Les chrétiens en Irak

Source: FSSPX Actualités

 

La guerre en Irak occupe les premières pages de l’ensemble de la presse. Nous ne pouvons pas nous en désintéresser, et pour deux raisons: d’une part pour le pays lui-même et ceux qui l’habitent; d’autre part, en raison des conséquences de l’issue de cette guerre qui touche à notre avenir. En effet, une issue positive pour les Etats-Unis — dont on ne peut guère douter — forcera encore plus la marche en avant vers une mondialisation à l’américaine.
Toutefois, il faudrait prendre garde à ne se fonder, dans la critique faite à cette guerre, que sur des arguments tirés de la loi naturelle ou surnaturelle, et ne pas épouser les poncifs et le système pacifiste gauchiste qui fait une percée significative ces temps-ci. Il faut noter en particulier la différence entre la guerre du Golfe de 1991 et celle qui se déroule sous nos yeux, car l’Irak avait alors envahi son petit voisin, le Koweït. Une constatation s’impose en tous cas: les appréciations divergentes ont fissuré le "bloc"occidental.

Sur les 22 millions d’habitants que compte l’Irak, la communauté chrétienne ne compte plus qu’environ 600 000 âmes aujourd’hui. Elle aura fondu de 20% depuis la première guerre du Golfe. Elle reste pourtant la plus importante parmi les pays de cette région, et surtout la plus libre. Ce pays a été un berceau de culture et le régime politique actuel, quoiqu’on en dise, a été sans doute le plus supportable pour des chrétiens vivant en pays arabes.

Les deux tiers des chrétiens irakiens se trouvent à Bagdad, où ils forment 10% de la population. Dans la région de Mossoul, on compte 150 000 chrétiens, et 50 000 autres dans le Kurdistan, dans la région de Dohouk, Zakho et Erbil. Les chrétiens jouent un rôle important dans la société civile irakienne, car ils sont souvent considérés comme des gens très fidèles à leur terre. Ils sont respectés, car si leur proportion est de 3% dans l’ensemble de la population, la part des médecins, des architectes et des ingénieurs chrétiens dépasse de beaucoup les 20%.

Que l’on soit chrétien ou musulman, cette guerre est un drame pour tout le monde. Dans les années 1970, l’Irak avait atteint un niveau de développement qui n’avait jamais existé auparavant dans la région, ayant le taux d’alphabétisation le plus élevé et le plus grand nombre d’universités. Le Père Yousif Thomas Mirkis, rédacteur en chef à Bagdad de la revue Al Fikr Al Masihi (La Pensée chrétienne), affirme: "Je crois que vouloir frapper l’Irak, qui était presque sorti du sous-développement, c’est affaiblir un pays qui pouvait devenir un rival dangereux de l’Occident au niveau régional. Malheureusement, la guerre nous a fait retourner 100 ans en arrière, c’est un crime!" Il expose également les dangers d’une prise de pouvoir des islamiques – l’expérience de l’Iran a suffisamment montré que les Américains laissent derrière eux des champs de ruines propices à la prise de pouvoir des islamistes: "Si l’islamisme prime dans des pays comme les nôtres, c’est très dangereux, tant pour nos peuples que pour l’Occident. Imaginons qu’en mars 1991, l’insurrection chiite au sud du pays ait gagné Bagdad, nous aurions alors assisté probablement à l’instauration d’une République islamique en Irak. Le danger aurait été très grand pour le monde entier. Je crois que l’Occident aurait plutôt intérêt à se réconcilier avec l’Irak, car les Irakiens sont non seulement des gens modérés, mais également cultivés et formés. (…) Malheureusement, nous sommes assis sur la réserve de pétrole la plus importante du monde, c’est cela qui intéresse les Etats-Unis. Les hommes qui sont au-dessus peuvent périr."

La désinformation

Et de raconter les souvenirs de la guerre de 1991 et des campagnes de désinformation: "J’ai vécu durant 40 jours les bombardements de Bagdad depuis le quartier de Karrada. C’était un déluge de feu, il y a eu beaucoup de morts. Les missiles de croisière devaient frapper dix fois pour toucher leur cible. Les neuf autres fois, ils détruisaient les maisons, les infrastructures, les stations de pompage, les usines de traitement des eaux usées... Le système médiatique, dont CNN est le plus bel exemple, a parlé de guerre "clean": il a absolument trompé le monde. (…) On ne montre qu’une partie de la réalité, on peint la situation en noir et blanc. Les journalistes qui viennent sur le terrain changent rapidement d’opinion et deviennent plus nuancés. Plusieurs inspecteurs en désarmement de l’ONU aussi, voyant les faits, ont protesté contre leur départ forcé. Tout le monde ici sait que la décision de Bush, tirant profit de sa "croisade" anti-terroriste après le 11 septembre, avait été prise bien avant le retour des inspecteurs de l’ONU. La discussion menée au Conseil de sécurité n’était qu’une concession, accordée de façon condescendante aux opposants à la guerre, mais ce n’était qu’un show, car tout était déjà joué depuis longtemps…."

Le Père Yousif Thomas relève que la situation humanitaire risque de se dégrader fortement ces prochains jours: les gens sont affaiblis, paniqués. Il semble que la Syrie commence à refouler les gens qui cherchent à traverser la frontière. A Bagdad, où vivent près d’un demi million de chrétiens (70% de toute la communauté en Irak), la population se sent unie et solidaire "au-delà des clivages confessionnels".

Consécration au Cœur immaculé de Marie

Devant l’imminence du péril, les chrétiens irakiens se sont tournés vers la Vierge Marie. Dans une cérémonie tenue en la cathédrale chaldéenne St-Joseph de Bagdad, l’ensemble des évêques des Eglises catholiques chaldéenne, latine, syrienne, arménienne, et des Eglises syriaque orthodoxe et assyrienne ont consacré l’Irak au Cœur immaculé de Marie, vendredi 21 mars à 18h00, devant la statue de la Vierge pèlerine venue de France, après avoir passé dans plusieurs paroisses de la capitale irakienne. Le Cœur de Marie ne peut rester insensible à ce geste; nul ne doute que de nombreuses âmes se convertiront. "Nous avons confiance en Marie, car le peuple chrétien d’Irak met de l’espoir en Notre-Dame: dans l’histoire, en 1743, face à l’invasion des Perses, les chrétiens avaient prié avec ferveur, et le fléau avait été écarté… Jusqu’à aujourd’hui, les gens s’en souviennent!" souligne le Père Yousif Thomas.

Dans les Documents, nos lecteurs trouveront une intéressante interview de l’APIC avec l’ambassadeur d’Irak près le Saint-Siège.

Bush désavoué par les siens.

Dans une interview accordée au magazine Newsweek, l’évêque méthodiste Melvin G. Talbert critique sévèrement la politique belliciste du président des Etats-Unis, méthodiste occasionnellement pratiquant. Ce dernier ne cesse d’en appeler à la religion pour justifier son projet de guerre et va jusqu’à déclarer qu’il "prie pour la paix". Pas dupe, Melvin Talbert considère que le président Bush poursuit une "claire idéologie de domination, qui ne fait partie de l’enseignement d’aucune Eglise". Le prélat trouve "dérangeant que pour combattre un dictateur, le président Bush se comporte lui-même comme un dictateur".