Un témoignage inédit : l’Eglise en Chine vue de l’intérieur
L’Eglise catholique chinoise a-t-elle changé depuis l’accord conclu entre la Chine et le Vatican ? La situation s'est-elle améliorée ou détériorée ? A ces questions, Lio Ruohan - nom de plume d’un opposant au régime communiste, inquiet pour la situation des catholiques dans le pays - livre sa réponse le 5 novembre 2019, dans les colonnes d’Asianews, l’agence officielle de l’Institut pontifical des missions étrangères (PIME).
Les lignes qui suivent constituent le compte-rendu de la tournée récente accomplie par Li Ruohan dans plusieurs diocèses de l’empire du Milieu. Les sous-titres sont de la rédaction de FSSPX.Actualités.
Une persécution qui rappelle la dynastie des Qing
« A ce jour, le gouvernement chinois promeut la sinisation, la soumission à la culture chinoise d'expressions religieuses, qui ressemble beaucoup à la politique de l'empereur Kangxi au moment de la controverse rituelle chinoise [au début du XVIIIe siècle].
« Toutes les religions, en particulier les catholiques et les protestants, doivent obéir à cette politique et la respecter. Dans la province du Fujian, l'archidiocèse de Fuzhou est confronté à la persécution et à la violence : presque toutes les églises appartenant à l’Eglise dite “souterraine” ont été fermées, en particulier à Fuqing.
« Le gouvernement continue de forcer les « prêtres souterrains » à adhérer à l'Association patriotique. Déjà, Pie XII - dans son encyclique Ad Apostolorum Principis - enseignait que cette association avait pour but de pousser progressivement les catholiques à embrasser les fondements du matérialisme athée, à renier Dieu et à rejeter les principes de la vraie religion.
« Aujourd’hui encore, cette association est considérée comme contraire à la doctrine catholique et à la conscience des gens ».
La jeunesse visée en premier
« Dans la province du Jiangxi, des actes de persécution ont été perpétrés, en particulier dans le diocèse de Yujiang.
« Les représentants des autorités locales ont à plusieurs reprises fait irruption dans les églises lors des offices, afin d’en exfiltrer par la force les enfants et les jeunes de moins de 18 ans.
« Partout en Chine, l’interdiction de procurer une instruction religieuse publique aux enfants de moins de 18 ans est désormais effective ».
Un progrès vers la persécution générale
« Pour parvenir à ses fins, le gouvernement se bat à la fois contre les communautés officielles et souterraines, même si les plus touchées sont les secondes. Le gouvernement a également contraint par la force des prêtres non officiels à quitter le ministère et leurs paroisses.
« Les maisons privées peuvent désormais être considérées comme des “lieux de culte illégaux”, de sorte que les catholiques risquent des amendes et des peines de prison s'ils s'y rassemblent.
« Certains ont pu croire que la persécution dans le Jiangxi et le Fujian a été facilitée par le fait que les catholiques y sont en nette minorité. (…) Mais à l’heure actuelle, les nouvelles réglementations sont appliquées dans tout le pays, même dans des endroits comme le Hebei et le Shanxi, où les catholiques représentent un pourcentage non négligeable de la population ».
Les leçons de l’histoire
« Depuis l'accord sino-vatican, la persécution n'a pas diminué, au contraire, elle s'est aggravée. Le gouvernement continue à rêver comme s'il était à l'époque de la dynastie Qing : l'autorité du pape doit être sous l'ombre de l'empereur ; l'Eglise fait partie des structures de l'Etat et doit obéir à l'autorité du pouvoir politique.
« Le gouvernement pense que le christianisme constitue un corps étranger et, par voie de conséquence, un élément potentiellement dangereux. Si les chrétiens veulent vivre en Chine, ils doivent accepter les principes de la sinisation. Le but est de forcer les chrétiens, catholiques et protestants, à accepter l'autorité de l'Etat au-dessus de Dieu et de la foi.
« Le Parti communiste chinois (PCC) sait que les religions ne peuvent être détruites du jour au lendemain. Ceci apparaît de façon évidente dans un document du Comité central du PCC de 1982 qui déclarait : “quiconque pense qu'avec la mise en place d'un système socialiste comportant un certain degré de progrès économique et culturel, les religions mourront à court terme, manque de réalisme. Ceux qui s'appuient sur des décrets administratifs ou d'autres mesures coercitives pour effacer les pensées et les pratiques religieuses privées sont encore plus éloignés d'une vision marxiste fondamentale de la question religieuse. Ils ont complètement tort et produisent des dégâts considérables” ».
« En pratique, la soi-disant sinisation consiste en une nouvelle tentative de soumettre toutes les religions, en leur faisant accepter l’idéologie communiste et en les poussant à abandonner leur foi. Nous devrions tirer les leçons de l’histoire ».
(Source : Asianews - FSSPX.Actualités - 20/11/2019)