Entretien : Une école professionnelle plus qu’utile, nécessaire !

L’abbé Eudes-Etienne Peignot est responsable de l’Ecole professionnelle Philibert-Vrau, qui forme de futurs artisans, en étroite relation avec l’Ecole Saint-Michel à La Martinerie, près de Châteauroux (Indre).
DICI : A quels élèves destinez-vous cette formation professionnelle ?
Abbé Peignot : A tous les élèves qui ont des aptitudes et le goût pour les métiers auxquels nous préparons et pas seulement à ceux qui sont en échec scolaire. On constate malheureusement que dans le système éducatif conduisant au baccalauréat général, l’enfant n’acquiert ses connaissances que dans les livres. Or, nous connaissons tous des enfants peu doués pour les études livresques, trop souvent coupées du réel. Seront-ils condamnés et réduits à ne remplir que des tâches sans qualification ? Seront-ils les premiers sacrifiés aux dictats d’une économie toujours plus libérale lors des périodes de crise ? Très certainement s’ils s’obstinent dans une formation générale qui ne leur convient pas. Certainement pas si parents et éducateurs leur donnent les moyens d’apprendre un métier noble et exigeant. Bien des patrons et des artisans, réfractaires aux études, se sont révélés doués de sens pratique et ont réussi leur vie professionnelle, alors que des "intellectuels" sont restés professionnellement médiocres.
DICI : Mais y a-t-il un véritable avenir pour les métiers manuels aujourd’hui ?
Abbé Peignot : Avec près de 10% de chômeurs en France, pas un jour où l’on ne parle du "marché de l’emploi". Derrière cette expression, il faut comprendre que le travail est devenu une marchandise, le salarié une matière qui se doit d’être malléable, flexible, interchangeable. Charge au salarié de se reconvertir pour conserver un emploi ou au chômeur pour en retrouver un autre. L’homme de métier souffre moins dans ce contexte de crises à répétition. La société aura toujours besoins de ces métiers. C’est fondamental ! Il faudra toujours se nourrir, toujours se loger, quelques soient les circonstances. C’est vital ! Ce constat devrait rassurer les parents réticents, influencés par la dévalorisation du métier manuel, et emporter leur adhésion quant à l’orientation de leur enfant dans une filière d’enseignement professionnel.
DICI : A quels métiers précisément préparez-vous vos élèves ?
Abbé Peignot : L’Ecole professionnelle Philibert-Vrau forme des hommes de métier en apprenant à des jeunes de 14 à 21 ans le métier de menuisier, d’électricien, de maçon, de paysagiste et de cuisinier. Une partie des élèves que nous accueillons s’orientent dans une démarche volontaire, réfléchie depuis de nombreuses années avec le désir de devenir artisan. Leur vocation naît le plus souvent au contact d’un parent, père, oncle ou frère déjà établi dans l’artisanat. D’autres se sont retrouvés plus ou moins en difficulté à la fin du collège ou au début du lycée. Difficultés souvent d’ordre scolaire par manque de motivation ou de capacités, en raison d’un handicap ou d’un tempérament difficile. Peu importe. Notre établissement ouvre ses portes aux tempéraments actifs, aux imaginations créatives, aux intelligences pratiques. Ce que nous attendons et qui est nécessaire pour assurer un bon apprentissage, c’est que l’élève soit volontaire, qu’il donne le meilleur de lui-même, selon ses talents.
DICI : Comment vos élèves découvrent-ils qu’ils sont faits pour tel ou tel métier ?
Abbé Peignot : La bonne volonté du jeune s’obtient par une préparation de l’orientation qui exige un investissement de tous ceux qui en ont la charge, en premier lieu les parents, mais aussi ses éducateurs et professeurs. Il faut qu’il découvre différents métiers par la réalisation de stages de deux ou trois jours chez des artisans : un boulanger, un garagiste, un menuisier, un électricien, etc. C’est pourquoi aussi, nous proposons à l’Ecole Saint-Michel des classes de 4e et 3e aménagées qui permettent aux futurs élèves de l’Ecole professionnelle Philibert-Vrau de passer quelques heures aux ateliers chaque semaine afin de se dégourdir les mains et de préciser leur souhait d’orientation. Votre enfant commencera par vous dire ce qu’il ne veut pas faire... Il ne faudra pas se décourager. Alors, petit à petit, se formera en lui le choix d’un métier.
