L’aumônier de l’Organisation des Nations unies ?

Source: FSSPX Actualités

Chaque mois, le pape François présente son « intention de prière » dans une vidéo. Pour janvier, cette intention est d’être « au service de la fraternité », dans la droite ligne de Fratelli tutti (3 octobre 2020) et de la Déclaration interreligieuse d’Abou Dabi (4 février 2019).

Le contenu étrange de la vidéo

Sur son blogue, le 7 janvier 2021, Jeanne Smits présente cette vidéo : « On voit ainsi une femme qui égrène pieusement son chapelet. Sans transition, on passe à une jeune musulmane voilée qui accomplit sa prière rituelle sur un tapis ; quelques secondes plus tard, c’est au tour d’un juif de se balancer, calotte sur la tête et talit – châle rituel – sur les épaules.

« Les trois “orants” envoient ensuite (s’envoient mutuellement, sans doute) un smiley-prière depuis leurs téléphones portables et se retrouvent peu après, masqués, pour servir une soupe populaire (apparemment végétarienne, composée de pois chiches chauds !) à des démunis de type caucasien.

« L’idée ? Ayant prié chacun ce Dieu qui nous fait tous “frères et sœurs”, les protagonistes de la vidéo sont prêts pour une charité qu’ils dispenseront de concert et sans distinction de foi ni de personnes. De là à comprendre qu’ils adorent le même Dieu, qui les anime d’un même amour fraternel, il n’y a qu’un pas que la vidéo cherche à faire franchir à son public. »

L’explication donnée par le pape

D’ailleurs la voix off du pape se fait entendre pour donner explicitement le sens recherché par ce montage vidéo : « En priant Dieu à la suite de Jésus, nous nous unissons en tant que frères et sœurs à ceux qui prient selon d’autres cultures, d’autres traditions et d’autres croyances. Nous sommes des frères et sœurs qui prient. La fraternité nous amène à nous ouvrir au Père de tous et à voir dans l’autre un frère, une sœur avec qui partager la vie, se soutenir, s’aimer, se connaître. »

Pas une seule fois il n’est rappelé que nous sommes frères par le baptême, selon l’enseignement de saint Paul : « il n’y a qu’un Seigneur, une foi, un baptême » (Ep 4, 5). Au contraire, la voix du pape affirme : « l’Eglise valorise l’action de Dieu dans les autres religions » ; autrement dit : Dieu agit dans les autres religions, à travers elles, en voulant leur diversité comme il est dit en toutes lettres dans la Déclaration d’Abou Dabi.

Le pape ajoute : « … sans pour autant oublier que, pour nous chrétiens, la source de dignité humaine et de fraternité se trouve dans l’Evangile de Jésus-Christ » ; mais il poursuit : « Nous les croyants devons retourner à nos sources pour nous concentrer sur l’essentiel. L’essentiel de notre foi, l’adoration de Dieu et l’amour du prochain. »

S’agit-il des croyants catholiques ? Non, car pendant que le pape prononce ces mots, la vidéo montre la jeune musulmane plier son tapis, lire son message, et poser son téléphone près du coran ; puis c’est au tour du juif de recevoir le SMS, après quoi les trois – avec la chrétienne – se retrouvent à leur rendez-vous pour installer leur soupe populaire.

Et François de conclure : « Prions pour que le Seigneur nous donne la grâce de vivre en pleine fraternité avec nos frères et sœurs d’autres religions, en cessant de nous opposer, et en priant les uns pour les autres, ouverts à tous. »

Le sens de la mission du pape selon le P. Fornos

J. Smits rappelle très justement que « le pape est ou devrait être par excellence celui qui nous fortifie dans la foi », mais le P. Frédéric Fornos, SJ,1 dans le communiqué de presse présentant cette vidéo, nous donne une autre idée de la mission du souverain pontife : « il est particulièrement important que cette intention [de prière] du Saint-Père nous aide à nous percevoir réellement comme des frères et sœurs sur le chemin de la paix, devenue de plus en plus nécessaire.

