Allemagne: Difficile intégration des immigrés musulmans
Suite aux remous provoqués par l’assassinat aux Pays Bas du cinéaste Theo Van Gogh, le débat fait rage en Allemagne, rapporte le correspondant à Berlin du Figaro, le 23 novembre 2004, repris par l’Apic. Selon un député du Bundestag, l’Allemagne a évité pendant des décennies d’aborder la question de ses immigrés. La question est aujourd’hui explosive.
Une bombe incendiaire a été lancée, le18 novembre, contre une mosquée, dans le Bade-Wurtemberg, sans faire de victimes. Près de 25.000 musulmans ont manifesté le dimanche suivant à Cologne "pour la paix et contre le terrorisme".
Les habitants d’origine musulmane sont environ 3,2 millions en Allemagne. Parmi eux, 2,5 millions sont Turcs, dont un quart a la nationalité allemande. La situation est différente de celle des Pays-Bas, où les musulmans sont en majorité d’origine arabe, marqués par la situation palestinienne.
Mais à de rares exceptions près, l’intégration n’a jamais vraiment eu lieu outre-Rhin. La main-d’oeuvre qui a commencé à affluer il y a une quarantaine d’années, les Gastarbeiter (travailleurs invités), n’étaient nullement supposée rester et s’intégrer. Un peu partout en Allemagne, chacun est prêt à vanter les mérites de "son" marchand de légumes anatolien, mais il y a coupure entre les deux mondes. L’inverse est aussi vrai : seul un tiers des parents turcs accepteraient des Allemands pour gendre ou pour bru.
Au fil des années, il s’est ainsi constitué une société parallèle. Les mariages forcés, l’oppression des femmes, les refus de faire participer les filles musulmanes aux cours de gymnastique dans les écoles, la constitution de quartiers entiers où la langue allemande ne se parle pas, tout cela a été ignoré, rapporte Le Figaro, "au nom d’un multiculturalisme bienveillant". Ainsi, le député des Verts, Hans Christian Ströbele avait suggéré la suppression d’une fête catholique et la création pour les musulmans d’"un jour férié légal". L’opposition a été immédiate, à droite comme à gauche, y compris chez les Verts, où la co-présidente du groupe parlementaire a relevé que "personne ne songerait à demander que l’Arabie saoudite célèbre le lundi de la Pentecôte". Le député Vert a rapidement fait machine arrière.
A l’opposé de cette démarche multiculturelle, que le correspondant du Figaro voit comme "marquée par le souci de ne jamais apparaître comme raciste, stigmate indélébile du IIIe Reich", il y a ceux qui agitent "le chiffon rouge", comme les Republikaner, un parti d’extrême droite. Mais même Laurenz Meyer, secrétaire général de la CDU - l’opposition chrétienne-démocrate - affirme que l’Allemagne se trouve sur un "baril de poudre".
D’après le ministre social-démocrate de l’Intérieur, Otto Schily, les événements aux Pays-Bas n’auraient pas de conséquences directes en l’Allemagne. Il y a certes 30.000 islamistes recensés par les services spéciaux, mais seuls 200 d’entre eux sont considérés comme potentiellement dangereux. Le ministre est malgré tout favorable à l’idée d’expulser les "prédicateurs de la haine", comme l’a fait la France avec un imam de la région lyonnaise accusé de prôner la lapidation des femmes adultères. Ces "prédicateurs" officient dans certaines des deux mille mosquées d’Allemagne. Ainsi, à Berlin, l’imam Yakup Tasci a été filmé lors d’un prêche très hostile aux Allemands. Ayant eu connaissance du contenu du prêche, le ministre chrétien-démocrate de la culture du Bade-Wurtemberg, Annette Schavan, a exigé que les prédicateurs soient obligés de n’employer dans les mosquées que la langue allemande pour en faciliter la surveillance. "Nous vous en prions, s’est exclamé en public le ministre bavarois de l’Intérieur Günter Beckstein, apprenez l’allemand".
Le chancelier Gerhard Schröder pour sa part met en garde contre le danger d’une "lutte des cultures" et demande que les immigrés respectent "nos règles du jeu démocratiques". La loi sur les naturalisations s’est beaucoup assouplie en Allemagne. En 2000, la notion de droit du sol a été introduite. L’an prochain, une nouvelle loi sur l’immigration impose des cours de langue et de civilisation "pour réduire les barrières et favoriser l’intégration".