Chine : Sacre de deux évêques « patriotiques » contre l’avis du Vatican

Fuente: FSSPX Actualités

Dimanche 30 avril, le quotidien chinois Ta Kung Pao a rapporté les propos du porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères. "Le Vatican ne devrait pas s’ingérer dans les affaires politiques de la Chine, y compris les affaires religieuses", a-t-il affirmé en précisant que le Vatican devait rompre avec Taïwan pour envisager une normalisation des relations avec Pékin.

 Ce même jour, le père Joseph Ma Yinglin,  membre de l’Eglise catholique officielle de Chine a été sacré évêque de Kunming, province du Yunnan, sans l’accord de Benoît XVI. Le Saint-Siège s’y est opposé en raison de son expérience pastorale jugée insuffisante et de sa trop grande proximité avec le pouvoir communiste à travers l’Association patriotique des catholiques chinois. Ce prêtre, âgé de 40 ans,  réside à Pékin où il exerce la charge de secrétaire général du Conseil des évêques de Chine, assimilé à la Conférence des évêques "officiels".  Le père Ma est également l’un des vice-présidents de l’Association patriotique, député du clergé catholique à la Conférence consultative politique du peuple chinois et recteur du grand séminaire " officiel " de Shijiazhuang, dans la province du Hebei. Il a, par ailleurs, été élu en 2005 président de l’Association patriotique des catholiques chinois de la province du Yunnan.

 Le 3 mai, le père Joseph Liu Xinhong a été sacré évêque "officiel" de Wuhu, province de Anhui dans l’Est de la Chine, également sans l’accord du pape. Agé de 41 ans, le père Liu est membre de l’Eglise catholique "officielle" de ce diocèse.

 Le même jour, l’agence I.MEDIA a révélé que, selon des sources diplomatiques, la décision de sacrer deux évêques chinois avait été prise par "les plus hautes autorités chinoises". Il était précisé que  le sacre du père Ma Yinglin était "inévitable" pour assurer la succession d’un des évêques âgés ou malades de l’Eglise officielle parmi lesquels Mgr Michael Fu Tieshan, président de l’Association patriotique.

 Le cardinal Joseph Zen Ze-Kiun, évêque de Hong Kong, a alors déclaré à la BBC : "Le Vatican devrait suspendre les négociations, puisque Pékin a rompu la confiance placée en lui". "Entamer des négociations tout en imposant au Saint-Siège un fait accompli est vraiment déloyal", a-t-il poursuivi. "En nommant ses évêques à la hâte et illégalement, l’Association patriotique a cherché à imposer son choix". "C’est très grave, a ajouté le cardinal, et cela devrait entraîner une réaction très ferme" de la part du Vatican.

 Mgr Zen a par ailleurs dénoncé l’action de ceux qui exercent des pressions sur les évêques "officiels" de Chine pour les obliger à prendre part aux sacres épiscopaux « patriotiques ». A ce sujet le cardinal avait précisé, le 24 mars, à la chaîne de télévision italienne Rai Uno que la nouvelle génération d’évêques en Chine n’acceptait plus de se faire ordonner sans la reconnaissance du Saint-Siège, malgré les pressions exercées par le gouvernement.

En effet, tout prêtre et évêque membre de l’Eglise officielle doit jurer fidélité à l’Etat. "Il y a un tel contrôle que la situation n’est pas compréhensible hors de la Chine", avait déclaré le cardinal.

 Selon Eglises d’Asie, les deux prêtres ont préalablement été informés de l’opposition de Rome à leur accession à l’épiscopat. La revue mentionne que les fidèles « clandestins », nombreux dans la province d’Anhui, ainsi que les fidèles de l’Eglise officielle ne reconnaîtront pas l’évêque de Wuhu refusé par Rome. Un responsable d’une communauté « clandestine » a précisé que l’évêque serait isolé dans son diocèse.

 Le Saint-Siège « surpris » par ces deux ordinations épiscopales illégales

 L’agence I.MEDIA a rapporté les propos tenus au Vatican : "Nous ne savons pas" ce que les autorités chinoises veulent, "nous essayons de comprendre"."Même les catholiques sur place ne donnent pas d’explications", et la raison des ces ordinations sans autorisation reste "un mystère"."Ce sont là des actes graves contre l’Eglise". Un même "geste hostile et violent" envers le Saint-Siège remonte au 6 janvier 2000 avec l’ordination de cinq évêques à Pékin.

Il est souhaitable que cette attitude "ne dure pas" afin d’éviter une "guerre ouverte" de l’Etat chinois "contre l’Eglise, comme ce le fut en 1958". Ces actes sont "des obstacles" à la normalisation des relations diplomatiques rompues en 1951 entre le Saint-Siège et la Chine.

 Ce sont, a précisé le Vatican, deux cas "de fortes pressions, de démonstration de force, de menace". "Tout cela est dû aux pressions du gouvernement, et non à des pressions de l’Eglise patriotique". Ainsi, les ordinations ont été imposées aux catholiques chinois et ils ont été "forcés à y assister". - Selon l’agence AsiaNews, le Saint-Siège aurait fait, le 2 mai 2006, une ultime tentative pour empêcher l’ordination épiscopale de Liu Xinhong.

