
Le 29 octobre 2021, le pape François a accordé une audience de 75 minutes au président des Etats-Unis, Joe Biden. Ce long entretien avec un homme politique notoirement favorable à l’avortement a suscité de nombreuses réactions dans la presse italienne.
La timidité des évêques américains
Le 17 novembre, le document tant attendu de la Conférence épiscopale des Etats-Unis est paru, intitulé : Le mystère de l’Eucharistie dans la vie de Jésus-Christ. Mais, comme le note FSSPX.Actualités du 19 novembre : « ce texte évite toute référence explicite à la question de savoir si les évêques et les prêtres devraient refuser la communion à des personnalités publiques, en désaccord avec l’enseignement catholique sur l’avortement et d’autres questions morales.
« Ainsi, comme le prévoyait le cardinal Roger Mahony, évêque émérite de Los Angeles et prélat “avancé”, le texte a été désamorcé et il est devenu “plat” selon son expression. Il ajoutait qu’il serait bientôt oublié.
« Avec le document, les évêques ont approuvé un plan stratégique pour une campagne de relance eucharistique de trois ans, qui comprendra l’élaboration de nouveaux matériels pédagogiques, la formation de responsables diocésains et paroissiaux, le lancement d’un site Internet consacré au renouveau, et le déploiement d’une équipe spéciale de 50 prêtres pour prêcher sur l’Eucharistie.
« La campagne culminera avec un Congrès eucharistique national en juillet 2024 à Indianapolis. Ce congrès sera le premier du genre aux Etats-Unis depuis près de 50 ans. »
Peut-être pour excuser cette timidité dans l’affirmation des règles catholiques sur le refus de la communion, les évêques américains donnent quelques indications très générales : « Comme l’Eglise l’a toujours enseigné, une personne qui reçoit la sainte communion alors qu’elle est en état de péché mortel, non seulement ne reçoit pas la grâce du sacrement, mais commet le péché de sacrilège en ne montrant pas la révérence due au Corps et au Sang du Christ ».
Et ils ajoutent : « Si un catholique, dans sa vie personnelle ou professionnelle, devait rejeter sciemment et obstinément les doctrines définies de l’Eglise, ou répudier sciemment et obstinément son enseignement définitif sur les questions morales, dans un cas comme dans l’autre, il diminuerait gravement sa communion avec l’Eglise ».
Dès lors, « la réception de la sainte communion dans une telle situation ne serait pas en accord avec la nature de la célébration eucharistique, et l’on devrait s’abstenir ». – En bref, il vaut mieux que les politiciens pro-avortement s’abstiennent d’eux-mêmes, plutôt qu’un prêtre (ou un évêque) soit dans l’obligation de leur refuser la communion.
La duplicité du pape
Il faut reconnaître que ce manque de cohérence de la part des évêques américains est encouragé en haut lieu par l’attitude ambigüe du pape François. Comme le souligne le philosophe argentin José Arturo Quarracino, compatriote du pape, neveu du cardinal Antonio Quarracino, son prédécesseur à la tête de l’archidiocèse de Buenos Aires.
Marco Tosatti reprend son article intitulé La miséricorde schizophrénique du Vatican en matière d’avortement, sur son blogue Stilum Curiæ, le 17 novembre. On peut y lire : « Les rencontres amicales, chaleureuses et enjouées du pape Bergoglio au Vatican avec deux des plus grands partisans et promoteurs du génocide prénatal – Nancy Pelosi et Joe Biden – il y a quelques jours ont mis en évidence l’attitude schizophrénique du pontife régnant sur la question de l’avortement.
« Cette double attitude était perceptible dès le début du pontificat de Bergoglio, mais lors du vol de retour de Bratislava à Rome en septembre dernier, l’ambiguïté personnelle et la confusion qu’il sème sur cette question sont apparues clairement.
« Une ambiguïté et une confusion froidement calculées qui lui permettent de se faire bien voir des chrétiens authentiques – en théorie – et en même temps des partisans de l’avortement – dans la pratique quotidienne – et, surtout, dans le monde de la haute politique. En manipulant habilement le langage et les gestes significatifs. »
Et de préciser le modus operandi de cette duplicité : « D’une part, notre pontife condamne théoriquement et doctrinalement l’avortement, tel qu’il est défini par l’Eglise, mais dans la pratique, il se range allègrement du côté de ceux qui sont, déjà à ce stade, les promoteurs du génocide le plus effroyable et le plus répugnant de l’histoire.
