Règlement de comptes à l’australienne

12 Novembre, 2021
Provenance: fsspx.news

Dans son dernier entretien accordé à La Stampa, le cardinal George Pell rend responsable la secrétairerie d’Etat des pertes d’argent colossales subies par le Vatican lors d’une transaction financière douteuse au Royaume-Uni. Une affirmation qui intervient alors que se déroule au Vatican le procès du cardinal Angelo Maria Becciu.

« Il y avait des résistances à la secrétairerie d’Etat. Mais si le Réviseur des comptes ou l’un d’entre nous, au secrétariat pour l’Economie, avions pu intervenir en amont, nous aurions pu économiser tout cet argent dépensé pour acheter le palais de Londres. »

C’est dans son appartement situé à deux pas de la basilique Vaticane, que le cardinal australien George Pell, âgé de quatre-vingts ans, reçoit les journalistes, le 3 novembre 2021, afin de présenter la version italienne de son livre, Journal de prison, dans lequel le haut prélat décrit par le menu les treize mois passés derrière les barreaux.

L’occasion de préciser certaines informations relatives au scandale financier pour lequel est jugé, entre autres prévenus, le cardinal Angelo Maria Becciu, ancien substitut de la secrétairerie d’Etat, accusé d’avoir eu un rôle clé dans une transaction immobilière douteuse à Londres.

Le cardinal Pell le répète : s’il a fini en prison, c’est en raison de ses idées, qui lui ont attiré la haine des progressistes. « Dans le monde anglo-saxon, on assiste à une véritable guerre culturelle : je suis un conservateur, or l’opposition la plus forte à la sécularisation vient justement des conservateurs, ce qui n’a pas joué en ma faveur. »

Le haut prélat évoque un lien possible entre sa condamnation à la prison ferme et son rôle de Monsieur propre du Vatican : « on parle d’un lien possible entre mes problèmes judiciaires et des problèmes financiers : nous savons que 2,23 millions de dollars se sont évaporés vers l’Australie, mais en fin de compte, personne n’est capable d’expliquer pourquoi », s’interroge le cardinal.

Quand on lui demande quelle était la situation des finances romaines lorsqu’il a pris la tête du secrétariat pour l’Economie, Mgr Pell brosse un tableau assez noir :

« C’était encore le vieux monde. Nous avions introduit une solution de contrôle et de vérification que tout le monde utilise désormais. Nous avions découvert 300 000 euros éparpillés entre les divers bureaux. Et, pour la première fois nous avons élaboré un budget prévisionnel annuel : des choses de base en somme. »

Quand on évoque le rôle joué dans tout cela par la secrétairerie d’Etat, le haut prélat ne manie pas la langue de buis : « c’est public désormais. Becciu (sic) clamait haut et fort que le Réviseur des comptes ne jouissait d’aucune autorité pour passer les portes de la secrétairerie d’Etat : ce qui était faux, bien entendu. Nous en avions l’autorité, mais on nous en a empêchés. »

Sur l’ancien substitut, poursuivi par la justice vaticane : « le cardinal Becciu a droit à un juste procès, on verra bien la suite », commente le cardinal qui n’a jamais caché son opposition frontale à l’ancien numéro deux de la secrétairerie d’Etat.

A la question de savoir s’il aurait pu épargner au Saint-Siège les pertes colossales de ces dernières années, le porporato australien nuance : « dans certains cas, non, car des ‘choses’ avaient commencé avant, dans d’autres, oui » affirme-t-il.

Et de rappeler le soutien du pape François : « le Saint-Père m’a d’ailleurs dit que je lui avais affirmé beaucoup de choses qui se sont révélées justes ensuite ».

Sur la question de la transparence financière, Mgr Pell conclut avec un sourire l’entretien : « on avance, à petits pas. Je ne sais pas comment on aboutira, mais nous savons où nous sommes déjà arrivés : il a été établi comment le Vatican a vu s’échapper un trésor en livres sterling avec ce bien immobilier londonien. Rien que ça, c’est un progrès… »