La Floride réplique aux attaques de Disney contre sa loi sur le genre

23 Avril, 2022
Provenance: fsspx.news
Ron DeSantis, gouverneur de Floride

Disney, la multinationale américaine du divertissement, vient d’apprendre à ses dépends – et le mot est parfaitement choisi en ce cas – qu’il ne faut pas affronter le gouverneur d’un Etat et le menacer, parce qu’il a tenu bon sur ses convictions politiques.

Ron DeSantis, le gouverneur républicain de Floride, a prévenu Disney qu’il ne tolérerait pas ses menaces après qu’il ait adopté une loi empêchant l’endoctrinement LGBT dans les première classes de scolarisation – jusqu’à l’âge de 8-9 ans.

En juin dernier, DeSantis s’était déjà exprimé ouvertement sur les entreprises qui font de la politique en faveur de certaines idéologies : « Si tu es dans l’une de ces sociétés, si tu es un PDG éveillé et que tu veux t’impliquer dans nos affaires législatives, vois, c’est un pays libre. Mais comprends bien que si tu fais ça, je vais me battre avec toi. Et je vais m’assurer que les gens comprennent tes pratiques commerciales, et tout ce que je n’aime pas dans ce que tu fais. »

Le PDG de l’entreprise, Bob Chapek, sous la pression de ses employés, a en effet déclaré que la loi « n’aurait jamais dû être adoptée » et a dit que l’objectif de l’entreprise est de la faire « abroger par le corps législatif ou de l’annuler au tribunal ». En même temps, il s’est excusé auprès de ses employés pour avoir gardé le silence et choisi de faire campagne contre la loi « en coulisse ».

Un régime très spécial

Disney bénéficie en Floride, où la compagnie a fondé son plus ancien parc, de privilèges de quasi-extraterritorialité. Le Reedy Creek District abrite six parcs à thème, 18 hôtels pour 24.000 chambres et de nombreux complexes sportifs, tous détenus et gérés par le géant du divertissement.

Or, depuis 1967, date de la première fondation, Disney jouit d’une exemption qui rend la société quasi indépendante de l’Etat sur ce territoire de plus de 100 km2. Ce statut spécial a permis à l’entreprise d’économiser des centaines de millions de dollars en impôts.

Retour sur une loi contestée par le lobby LGBT et la Maison blanche

Le gouverneur Ron DeSantis a signé, le lundi 28 mars 2022, une loi interdisant d’enseigner des sujets en lien avec l’orientation sexuelle ou l’identité de genre à l’école primaire à partir du 1er juillet. La communauté LGBT s’est senti atteinte.

« Nous allons nous assurer que les parents puissent envoyer leurs enfants à l’école pour qu’ils apprennent, pas pour qu’ils soient endoctrinés », a lancé le gouverneur avant d’apposer sa signature. Un certain nombre d’entreprises, dont Disney, a pris position publiquement contre la loi.

« Je ne vais pas laisser une entreprise “woke” établie en Californie gérer notre État », réplique Ron DeSantis. « Disney a cru qu’il gouvernait la Floride. Il a même essayé de m’attaquer pour faire avancer son programme politique “woke” », a-t-il renchéri.

Un impact limité… à court terme

Le principal avantage du statut spécial évoqué plus haut est réglementaire : la société ne sera donc pas affectée à court terme. D’autant que la loi n’entrera en vigueur que le 1er juillet. Ainsi une négociation est encore possible, et le statu quo pourrait éventuellement être maintenu.

A condition, exige le gouverneur, que Disney renonce à influencer le programme éducatif de l’Etat où il paye chaque année quelque 780 millions de dollars d’impôts et emploie plus de 70.000 personnes. Bob Chapek avait vu juste en soulignant que l’entreprise risquait gros en prenant position contre ce texte.

