Chine : « il n’y a aucun changement visible dans l’Eglise en Chine »

Source: FSSPX Actualités

Lors de l’inauguration de l’année académique d’une faculté italienne de théologie, le 21 novembre 2018, le cardinal Pietro Parolin, secrétaire d’Etat du Saint-Siège, a qualifié « l’accord provisoire » entre Rome et Pékin de « conquête de la foi » afin d’éviter « que des évêques ne soient pas en communion » avec le Saint-Siège, rapporte le site Vatican Insider.

L’accord sur la nomination des évêques signé entre la Chine et le Vatican, le 22 septembre 2018 (voir DICI n°377, octobre 2018), « ne semblait pas humainement possible », a précisé le haut prélat. « Nous espérons que cet accord fonctionne et qu’il y ait de la bonne volonté du côté chinois », il est toutefois difficile, a-t-il reconnu, de changer de mentalité après des « années complexes ». 

Malgré cet accord, au contenu demeuré secret, les persécutions contre les chrétiens n’ont pas cessé en Chine. « Il n’y a aucun changement visible dans l’Eglise en Chine » depuis l’accord, écrit le père Zaoxu en novembre à l’agence catholique AsiaNews. Pékin « a obtenu ce qu’il voulait » : garder entre ses mains la liste des noms des candidats à l’épiscopat. Et les sept évêques réconciliés, « ne montrent pas de principes autres que quand ils étaient illégitimes ».

Les autorités chinoises ont démoli, le 11 novembre, plusieurs locaux de la paroisse catholique de Chaocheng, dans la ville de Liaocheng, province de Shandong, à l’est du pays. La raison officielle de la démolition est l’absence des documents nécessaires pour certifier la légalité des structures, pourtant construites en 1930 avant l’avènement du communisme, rapporte l’agence AsiaNews. Le complexe de l’église catholique de Chaocheng a été bâti en 1930, dans les premières années de la République de Chine. Le bâtiment du culte a été construit dans le style chinois. A l’origine, c’était un monastère habité par les Sœurs de Notre-Dame de Chine. C’était l’un des quatre principaux monastères féminins de la province.

Le 14 novembre, AsiaNews citait également un fidèle laïc dénonçant la traîtrise de l’accord entre la Chine et le Saint-Siège. Les prêtres sont obligés de faire partie de l’Association patriotique (AP), et depuis le 11 octobre, quatre prêtres « clandestins » de Zhangjiakou (Hebei) sont gardés dans un endroit secret, soumis à l’endoctrinement et au lavage de cerveau pour les faire adhérer à l’Association patriotique. A plus de 50 jours après la signature de l’accord, le gouvernement chinois, en particulier le département du travail du Front Uni (FU) et l’administration d’Etat pour les affaires religieuses (SARA), ont lancé une nouvelle campagne pour « convertir » les prêtres illégaux. Cela signifie qu’ils doivent participer obligatoirement aux cours organisés par le gouvernement, pour être dans la ligne du Front Uni et du lavage de cerveau sur les affaires religieuses. Selon le récit d’un prêtre, les conditions actuelles sont les mêmes que celles des années précédentes : il est nécessaire d’accepter le Guide de l’Association patriotique et d’être d’accord avec le principe d’indépendance, d’autonomie et de « sinisation ». Les prêtres « clandestins » sont amenés de force à concélébrer avec les évêques « officiels » dirigés par le gouvernement et sont ensuite photographiés. Dans cette vague de « conversion » des prêtres clandestins, la province du Hebei est la plus touchée, de fait elle avait donné beaucoup de vocations religieuses et sacerdotales.

A propos de la situation des évêques chinois, le vaticaniste italien Sandro Magister relevait le 15 novembre sur son blogue, que « le plus frappant est l’impressionnant silence qui accompagne leur chemin de croix, de la part des plus hauts responsables de l’Eglise. Un silence non seulement public, comme la prudence pourrait l’expliquer, mais surtout dépourvu de tout geste de proximité ou de soutien qui pourrait s’exprimer de manière réservée. Tout cela dans le silence non moins assourdissant de nombreux médias catholiques, en particulier de ceux qui sont les plus proches du pape François. C’est ce que dénonce le P. Bernardo Cervellera, de l’Institut Pontifical des Missions Etrangères qui dirige l’agence AsiaNews, dans son éditorial du 13 novembre, où il s’offusque de l’énième arrestation ces derniers jours de l’un des évêques qui a été le plus héroïque dans son refus de se soumettre au régime communiste chinois ».

Nous reprenons ici de larges extraits de cet éditorial du P. Cervellera : « L’information de la cinquième arrestation en deux ans de Mgr Pierre Shao Zhumin, évêque de Wenzhou, a été passée sous silence. Mis à part pour certains médias espagnols et anglais et quelques rare sites italiens autres qu’AsiaNews, il semblerait que le fait de faire subir des dizaines de journées d’endoctrinement, comme à l’époque de la Révolution culturelle, à un évêque dont la droiture et le courage sont très connus en Chine, ne constitue pas une information digne d’intérêt mais plutôt quelque chose de gênant qu’il vaut mieux taire. (…) 

« Dans le cas de l’évêque de Wenzhou, il ne s’agit pas de fondamentalistes musulmans mais bien de fondamentalistes “de l’indépendance” : ils veulent convaincre cet évêque qu’appartenir à l’Association patriotique, qui a pour but de construire une Eglise “indépendante” du Saint-Siège, serait une bonne chose pour lui, pour l’Eglise et pour le monde. (…) Or, l’appartenance à l’Association patriotique est inconciliable avec la doctrine catholique. D’autant que l’appartenance à l’AP est très contraignante pour la vie d’un évêque : contrôles 24h/24h, vérifications et demandes de permis pour les visites pastorales et pour recevoir des invités, réquisitions pendant des semaines et des mois pour participer à des conférences d’endoctrinement sur la générosité de la politique religieuse de Pékin.