DICI : Ils ne reçoivent pas une formation livresque, disiez-vous. Comment apprennent-ils leur métier ?
Abbé Peignot : La formation pratique commence à l’atelier auprès de professeurs diplômés et d’artisans. L’élève y découvre son futur métier et acquiert les connaissances techniques nécessaires. Elle est complétée par des stages en entreprise auprès d’un maître de stage ou tuteur. Il n’y a pas cette coupure entre l’école et le monde du travail que regrettait, déjà en son temps, Henri Charlier. Par l’apprentissage, l’enfant s’intègre progressivement dans une famille, celle des hommes du métier qu’il apprend et qu’il exercera comme salarié, puis comme cadre et enfin comme patron s’il en a les dispositions. Même si les corporations ont disparues, se nouent des liens pour la vie. Nos élèves, au contact d’hommes de métier, entrepreneurs et artisans, qui s’impliquent dans leur formation, s’imprègnent de la culture du métier qu’ils apprennent par la découverte de techniques et d’un savoir-faire qu’ils perfectionneront tout au long de leur vie professionnelle. Mais il faut ajouter que cet apprentissage pratique est complété par une formation intellectuelle par le métier lui-même, dont la finalité est de leur apprendre à apprendre ; et même ceux qui n’ont pas le goût de l’étude deviennent capables de culture. C’est une nécessité, tous les métiers portant par eux-mêmes une culture profonde de l’intelligence. Ainsi, l’Ecole professionnelle Philibert-Vrau forme des hommes complets, avec une tête et deux mains.
DICI : Faut-il un prêtre à la tête d’une école professionnelle ?
Abbé Peignot : Au-delà du prêtre ou du frère, la question relève de l’institution religieuse. L’œuvre réalisée par l’artisan est belle : elle est le fruit de son intelligence et de sa volonté, le reflet de son âme chrétienne, un trait de la Perfection divine. Nos élèves doivent s’imprégner de tout ce sens religieux dans le travail de la matière comme cela est nécessaire dans l’apprentissage d’une science. Nos élèves doivent comprendre que l’acquisition et la pratique des vertus chrétiennes n’en feront que de meilleurs artisans. Voilà pourquoi les parents doivent comprendre que l’apprentissage d’un métier doit se faire dans un milieu chrétien. C’est aussi pour cette raison fondamentale que nous nous adressons – autant que possible – à des chefs d’entreprises et des artisans catholiques pour placer nos élèves lors de leurs périodes de stage.
DICI : Comment parvenez-vous à faire vivre votre école financièrement ?
Abbé Peignot : D’abord par les pensions des familles mais nous n’avons pas encore suffisamment d’élèves pour atteindre l’équilibre des charges de fonctionnement. Et il reste de nombreux investissements à réaliser. Etablissement d’enseignement technique privé hors contrat, l’Ecole Philibert-Vrau ne reçoit aucune subvention de l’Etat et ne survit que grâce à la générosité de ses bienfaiteurs. En cette période de collecte de la taxe d’apprentissage, impôt obligatoire dont une partie de l’affectation est libre, les chefs d’entreprises, commerçants et artisans qui ont des salariés, peuvent aussi nous aider en transmettant à leur Organisme collecteur de la Taxe d’Apprentissage (OCTA) leur volonté d’attribuer à notre établissement leur impôt en précisant : « Je souhaite affecter le maximum de ma taxe d’apprentissage à l’Ecole professionnelle Philibert-Vrau – code UAI 0360860P ».
DICI : Ceux qui n’ont pas de salariés peuvent-ils aussi vous aider ?
Abbé Peignot : Si vous n’êtes pas directement concerné par cet impôt, vous pouvez aussi nous aider en nous faisant connaître : transmettez cette information à vos commerçants et fournisseurs habituels, à vos connaissances et à votre voisinage, à votre employeur et au service comptable de l’entreprise qui vous emploie. Nous vous assurons de notre gratitude pour l’aide tant matérielle que spirituelle que vous pourrez nous apporter si vous êtes convaincus de la nécessité de la formation professionnelle véritablement catholique.
Contact :
Ecole professionnelle Philibert-Vrau Abbé Eudes-Etienne Peignot La Martinerie — RD 96 — F-36130 Montierchaume // Courriel : [email protected] - Téléphone : 02 54 29 84 38

(Source : FSSPX/France – DICI du 27/01/17)