
Dans un entretien accordé à L’Osservatore Romano du 28 mars (2007), le cardinal Dario Castrillón Hoyos, président de la Commission pontificale Ecclesia Dei, formule une double appréciation sur les réactions au Motu Proprio.
De façon inversement proportionnelle, selon qu’il s’agit des réactions des évêques ou de celles des traditionalistes, il minimise l’hostilité des premiers et amplifie la satisfaction des seconds, oubliant qu’une animosité mitrée ne peut guère provoquer un élan enthousiaste de la part des fidèles visés.
Selon le cardinal Castrillon Hoyos, les difficultés soulevées par l’attitude des évêques ne sont que des exceptions, car la majeure partie d’entre eux est d’accord avec la décision du pape. Les difficultés sont plutôt d’ordre pratique : il est nécessaire de leur faire comprendre qu’il ne s’agit pas d’un retour au passé mais bien d’un progrès, puisque le Motu Proprio met à leur disposition deux richesses – les deux formes ordinaire et extraordinaire -, là où ils n’en avaient qu’une jusqu’à présent. Certes des problèmes se posent, mais dans un sens positif. Par exemple, le cas d’un célébrant qui n’aurait pas la préparation ou la sensibilité culturelle requise, car il y a des prêtres originaires d’aires linguistiques très éloignées de la latinité ; cela ne constitue pas un refus, ce n’est que la présentation d’une vraie difficulté qui doit être surmontée. C’est pourquoi la Commission Ecclesia Dei réfléchit déjà au moyen de venir en aide aux séminaires et aux diocèses dans la formation à la célébration traditionnelle, selon des modalités qui sont encore à l’étude.
Le cardinal Hoyos affirme que les difficultés constatées s’expliquent plutôt par une certaine méconnaissance du Motu Proprio de la part de ses destinataires, les prêtres et les fidèles. Ainsi certains demandent la permission de célébrer ou d’assister à la messe tridentine, comme s’il s’agissait d’une concession ou d’un cas exceptionnel, alors que le document du pape est clair : il n’y a pas besoin de permission. Car Benoît XVI offre à tous les prêtres la possibilité de célébrer la messe traditionnelle et aux fidèles le droit d’assister à ce rite selon les conditions spécifiées dans le Motu Proprio.
A propos des catholiques attachés à la messe tridentine, le prélat colombien affirme que, grâce au Motu Proprio, nombreux sont ceux qui ont demandé de revenir à la pleine communion et que certains sont déjà revenus. Mais il ne cite que la trentaine de religieuses de l’Oasis de Jésus Prêtre en Espagne, et parle sans donner de précision de groupes d’Américains, d’Allemands et de Français en voie de régularisation. Il évoque le cas de prêtres de la Fraternité Saint-Pie X ayant déjà signé une formule d’adhésion nécessaire à leur réintégration, mais ces signatures ont été données pour la plupart avant le Motu Proprio.
S’agissant du Concile Vatican II, la critique qu’en fait la Fraternité Saint-Pie X porte, aux yeux du cardinal, sur le manque de clarté de certains textes, ce qui ouvre la voie à une interprétation divergente au regard de la doctrine traditionnelle. Selon lui, les difficultés ne sont qu’interprétatives, ou elles ne portent que sur quelques gestes œcuméniques, mais pas sur l’enseignement de Vatican II lui-même. Aussi considère-t-il qu’il s’agit de discussions théologiques qui peuvent avoir lieu à l’intérieur de l’Eglise, où existent déjà plusieurs discussions ayant pour but d’interpréter les textes conciliaires. Rien n’empêche que ces discussions se poursuivent avec les groupes qui reviennent à la pleine communion.
(Source : L’Osservatore Romano)
Notre commentaire :
« Le cardinal Castrillón Hoyos très optimiste », titre l’agence Apic. Nous ajouterions : diplomatiquement irénique, avec une ruse qui s’apparente à une manœuvre. Nous préférerions de beaucoup le réalisme du parler vrai où le oui est oui, et le non est non.
Non, les évêques ne méconnaissent pas la portée du Motu Proprio, et c’est en connaissance de cause qu’ils s’emploient à le vider de son contenu, en ne concédant parcimonieusement que des messes à indult, autrement dit la liturgie traditionnelle en liberté étroitement surveillée.
Non, la critique du concile par la Fraternité Saint-Pie X n’est pas une simple affaire d’interprétation subjective : en face des innombrables herméneutiques demeure l’objectivité des documents conciliaires sur la liberté religieuse, la collégialité et l’œcuménisme qui avant d’être une série de « gestes », est une doctrine réfutée par la Tradition constante de l’Eglise.
Oui, les évêques de la Fraternité Saint Pie X reconnaissent l’existence historique de Vatican II, mais n’ont jamais varié dans leur critique sur les erreurs de ce concile. Et Mgr Bernard Fellay n’a abordé la reconnaissance de Vatican II ni devant le pape Jean-Paul II ni devant son successeur.