La morale élastique de Disney

Dans un article publié dans Le Figaro du 22 avril 2022, la manière de faire très utilitariste de Disney est épinglée. De fait, « Disney met de plus en plus en avant dans ses productions destinées aux pays occidentaux les valeurs néo-progressistes. Qui disparaissent par enchantement sur les marchés chinois ou arabes, particulièrement conservateurs dans le domaine des mœurs ».

C’est ainsi que Karey Burke, présidente de la filiale TV de la 20th Century Fox – propriété de Disney depuis son rachat en 2019 – a affirmé qu’elle souhaitait que « 50% des personnages des futurs films soient gays ou issus des communautés LGBTQIA ».

Ce projet a été formulé lors d’un panel vidéo Reimagine Tomorrow (Réimaginons demain), une plate-forme lancée en 2020 et dont le but est « d’amplifier les voix sous-représentées et les histoires inconnues ». Derrière cet intitulé, une noble cause : réaffirmer « l’engagement de longue date de Disney en faveur de la diversité, de l’équité et de l’inclusion ».

L’affaire de Floride n’est certes pas étrangère à une telle prise de position. Mais elle manifeste, selon Le Figaro, « un renouvellement, pour ne pas dire un déséquilibre, né dans ces “grandes entreprises occidentales qui participent, aux côtés de la puissance publique et de la société civile, au vaste exercice de la définition du bien commun. […] Elles s’immiscent, souvent à la demande des consommateurs, au sein même du jeu démocratique” (Anne de Guigné, Le Capitalisme woke) ».

Ce qui signifie que « publiquement, et le plus souvent possible, Disney s’attache donc à affirmer son soutien aux idéologies “du bien” – ce fameux triumvirat d’équité, de diversité, d’inclusion brandi comme un paratonnerre pour éviter les foudres de ce que certains stigmatisent comme du politiquement correct dévoyé, et d’autres les valeurs indispensables du progrès ».

Un révisionnisme mercantile

Mais, relève encore Le Figaro, les choix en question révèlent une hypocrisie totale. Car il y a une région où la nouvelle devise « Equité, Diversité, Inclusion » n’est pas acceptée : la Chine. Le deuxième marché pour le cinéma mondial est trop appétissant pour Disney qui est alors prêt à transiger.

C’est ainsi qu’un acteur noir, britannico-nigérian, a vu sa silhouette, bien mise en évidence ailleurs, « considérablement réduite sur les posters en version chinoise ». Et un personnage tibétain remplacé par une actrice britannique. L’explication est donnée par Stephen R. Soukoup, dans La Dictature du capitalisme woke :

« Si vous admettez que le Tibet existe, vous risquez de vous mettre à dos un milliard de personnes, expliquait un scénariste. Et vous courez le risque que le gouvernement chinois vous dise : “On ne diffusera pas votre film, puisque vous avez décidé d’être politique…” » Impossible de froisser Pékin alors que s’ouvrait, à Shanghai, un gigantesque parc d’attractions de Disney.

Le Figaro résume exactement la situation : « La soif d’équité, de diversité, d’inclusion de Disney a donc une limite : la croissance de son chiffre d’affaires et l’augmentation des dividendes de ses actionnaires – parmi lesquels figurent certains des plus grands fonds d’investissements du monde comme BlackRock ou Vanguard Group.

« L’entreprise aux oreilles de Mickey est capable de s’opposer frontalement à des lois votées par des représentants démocratiquement élus aux Etats-Unis et de menacer de sanctions économiques brutales les Etats conservateurs (Géorgie, Caroline du Nord) où elles sont promulguées, mais elle reste muette sur la persécution des Ouïgours dans le Xinjiang – province où a été filmée une grande partie de la nouvelle version de Mulan, sortie en 2020. »

La conclusion de cet article est tranchante : « Ce numéro de funambulisme – chevalier blanc des opprimés d’un côté, complice du régime de Pékin de l’autre – s’est avéré payant : depuis 2005, date de l’arrivée de Robert Iger comme directeur général, l’action de Disney n’a cessé de grimper jusqu’à frôler les 200 dollars en mars 2021. »