
La dernière passe d’armes, par articles de presse interposés, entre l’évêque de Springfield (Illinois) et celui de San Diego (Californie) met à nouveau en lumière les lignes de fractures qui traversent l’épiscopat américain sur plusieurs points de doctrine et de morale catholiques.
« Malheureusement, il n’est pas rare aujourd’hui d’entendre des membres de la hiérarchie catholique affirmer des opinions peu orthodoxes qui, il n’y a pas si longtemps encore, n’auraient été professées que par des hérétiques. » L’évêque de Springfield ne mâche pas ses mots.
Dans un billet d’humeur paru le 28 février 2023 sur le site de First Things – mensuel catholique conservateur outre-Atlantique – Mgr Thomas Paprocki n’a pas hésité à s’attaquer, sans le nommer directement, à l’un de ses confrères, le cardinal Robert McElroy, évêque de San Diego, un haut prélat on ne peut plus « bergoglien ».
Ce dernier avait cru bon de publier une tribune au mois de janvier dernier dans la revue progressiste America Magazine, dans laquelle il défendait ouvertement les poncifs les plus hétérodoxes : accès des « divorcés remariés » et des couples homosexuels à la communion sacramentelle, place des femmes dans la hiérarchie ecclésiastique, etc.
Dans un entretien accordé le 1er mars 2023 à Catholic News Agency, Mgr Paprocki précisait qu’il ne visait personne en particulier dans l’article publié par First Things : « Je n’ai intentionnellement pas mentionné de nom parce que je ne veux pas que l’on se focalise sur telle personne en particulier, mais plutôt sur les points de la doctrine catholique qui sont niés », a-t-il déclaré.
Une précaution de langage qui ne trompe personne, car l’évêque de Springfield reprend un à un, pour les démolir, les arguments développés par le cardinal McElroy : « N’est-il pas contraire à la foi catholique et donc hérétique de dire que les péchés sexuels ne constituent pas une matière grave ?
« N’est-il pas contraire à la foi catholique et donc hérétique de dire que l’on peut recevoir la Sainte Communion malgré avoir commis un péché grave sans se repentir ? Si oui, quelles sont les implications canoniques de telles hérésies ? C’est pourquoi mon article s’intitule “Imaginez un cardinal hérétique” et non “J’accuse un cardinal hérétique”. »
On ne peut que se réjouir devant la lucidité de l’évêque de Springfield. Le même prélat s’est également distingué quelques jours plus tôt en critiquant le flou du dernier rescrit romain restreignant la messe traditionnelle, et en tressant des lauriers aux fidèles attachés à la Messe de toujours : « Ce sont des personnes très dociles aux enseignements de l’Eglise, très désireux de les mettre en pratique ; ce sont des catholiques très fidèles », a-t-il souligné.
Le cardinal McElroy a pour sa part répondu à son contradicteur, sans le nommer également, à grand renfort de citations des papes François, Benoît XVI et Jean-Paul II prises hors de leur contexte, en s’appuyant de façon dialectique sur la distinction entre dimension doctrinale et attitude pastorale, cette dernière s’apparentant dans son discours à une forme de permissivité généralisée.
La passe d’arme à fleurets mouchetés entre les deux prélats, a en tout cas mis une nouvelle fois en lumière les lignes de fractures qui traversent l’épiscopat américain. Lignes que le nouveau président de la Conférence des évêques des Etats-Unis, élu le 15 novembre 2022, le conservateur Timothy Broglio, entend résorber sans céder aux sirènes du progressisme.
Quadrature du cercle diront certains, mais « mission impossible » rime parfois avec « success story » outre-Atlantique…