Le pape François, les migrants et nous : y a-t-il une solution ?
Devant l’embarras que provoque la parole papale et face aux réactions qu’elle provoque chez ceux qui raisonnent droitement, la question que tout le monde se pose est de savoir s’il existe une solution. Ce dernier article donne les principaux axes d’une réponse adaptée aux défis actuels.
Au terme de ce dossier, il est indispensable de se demander si une solution existe. A cette question, l’ouvrage de l’abbé Grégoire Celier, Un regard chrétien sur l’immigration, donne plusieurs éléments de réponse réalistes et catholiques. En premier lieu, il réhabilite la notion de « charité politique », en écartant l’objection qui dissuaderait le chrétien de rechercher une solution politique au problème de l’immigration.
L’abbé Celier part de l’affirmation d’un membre de la Pastorale des migrants de Marseille, parue dans La Croix du 12 juin 2006 : il faut, déclare ce militant catholique, “faire évoluer la mentalité des chrétiens qui considèrent la situation des migrants comme une question politique, alors que l’accueil de l’autre est au cœur de l’Evangile”.
Quoi de plus pur, en effet, que l’Evangile, et quoi de plus impur que la politique ? Faire passer la politique avant l’Evangile, n’est-ce pas littéralement pécher contre le Saint-Esprit ? Tel est le présupposé de cette affirmation.
Or, cette prétendue opposition entre la charité (l’Evangile) et la politique nous paraît aussi inquiétante que fallacieuse. La notion de “charité politique” est au contraire tout à fait essentielle pour aborder une question comme l’immigration qui touche, non seulement aux relations entre les individus, mais plus directement au bien commun. Ce que cache (et révèle, en même temps) cette opposition entre Evangile et politique, acceptée comme allant de soi par beaucoup de “bons chrétiens”, c’est l’incompréhension du fait que l’homme politique qui agit en vue du bien commun, selon l’ordre politique véritablement juste, procure un bien plus grand, “plus divin” dirait Aristote, que celui qui nourrit un pauvre.
Ignorer que la charité politique soit la plus haute des charités parce qu’elle s’adresse à plus d’hommes et leur fait un bien plus excellent et plus grand, voilà sans doute l’une des principales carences du discours chrétien courant sur l’immigration. (pp. 11-13)
Puis l’abbé Celier va à la racine du mal, refusant les remèdes qui ne font que soigner les symptômes sans guérir leur cause profonde :
Malgré les propositions moralisantes, un peuple qui ne veut plus vivre sera forcément submergé par les peuples jeunes, courageux, prolifiques. Le reste n’est que littérature et bons sentiments. Un peuple qui ne veut plus effectuer lui-même les travaux pénibles sera envahi par les immigrants venus les effectuer. Un peuple qui ne veut plus d’enfants sera envahi par des immigrants plus prolifiques. Un peuple qui ne veut plus se défendre aura une armée composée d’immigrés. Telle est la dure loi de la vie : il n’y a pas de place au banquet de l’humanité pour les peuples vieillards. (...)
La solution est dans une renaissance de nos peuples : par une démographie plus forte, par le goût du travail, par l’amour envers ses propres valeurs, par la fidélité envers notre histoire. Et aussi, par une politique intelligente de co-développement afin de permettre aux populations misérables de rester en paix chez elles. Mais pour une telle renaissance, il faudrait inverser la machine infernale mise en place, disons il y a 130 ans.
Celle qu’ont imaginée les “laïcisateurs” d’après 1876, les Ferry, Gambetta, Buisson, etc. Ils voulaient que la France coupe avec l’Eglise, tout en gardant la morale d’inspiration chrétienne. Ils voulaient que les Français cessent d’être catholiques, mais restent honnêtes, travailleurs, patriotes, polis, obéissants. Seulement, quand on coupe la racine d’un arbre, il ne faut pas s’étonner de le voir mourir. Sans doute, il s’écoulera un certain temps avant qu’il ne se fragilise et ne casse. Mais un jour de tempête, cet arbre s’effondrera sur la maison de son propriétaire. Les Français à qui l’on a dit : “Il n’y a pas de Dieu” ont fini, évidemment, par en tirer les conséquences : “Ni Dieu, ni maître”. Pourquoi être honnête, s’il n’y a pas de sanction divine ? Pourquoi travailler, si l’on peut vivre en ne travaillant pas ? Souvenons-nous de Viviani au moment de la Séparation : “D’un geste magnifique, nous avons éteint dans le ciel des étoiles qui ne se rallumeront plus.” Le siècle écoulé a vu les Français éteindre à leur tour, une à une, les étoiles sur la terre, dans la logique de Viviani. Seule une restauration du christianisme pourrait redonner à notre peuple le goût de vivre pour l’éternité, et avant cela de vivre sur cette terre. La question de l’immigration est une question politique, certes. Mais c’est d’abord une question beaucoup plus grave, pré-politique : notre peuple a-t-il encore le goût de vivre et d’être lui-même, et pour cela de faire les efforts proportionnés ? S’il s’abandonne au doux sommeil du déclin, il finira inéluctablement par disparaître, submergé par les peuples jeunes qui réclament leur part du gâteau de la vie. (pp. 64-67)
Abbé Grégoire Celier, Un regard chrétien sur l’immigration, Via Romana, 2007, 68 p., 10€
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(Source : NDC n°169 - FSSPX.Actualités - 06/04/2019)
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