisation des actes d’euthanasie ou de suicide assisté. Plus de 80 % des soignants adhérents à la SFAP indiquent qu’ils refuseraient de prescrire, fournir, préparer et/ou administrer le produit létal. Pourtant, à l’opposé de certains pays, comme la Suisse, où il est interdit aux soignants de participer au suicide assisté, le projet de loi prévoit la participation du personnel médical tout au long de « l’aide à mourir ».

Une fois la personne décédée, 44% des adhérents de la SFAP disent ne pas vouloir constater un décès par suicide assisté ou euthanasie, et 49% être opposés au fait de constituer le dossier médical.

La clause de conscience vient « casser le sens de l’engagement »

Alors que le projet de loi prévoit l’existence d’une clause de conscience, 52% des médecins, 51% des infirmiers, et 22% des autres professions indiquent qu’ils utiliseront cette clause de conscience. 32% des médecins et 19 % des infirmiers et cadres de santé, ont également dit être inquiets sur la « solidité » de la clause de conscience, et ne pas se sentir protégés par cette clause.

Les réponses montrent aussi la crainte que ces clauses de conscience ne soient pas respectées ou que le législateur veuille revenir dessus, à l’exemple de la clause de conscience pour l’avortement.

L’étude témoigne globalement d’une grande appréhension des conséquences de la loi. Seuls 13% des médecins et 14% des infirmiers se disent prêts à intégrer l’évolution législative dans leur pratique professionnelle. Une part non négligeable des soignants : 22% des médecins, 17% des infirmiers et cadres se disent prêts à démissionner de leur poste en cas d’adoption de la loi.

L’impact du projet de loi dans leurs pratiques est souligné par la quasi-totalité des sondés (92%). 68% des médecins, 57% des infirmiers et 45% des autres professions estiment qu’il y a un risque de division ou de tension dans les équipes. 47% des médecins et 38% des infirmiers considèrent même qu’il y a un risque de démission dans leurs équipes.

« Nous avons l’impression de n’être pas assez entendus »

« La mort provoquée va être un élément perturbateur du système de soins » prévient la présidente de la SFAP. « Proposer la mort ou accéder à l’idée qu’ils [les malades] ont raison de penser qu’il vaudrait mieux qu’ils meurent est contraire à tout l’esprit de notre engagement quotidien auprès de ces personnes où l’on se consacre à privilégier le désir de vie » rappelle l’un des répondants.

Les soins palliatifs souffrent déjà du manque de professionnels. Contrairement à la volonté affichée du gouvernement de renforcer les soins palliatifs, le projet de loi risque de les fragiliser encore plus. « Le débat aussi est anxiogène et nous avons l’impression de n’être pas assez entendus » dénonce la présidente de la SFAP.

Le seront-ils enfin ? Le Gouvernement décidera-t-il de « prendre soin de ceux qui prennent soin ? »