« Pour François, le rôle des religions est fondamental dans ce but ; c’est ce qu’il a signifié en signant le Document sur la Fraternité humaine pour la paix mondiale et la coexistence commune, avec le Grand Imam d’Al-Azhar, Ahmad Al-Tayyeb.

« Un peu plus d’un an plus tard, il développe plus profondément ses idées dans sa dernière encyclique, Fratelli tutti, notamment au chapitre 8 : “Les différentes religions, par leur valorisation de chaque personne humaine comme créature appelée à être fils et fille de Dieu, offrent une contribution précieuse à la construction de la fraternité et pour la défense de la justice dans la société.”

« Puissions-nous, au nom de Dieu qui nous a créés tous égaux en droits, en devoirs et en dignité, et qui nous a appelés à vivre ensemble en frères et sœurs, favoriser cette fraternité afin de faire face ensemble aux défis du monde et de notre “maison commune”. La fraternité, qui respecte et valorise la diversité, est le style du Royaume de Dieu. »

La Journée de la fraternité humaine décrétée par l’ONU

De son côté, l’ONU a décrété qu’une Journée de la fraternité humaine serait célébrée le 4 février 2021, jour de la signature de la Déclaration d’Abou Dabi. Un communiqué de presse indique que l’Assemblée générale des Nations unies entend ainsi appeler à « une action mondiale fondée sur l’unité, la solidarité et le renouvellement de la coopération multilatérale », face à la pandémie et aux autres défis mondiaux qui se posent à l’humanité.

En réponse, les membres du Haut-Comité pour la Fraternité humaine – composé de chefs religieux et d’universitaires du monde entier qui œuvrent à la diffusion de la Déclaration d’Abou Dabi – ont adressé leurs remerciements à tous les Etats membres de l’Assemblée générale des Nations unies qui ont soutenu ce document et appelé à l’adoption de ses principes.

Le Haut-Comité considère la résolution comme une grande réalisation, soulignant qu’elle érige la fraternité humaine en cause internationale et qu’elle est une source d’encouragement pour continuer les efforts et les initiatives visant à réaliser les objectifs et les principes du Document d’Abou Dabi.

Selon ce Haut-Comité, l’Assemblée générale des Nations unies, en adoptant cette résolution d’une Journée de la fraternité, a non seulement fait connaître aux Etats membres les efforts du pape François et du grand imam d’Al-Azhar pour promouvoir le dialogue interreligieux et interculturel, mais elle les a également invités à célébrer la Journée en plaidant pour une culture de la paix qui encourage le développement durable, la tolérance, l’inclusion, la compréhension mutuelle et la solidarité dans le monde entier…

Une question pertinente : François est-il l’aumônier de l’ONU ?

Face à cette étroite coopération interreligieuse entre le Vatican et l’ONU, l’universitaire argentin Rubén Peretó Rivas fait part de sa perplexité au vaticaniste Aldo Maria Valli sur le blogue Duc in altum du 7 janvier : François est-il l’aumônier de l’ONU ?

Selon lui, la question doit être posée, car « dans la pratique, l’Eglise dirigée par le pape François, suivi par la majorité des évêques, a adopté le programme des Nations unies, par exemple en encourageant l’immigration et la censure subséquente des pays et des gouvernements qui cherchent à la réguler ou à l’empêcher.

« Elle insiste ensuite sur le changement climatique, qui nécessiterait un soin extraordinaire pour la planète, appelée dans les cercles papaux “mère terre”. De même, la “fraternité universelle”, objectif recherché depuis des siècles par des sociétés agnostiques et particulièrement anti-catholiques comme la franc-maçonnerie, est aujourd’hui ouvertement proclamée par le Vicaire du Christ lui-même, par exemple dans la Déclaration d’Abou Dabi de 2019 ou dans sa vidéo de janvier 2021. »

Et de se demander, comme J. Smits, si François pense ainsi assumer la mission qui lui a été confiée, à savoir « confirmer ses frères dans la foi » (Lc 22, 32).

  • 1Le P. Fornos est Directeur Général Délégué de l’Apostolat de la Prière et du Mouvement Eucharistique des Jeunes.