
Deux membres de l’Académie pontificale pour la vie ont été critiqués pour avoir publiquement appelé à soutenir le suicide assisté comme tactique pour empêcher la légalisation de l’euthanasie volontaire en Italie.
Le Jésuite Carlo Casalone, professeur de théologie morale à l’Université pontificale grégorienne, a exposé sa thèse dans un article publié le 15 janvier par La Civiltà Cattolica – le périodique jésuite dont les articles sont approuvés par la Secrétairerie d’Etat.
Le père Casalone a suggéré d’invoquer le principe des « lois imparfaites », selon lequel, dans certains cas, il est licite pour un politicien catholique de voter en faveur d’une loi qui restreint une loi déjà existante et contraire à l’enseignement de l’Eglise, par exemple en votant pour réduire la période légale d’avortement de 24 à 16 semaines.
Il a estimé que ce principe pourrait s’appliquer à la promotion du suicide assisté, considéré comme un moindre mal, afin d’empêcher le plus grand mal qu’est l’euthanasie volontaire.
Son point de vue a été soutenu par Marie-Jo Thiel, professeur d’éthique à l’Université de Strasbourg et membre de l’Académie, qui a écrit dans Le Monde du 31 janvier que la suggestion du Père Casalone était un signe d’un changement plus large dans la position de l’Eglise.
Enfin, Mgr Renzo Pegoraro, président de l’Académie, a déclaré que, des deux possibilités, « le suicide assisté est celui qui limite le plus les abus car il serait accompagné de quatre conditions strictes : la personne qui demande de l’aide doit être consciente et capable de l’exprimer librement, être atteinte d’une maladie irréversible, éprouver des souffrances insupportables et dépendre d’un traitement de maintien en vie tel qu’un respirateur ».
Situation actuelle en Italie
La Cour constitutionnelle a légalisé le suicide assisté dans des conditions très spécifiques et bien définies en 2019, ce qui a conduit des militants pro-euthanasie à demander un référendum national sur l’euthanasie volontaire.
Leur campagne a abouti ce mois de février : une pétition de 1,2 million de signatures de défenseurs de l’euthanasie, dépassant largement les 500 000 nécessaires pour organiser un vote populaire en vue de modifier les lois existantes, a été déposée devant la Cour constitutionnelle.
Cette dernière l’a rejetée le 15 février, faisant valoir qu’une modification du droit pénal italien pour autoriser l’euthanasie volontaire ne garantirait pas « la protection minimale constitutionnellement nécessaire de la vie humaine, en général, et en particulier des personnes faibles et vulnérables ».
Réaction du cardinal Eijk
Le cardinal Willem Eijk, médecin et membre de l’Académie, a fermement rejeté ces propositions en faveur du suicide assisté. L’archevêque d’Utrecht a fait valoir qu’il n’y a « aucune différence morale significative » entre suicide médicalement assisté et euthanasie volontaire, « ni du côté du patient ni de celui du médecin » : tous deux portent « la même responsabilité morale » dans l’exécution d’un meurtre.
Le cardinal a déclaré au National Catholic Register (NCR) que l’argument selon lequel en autorisant la législation du suicide assisté, on pourrait empêcher la législation de l’euthanasie « n’a aucun sens ». « On ouvrirait simplement et automatiquement la voie à la légalisation de l’euthanasie, car la différence éthique entre les deux n’est pas significative », a-t-il ajouté.
Le cardinal Eijk a également rejeté l’argument des « lois imparfaites » dans ce cas. Il a souligné que le principe a été soulevé par Jean-Paul II dans Evangelium Vitae (73) dans le contexte de la restriction de l’avortement, et il a précisé que « le vote d’une loi par laquelle le suicide médicalement assisté est autorisé n’implique en aucun cas une restriction à la légalisation de l’euthanasie ».
Un autre membre de l’Académie, Jean-Marie Le Méné, président de la Fondation Lejeune, a également réagi. Il a critiqué ses deux confrères dans un commentaire publié dans Le Figaro, déclarant que « c’est une chose que des personnes expriment leur opinion personnelle, c’en est une autre d’utiliser leurs positions pour engager officiellement l’Académie pontificale pour la vie ».
Il a également fait mention de l’application du n. 73 d’Evangelium Vitae à ce cas : il s’agirait, selon lui, de « promulguer délibérément une loi mauvaise pour éviter une autre loi future, qui serait plus mauvaise ». Mais « la loi qu’elle est censée éviter finira par passer encore plus vite », a-t-il prévenu.
M. Le Méné a précisé que les membres de l’Académie sont liés par ses statuts, notamment l’article 5 §5 (b), qui stipule que les académiciens doivent « s’engager à promouvoir et à défendre les principes relatifs à la valeur de la vie et à la dignité de la personne humaine, interprétés de manière conforme au magistère de l’Eglise ».
Or, a-t-il ajouté, soutenir une législation en faveur du suicide assisté « est un écart » par rapport à cette prescription. Questionnée par le NCR au sujet de cette violation de ses statuts, l’Académie n’a pas donné de réponse.