Un « Big Brother » des religions sur les fonts baptismaux du maoïsme

18 Février, 2021
Provenance: fsspx.news

A compter du 1er mai 2021, tous les ministres du culte que compte la Chine devront être enregistrés dans un logiciel contenant : informations personnelles, bons et mauvais points, autorisation d’exercer. Un nouveau coup porté à la crédibilité de l’accord provisoire signé entre Rome et Pékin.

Le sinistre Bureau des affaires religieuses (SARA) se frotte les mains depuis qu’il vient de porter à la connaissance du public, le 9 février 2021, dans un document intitulé Mesures administratives à l’adresse du personnel religieux, les dernières règles du jeu concernant les ministres du culte.

Des ministres du culte fichés et soumis à des cartes à points

Le but affiché à l’article 33 du document est clair : il s’agit de « renforcer la gestion de l’information concernant les prêtres et les religieux  en général ».

Dans ce but, « le SARA établit une base de données des religieux, à charge pour les sections locales des départements des affaires religieuses de fournir et mettre à jour les informations de base sur les religieux, les récompenses et les punitions, les suspensions de ministère, et autres informations » (ibid).

Il sera donc plus facile au pouvoir central de vérifier si les ministres du culte répondent bien – dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions – aux critères énoncés : « aimer la patrie, soutenir la direction du Parti communiste chinois (PCC), soutenir le système socialiste, respecter la Constitution. (…) Pratiquer les valeurs fondamentales du socialisme, adhérer au principe d’indépendance et d’autogestion de la religion, et adhérer à la politique religieuse de la Chine, en maintenant l’unité nationale, l’unité ethnique, l’harmonie religieuse et la stabilité sociale », comme le stipule l’article 3 du document déjà cité.

Parmi les « obligations » permettant de collecter de bons points, ou d’en perdre par manque de zèle, figurent en bonne place « la résistance aux activités religieuses illégales, et à l’extrémisme religieux », ainsi que « la résistance à l’infiltration par des forces étrangères qui utilisent la religion ».

Plus clairement, pour les catholiques, cela signifie que ni les prêtres ni les évêques de l’Eglise officielle, désormais reconnue par Rome, ne pourront plus exprimer de quelque façon que ce soit leur communion avec les prêtres et les évêques de l’Eglise souterraine – demeurée historiquement fidèle à Rome et à la foi – comme c’est jusqu’ici très souvent le cas.

De même, quelle place reste-t-il pour la juridiction universelle du pape de Rome, qui peut être fort bien considérée comme une « force étrangère » ?

Des évêques presqu’entièrement sous la coupe de l’Etat

Même les évêques catholiques, bien qu’ils soient « approuvés et ordonnés » par le Conseil des évêques chinois et par le Saint-Siège, en vertu de l’accord de 2018, ne peuvent plus exercer de ministère épiscopal, tant qu’ils ne sont pas enregistrés auprès du SARA, comme le stipule l’article 16.

Ainsi, c’est bien l’Etat et non l’Eglise qui a la haute main sur la fonction pastorale des évêques : la très schismatique Constitution civile du clergé, promulguée en France en 1791 n’avait pas fait mieux.

Interrogé par AsiaNews, un prêtre catholique chinois qui préfère garder l’anonymat – capital de points à conserver oblige – commente : « dans ce document, il n’y a rien de radicalement nouveau : les religions continuent d’être traitées comme des institutions émanant de l’Etat, et les ministres du culte comme des fonctionnaires. A tel point que leur apostolat doit être réglementé, contrôlé et enregistré à l’instar de tout travail civil. Un enregistrement qui a lieu par le biais des bureaux civils, pour le plus grand désarroi de nos évêques. »

Une diplomatie vaticane totalement aveuglée

Pourtant, le 8 février dernier, lors de la cérémonie des vœux au corps diplomatique, le pape François continuait d’évoquer en termes positifs le renouvellement de l’accord provisoire entre la Chine et le Saint-Siège : « c’est une compréhension essentiellement pastorale, et le Saint-Siège espère que le chemin parcouru se poursuivra, dans un esprit de respect et de confiance mutuelle, contribuant davantage à la solution des problèmes d’intérêt commun ».

Angélisme, méthode Coué, ou profonde méprise quant à un contexte politique qui voit la situation des catholiques se dégrader de semaine en semaine, dans l’empire du Milieu ?

Plusieurs voix, en Chine comme ailleurs, s’élèvent, et se demandent si le nouveau document concernant les « Mesures administratives », ne rend pas caducs les « acquis pastoraux » de l’accord provisoire signé entre Rome et Pékin, puisqu’il soumet le ministère des évêques au pouvoir du Parti et réaffirme la division entre les communautés officielles et clandestines.

Dans cette situation dramatique, plus cocasse est la situation des « bouddhas vivants » de la religion tibétaine. Dès l’entrée en vigueur de la loi, on ne pourra devenir une authentique réincarnation de Bouddha, qu’après autorisation préalable du PCC : entre maoïsme et chamanisme, il n’y a même plus l’épaisseur d’un éventail !