« Je crois que le silence des médias – et en particulier des médias catholiques – est surtout causé par la honte. Il y a quelques mois, le 22 septembre, ils ont tous fait l’éloge de l’accord entre la Chine et le Saint-Siège à un point tel qu’ils ont laissé croire que tout irait à présent pour le mieux. En revanche, admettre que l’Eglise est encore victime de nombreux problèmes de persécutions en Chine constitue un désaveu qu’il est difficile d’admettre, on peut aisément le comprendre.

« Si l’on ajoute ensuite à l’arrestation de cet évêque les églises fermées et placées sous scellés, les croix détruites, les dômes rasés au sol, les sanctuaires démolis, l’interdiction imposée par la police aux personnes âgées de moins de 18 ans de se rendre à l’église ou d’assister au catéchisme, on se rend bien compte à quel point l’accord sur la nomination des évêques – comme nous l’avons dit par le passé – est bon dans la mesure où il évite l’apparition d’évêques schismatiques, mais combien il laisse inchangée une situation dans laquelle l’AP et le Front Uni se considèrent comme étant les véritables chefs de l’Eglise en Chine (et non le pape). Cela est à nouveau confirmé par la leçon que ces deux organes sont en train de faire à des prêtres et à des évêques dans de nombreuses régions de Chine en leur répétant que “malgré l’accord entre la Chine et le Vatican”, l’Eglise doit continuer à être “indépendante” du pape et du Saint-Siège.

« Malheureusement, le fait que cet accord “provisoire”, demeure secret et n’ait jamais été publié permet à la Chine d’en donner sa propre interprétation. Le Front Uni et l’AP contraignent des prêtres et des évêques à s’inscrire à l’Eglise “indépendante” en prétendant que “le pape est d’accord avec nous”, au point que plusieurs catholiques souterrains soupçonnent avec amertume que le Vatican les ait abandonnés dans la tourmente.

« Quelques soi-disant “experts” de la Chine tentent de minimiser les persécutions en prétendant qu’elles ne concerneraient que “quelques endroits”. En réalité, on signale des persécutions dans de nombreuses régions : Hebei, Henan, Zehejiang, Shanxi, Guizhou, la Mongolie intérieure, Xinjiang, Hubei… Sans compter les autres endroits qui n’ont pas été en mesure de relayer l’information.

« Une autre information réductrice consiste à faire croire que ces choses se passeraient en périphérie mais qu’au centre, à Pékin, on voudrait vraiment que l’accord fonctionne. Il n’en reste pas moins qu’en octobre dernier, depuis le congrès du Parti communiste, le Front Uni et l’AP se trouvent sous le contrôle direct du Parti : il est pratiquement impossible que le centre – à commencer par Xi Jinping, le secrétaire général du Parti – ne soit pas au courant de ce qui se passe en périphérie, avec des affaires aussi scandaleuses qu’elles secouent la communauté internationale. (…)

« Cela vaut la peine de rappeler une dernière chose : Mgr Shao Zhumin est évêque d’une Eglise désormais unifiée où il n’y a plus de division entre catholiques officiels et souterrains, justement celle qu’appelait de ses vœux le pape François dans son Message aux Catholiques chinois et à l’Eglise universelle qui a été publié quelques jours après l’accord. Et pourtant, l’Association patriotique, non contente d’avoir séquestré cet évêque, vient ces derniers jours d’interdire aux prêtres “officiels” d’aller se recueillir sur les tombes des prêtres et des évêques “souterrains”. Voilà la preuve que la division de l’Eglise chinoise n’est pas voulue par les catholiques mais bien par le Parti communiste. Cette politique, qui dure depuis 60 ans, ne nous semble pas être en faveur de l’évangélisation de la Chine mais – comme l’Association patriotique l’a déclarée à de nombreuses reprises par le passé – constitue un pas vers la suppression de tous les chrétiens. »

Le 26 novembre, Asianews publiait une lettre ouverte de fidèles du diocèse de Datong (Shanxi) dénonçant l’oppression croissante du gouvernement envers la communauté chrétienne, à la suite de la nouvelle réglementation sur les activités religieuses : les croix détruites, l’église détruite, les réunions réduites, l’incapacité de se procurer des livres religieux... Depuis 2005, le diocèse de Datong est sans évêque. Mgr Taddeo Guo Yingong fut le dernier évêque, mort en 2005, après avoir subi 10 ans de travaux forcés pendant la Révolution culturelle (1966-1976). - Décidément, le communisme demeure intrinsèquement pervers.