 Le 4 mai, le Vatican s’est exprimé dans une déclaration signée du Dr Joaquin Navarro-Valls, directeur de la Salle de presse du Saint-Siège : « (… ) Le Saint-Père a appris ces nouvelles avec un profond déplaisir étant donné qu’un acte aussi important pour la vie de l’Eglise qu’une ordination épiscopale, a été accompli dans les deux cas, sans respecter les exigences de la communion avec le pape. Il s’agit d’une grave blessure contre l’unité de l’Eglise, pour laquelle, on le sait, sont prévues de sévères sanctions canoniques (cf. Code de droit canonique, canon 1382).

 « Selon les informations reçues, des évêques et des prêtres ont été soumis à de fortes pressions et à des menaces de la part d’organismes extérieurs à l’Eglise, dans le but de les faire participer à ces ordinations épiscopales, qui, étant dépourvues du mandat pontifical, sont illégitimes et, en outre, contraires à leur conscience. Certains prélats ont opposé un refus à ces pressions, tandis que d’autres n’ont pu que les subir avec une grande souffrance intérieure. Des épisodes de ce type produisent des déchirures non seulement dans la communauté catholique, mais aussi à l’intérieur même des consciences. [ndlr : l’article 1324 du Code de droit canon stipule que n’est pas frappé d’une excommunication latæ sententiæ celui "qui a agi forcé par une crainte grave"].

 « On se trouve donc face à une grave violation de la liberté religieuse, malgré la tentative de présenter les deux ordinations épiscopales comme un acte nécessaire pour donner un pasteur à des diocèses vacants ».

 Le Dr Navarro Valls  a poursuivi : « Le Saint-Siège considère maintenant de son devoir précis de donner une voix à la souffrance de toute l’Eglise catholique, en particulier à celle de la communauté catholique de Chine, et spécialement à la souffrance des évêques et des prêtres, qui se voient obligés – contre leur conscience – à accomplir des ordinations épiscopales et à y participer, alors que ni les candidats, ni les évêques consacrants ne veulent le faire sans avoir reçu le mandat pontifical.

 « Si la nouvelle selon laquelle d’autres ordinations devraient avoir lieu selon les mêmes modalités correspond à la vérité, le Saint-Siège répète la nécessité du respect de la liberté de l’Eglise et de l’autonomie de ses institutions par rapport à toute ingérence extérieure, et il souhaite donc vivement que de tels actes, inacceptables, de coercition inadmissible ne se répètent pas.

 « Le Saint-Siège a répété à différentes occasions, sa disponibilité pour un dialogue honnête et constructif avec les autorités chinoises compétentes pour trouver des solutions qui satisfassent les exigences légitimes des deux parties. Des initiatives comme celles mentionnées ci-dessus non seulement ne favorisent pas ce dialogue, mais y mettent au contraire de nouveaux obstacles ».

 Selon l’agence AsiaNews Anthony Liu Bainian, un des vice-présidents de l’Association patriotique des catholiques chinois (APCC) aurait prévu une vingtaine d’ordinations similaires afin de pourvoir les diocèses vacants – au nombre d’une quarantaine.      

 Le 6 mai dernier le Bureau des Affaires Religieuses du gouvernement chinois a condamné la déclaration du Saint-Siège. Le Bureau a affirmé  que ces propos étaient sans fondement et dénués "de sens". Déclarant adopter "un dialogue franc et sincère avec le Vatican”, il a assuré que l’élection des nouveaux évêques répond à "une nécessité urgente” pour l’Eglise de Chine, dont "40 diocèses ont des sièges vacants". Pékin a précisé que là "où il n’y a pas d’évêque, il n’y a pas d’Eglise". Ainsi, le gouvernement chinois a affirmé vouloir apporter une "contribution à l’évangélisation", en rappelant que "depuis plus d’un demi-siècle" en Chine le choix et le sacre des évêques se fait de façon autonome.

 Dimanche 7 mai, le père Paul Pei Junmin, 37 ans, a été sacré évêque coadjuteur avec l’accord du Vatican à la  cathédrale du Sacré-Cœur de Shenyang, province du Liaoning dans le nord-est de la Chine. Le jeune évêque a été l’un des premiers prêtres chinois envoyés à l’étranger pour étudier. - Ordonné en 1992, le P. Pei fut envoyé aux Etats-Unis un an après par son évêque pour étudier l’Ecriture Sainte.

 Le cardinal Joseph Zen Ze-kiun, évêque de Hong Kong, a publié une déclaration écrite en chinois le 8 mai, reproduite en anglais par l’agence Asianews. Mgr Zen y a confirmé que "tout candidat sacré évêque sans l’accord du Saint-Siège connaît une situation malaisée : en règle générale les prêtres refusent de concélébrer avec lui et les fidèles s’en tiennent éloignés". Plus loin le cardinal a affirmé qu’"en Chine, il y a une seule Eglise catholique et tous ses membres veulent être guidés par le pape". Pour démontrer l’inexactitude des affirmations de Pékin, l’évêque de Hong Kong a précisé qu’en Chine, ces 20 dernières années, un nombre croissant d’évêques, de prêtres et de fidèles se sont battus pour que les évêques aient l’approbation du pape. Mgr Zen a qualifié la récente décision d’ordonner deux évêques sans l’aval du Saint-Siège : une décision "obscurantiste" qui fait reculer  le cours de l’histoire chinoise et des liens entre la Chine et le Vatican.