
Dans la constitution mexicaine, qui date de 1917, et avant les changements constitutionnels effectués par le président Carlos Salinas de Cortari (1988-1994), les prêtres étaient considérés comme des citoyens de seconde zone et l’Eglise était rejeté dans le domaine privé. Mais certaines dispositions n’ont pas disparu après les réformes et l’esprit révolutionnaire est toujours présent.
La Chambre spécialisée du Tribunal Electoral du Pouvoir Judiciaire de la Fédération (TEPJF) du Mexique a condamné deux cardinaux, un évêque et deux prêtres parce qu’ils ont encouragé à bien peser le vote, à prier Dieu pour qu’il « éclaire » et à ne pas voter pour les promoteurs de l’avortement et de l’idéologie du genre lors des élections du 6 juin de cette année au Mexique.
Dans un bulletin publié le 18 novembre, le tribunal mexicain, la plus haute instance en matière électorale, a indiqué que les ministres du culte avaient enfreint la loi mexicaine en publiant « des vidéos dans le cadre du processus électoral fédéral 2020-2021, par le biais de divers profils et canaux sur Facebook, Twitter et YouTube ».
La magistrate Gabriela Villafuerte Coello a critiqué le fait que l’un des condamnés ait encouragé les fidèles catholiques à « prier et demander à Dieu de les éclairer au moment de voter ». La bêtise le dispute avec le sectarisme dans la citation qui suit :
« Cela ne devrait pas être autorisé », a-t-elle déclaré. « Les votes ne sont pas des choses célestes ou spirituelles, il s’agit de voter avec des informations, en se basant sur la pondération d’autres choses, et c’est exactement ce qu’il faut respecter, parce que l’inspiration céleste ne va pas nous amener à avoir les meilleures personnes dans les bureaux élus, c’est logique », a-t-elle ajouté.
Des députés frustrés
La procédure contre les évêques et les prêtres mexicains a été ouverte par des plaintes de députés du parti Morena du président mexicain Andrés Manuel López Obrador, bien que le groupe politique ait ensuite retiré ses plaintes. Il faut dire que le parti a perdu sa majorité des deux tiers, même s’il conserve la majorité absolue. Certains anciens députés ont reporté leur colère sur l’Eglise…
Bien que les plaintes aient été retirées par Morena, le TEPJF a décidé de poursuivre. Les magistrats ont prétendu qu’ils avaient « transgressé les principes constitutionnels de la séparation entre l’Eglise et l’Etat » et de « l’égalité dans le concours ».
Suite à ce jugement, le ministère de l’Intérieur du gouvernement de M. López Obrador devra définir la sanction, qui pourrait aller d’une simple réprimande à une amende de trois millions de pesos (environ 150 000 dollars).
Une constitution toujours aussi anticléricale
La constitution mexicaine autorise les prêtres mexicains à voter, mais interdit aux ministres du culte de faire du « prosélytisme pour ou contre tout candidat, parti ou association politique ».
Le cardinal Sandoval Iñiguez, archevêque émérite de Guadalajara, a été condamné pour son appel à ne pas voter pour ceux qui sont « au pouvoir », car « la dictature arrive et la liberté sera perdue car c’est un système communiste qui asservit ». Le cardinal a rappelé aussi que « la famille était en jeu, le bien de la famille et de la vie, car ce gouvernement a adopté l’idéologie du genre ».
Le cardinal Aguiar Retes, archevêque de Mexico, a été condamné pour avoir déclaré, en juin 2018, à la veille des élections qui ont porté Lopez Obrador à la présidence, que les catholiques devraient considérer celui qui garantit le respect des « valeurs fondamentales de notre foi, comme le droit à la vie, le droit à une famille stable, le droit à l’éducation, le droit à la liberté religieuse ».
Mgr Elizondo Cardenas, évêque du diocèse de Cancun-Chetumal, a été condamné pour avoir rappelé que « l’Église dit : ne votez pas pour les candidats qui soutiennent l’avortement, qui sont contre la famille, qui sont contre les valeurs, qui sont contre le mariage tel que Dieu le décrit dans la Bible, dès la première page : “mâle et femelle, il les a créés et leur a dit de croître et de se multiplier” ».
Le père Mario Angel Flores Ramos a été condamné pour sa conférence « La doctrine sociale de l’Église et l’engagement politique dans les élections du 6 juin », dans laquelle il demandait de « ne pas donner plus de pouvoir à ceux qui n’ont pas su l’utiliser pour le bien commun » et de « ne pas donner plus de confiance à ceux qui se consacrent à diviser, pas à unir, pas à développer ».
Le père Espinosa de los Monteros, pour sa part, a été condamné pour avoir encouragé les Mexicains à demander « à Dieu la lumière » avant de voter, et à ne pas donner « un seul vote pour les irresponsables, pour ceux de la culture de la mort et de la division ».