« Non seulement avec les deux personnalités politiques mentionnées ci-dessus, mais aussi avec Hillary Clinton, Jeffrey Sachs, Ema Bonino, Evo Morales, Melinda Gates, John Boongarts, etc. Ainsi, il relativise la promotion de l’homicide prénatal, devenu un génocide mondial, il diminue la gravité du crime, comme l’a si bien dit un de ses soutiens à la Congrégation pour la doctrine de la foi :
« “outre l’avortement, il y a d’autres questions qui concernent aussi l’Eglise”, comme l’environnement, la pauvreté, l’immigration, etc. En d’autres termes, l’avortement est une question de plus, et non la plus importante. »
Suivent, sous la plume de José Arturo Quarracino, les terribles conséquences de cette attitude équivoque : « Avec le président américain, le pape Bergoglio a fait savoir que le pontife de l’Eglise le reconnaît comme un “bon catholique” et lui permet de recevoir la communion, malgré sa ferveur abortive, en paroles et en actes.
« Dans ce cas, il laisse un promoteur de l’avortement en communion avec l’Eglise : il ne corrige pas celui qui est manifestement en train de pécher, mais lui “ouvre son cœur”, “miséricordieusement”, comme il aime à le dire. […]
« Le pape Bergoglio recourt délibérément à la confusion lorsqu’il répond à la question de savoir si un catholique pro-avortement peut recevoir la communion : selon lui, le refus de la communion est un problème pastoral (sic !) et non théologique. En outre, le refus de la communion – poursuit-il – est “politique”, et non pastoral.
« Pourquoi ? Il ne le dit pas, il y fait juste allusion. C’est “la parole de Bergoglio”, point final. […] Selon lui, le pasteur doit être un pasteur et non condamner ou ne pas condamner. De plus, il doit être un “pasteur des excommuniés”, car “toute la Bible le dit”. Où le dit-elle ? Il ne le précise pas parce qu’il ne le peut pas, alors il l’impose de manière apodictique, simplement parce qu’il le dit.
« En tout cas, c’est la “Bible de Bergoglio”, pas celle de l’Eglise. C’est “la parole de Bergoglio”, point final. N’est-ce pas un peu trop ? Ainsi, d’un trait de plume, sur ce sujet très délicat, le pape Bergoglio laisse de côté la Révélation, la Tradition bimillénaire de l’Eglise et tout le magistère de l’Eglise pour imposer son propre point de vue et son propre programme, mais en contradiction ouverte et évidente avec l’Eglise de Jésus-Christ et ses 2000 ans d’histoire. »
Un néo-cléricalisme au-dessus de la loi divine ?
Cette façon d’ignorer le magistère bimillénaire – comme si l’Eglise avait commencé il y a 60 ans, avec le concile Vatican II… – fait s’interroger Phil Lawler, le fondateur et directeur de Catholic World News, sur ce qu’il serait tenté de tenir pour « une manifestation de cléricalisme ».
Le 2 novembre, sur Catholic Culture, le journaliste américain reconnaît sans peine : « Il est parfaitement plausible que, si Biden l’a interrogé à ce sujet, le pape François l’ait encouragé à continuer à recevoir la communion.
« Cela serait conforme aux remarques qu’il a faites aux journalistes quelques semaines plus tôt, lorsqu’il a déclaré : “Je n’ai jamais refusé l’Eucharistie à qui que ce soit” ; et à ce qu’il a conseillé aux autres prêtres : “Soyez des pasteurs et ne vous mettez pas à condamner”. Cela serait conforme à sa déclaration dans Evangelii gaudium selon laquelle l’Eucharistie “n’est pas un prix pour les parfaits, mais un puissant médicament et une nourriture pour les faibles”. »
Mais Phil Lawler soulève aussitôt l’objection majeure qui s’impose à toute conscience catholique : « Quand le pape (ou n’importe quel ecclésiastique, évêque ou prêtre) prend la décision “pastorale” de dire à un pécheur qu’il peut ignorer la loi de Dieu en toute tranquillité, pense-t-il vraiment qu’il a résolu le problème ?
« Croit-il qu’il soit en son pouvoir de distribuer des laissez-passer de “sortie de l’enfer” ? La question reste grave ; l’offense faite à Dieu demeure. […] Notre Seigneur a donné à ses apôtres l’autorité d’absoudre les péchés, mais pas de les excuser. […] Un prêtre ne peut pas redéfinir les statuts que Dieu a établis ; il ne peut pas modifier le Décalogue. Et s’il peut donner l’absolution pour un péché passé, il ne peut certainement pas donner la permission que le péché continue. »
Et de se demander : « Le pape François dénonce fréquemment les habitudes du cléricalisme. Mais existe-t-il une manifestation plus flagrante de cléricalisme que la suggestion selon laquelle quiconque – même un pontife romain – peut réécrire les lois de Dieu ? »