Au Nicaragua, la pression s’accentue sur l’Eglise

16 Mai, 2022
Provenance: fsspx.news
Le président Ortega (au centre) et sa femme, et un délégué de l’Equateur

Amendes exorbitantes, confiscations de biens : l’étau risque de se resserrer autour de l’Eglise catholique au Nicaragua depuis que le chef de l’Etat a avancé un projet de loi criminalisant toute prise de position critique par rapport au régime, visant particulièrement les membres du clergé.

Le processus ressemble étrangement à celui qui se déroule à Hong Kong. Cela a commencé en octobre 2020 avec le vote de deux lois : la Loi de réglementation relative aux agents étrangers et la Loi spéciale sur les délits en ligne, qui ont limité fortement la liberté d’association et d’expression. Ces deux lois ont permis la fermeture de plus de 125 organisations non gouvernementales (ONG) depuis leur promulgation, ainsi que de journaux d’opposition.

En décembre 2020 l’Assemblée nationale vote la Loi de défense des droits du peuple à l’indépendance, la souveraineté, et l’autodétermination dans une optique de paix. Elle a permis de cibler les opposants au régime. C’est ainsi que cinq candidats déclarés ou putatifs ont été emprisonnés ou détenus à domicile avant l’élection présidentielle de 2021.

Daniel Ortega entend maintenant faire payer le prix fort à l’Eglise nicaraguayenne, accusée d’avoir soutenu les manifestations de 2018 qui ont vu vaciller le pouvoir que l’ancien révolutionnaire sandiniste a confisqué – avec son épouse – en 2016, après un scrutin présumé truqué.

Le couple présidentiel, que ses opposants affublent du sobriquet de « Ceausescu de l’Amérique latine », vient de proposer de renforcer les sanctions encourues par les personnes reconnues coupables « d’atteinte à l’intégrité nationale, et trahison de la patrie » : entendez le fait de contredire ouvertement le régime.

Il ne s’agit pas véritablement d’une nouvelle loi, mais d’un renforcement de peines. Le « complot visant à porter atteinte à l’intégrité nationale au détriment de la société nicaraguayenne et de l’État du Nicaragua » est un crime établi par les articles 410 et 412 du Code pénal. Les peines prévues se verraient renforcées et d’autres ajoutées.

Ainsi le clergé pourrait se voir confisquer ses biens, par l’introduction d’un nouveau concept juridique, « l’extinction du droit de propriété », pour le religieux condamné dans le cadre de la loi.

La députée sandiniste Maria Auxiliadora Martinez, en sa qualité de présidente de la Commission justice au parlement, a justifié la modification apportée au Code, parce que, selon elle « les hommes d’Eglise qui sont visés n’ont pas agi en tant que représentants du Christ, mais par haine du sandinisme et de toute personne liée au gouvernement d’unité et de réconciliation nationale ».

Pour le couple présidentiel, les opposants au régime, qualifiés de « pharisiens » ou de « démons ensoutanés » s’il s’agit de prêtres, sont les agents d’une déstabilisation ourdie avec la complicité de l'Eglise catholique et de Washington : un raccourci qui se nourrit de l’attitude de certains membres du clergé, qui ressemble parfois plus à une opposition politique qu’à un ministère ecclésiastique.

Quoiqu’il en soit, l’étau se resserre toujours davantage autour de l’Eglise : dans son homélie du 23 avril 2022, le cardinal Leopoldo Brenes, archevêque de Managua et figure emblématique du catholicisme nicaraguayen, n’a pas hésité à dénoncer les « persécutions » dont sont victimes les chrétiens, ainsi que les nombreuses « destructions » d’églises dans le pays.

Le 8 mai dernier, le haut prélat a fait référence à la nouvelle disposition mettant le clergé dans le viseur de la justice : « certains, avec leurs paroles grotesques s’attaquent à ceux qui sont les Paul et les Barnabé d’hier, c’est oublier que l’Eglise n’est pas conduite par les hommes mais par le Saint-Esprit, et qu’elle continue d’avancer malgré la calomnie et la persécution dont elle est victime ».

Pour mémoire, l’Assemblée nationale du Nicaragua est contrôlée par le parti au pouvoir, le Front sandiniste de libération nationale (FSLN), dirigé par Daniel Ortega, qui a une majorité de 75 députés sur 91 parlementaires. La réforme la plus récente du Code pénal a été approuvée en janvier 2021 et a intégré l’emprisonnement à vie, à la suite d’une réforme constitutionnelle.