Bangladesh : l’islam politique tente de s’imposer
Le parlement du Bangladesh à Dacca
L’affaire qui a mis le feu aux poudres remonte à novembre 2023 et concerne un jeune musulman de vingt ans, Selim Khan. Victime d’épanchements imprudents sur les réseaux sociaux, le mis en cause est accusé d’avoir attenté à la réputation du fondateur de l’islam sur Facebook. Des juges demandent désormais l’introduction de la peine de mort pour punir le délit de « blasphème contre l’islam ». Une première.
En vertu du Cyber Security Act, Selim Khan encourt deux ans de prison et une amende d’un plus de 500 euros : une peine qui peut paraître assez modeste au regard de ce qui se passe au Pakistan. Mais les deux magistrats qui traitent de son affaire ne l’entendent pas vraiment de cette oreille, et c’est là que l’histoire se corse pour le jeune musulman.
Le 12 mars 2024, lors de l’audience, Selim Khan fait face à Rezaul Hasan et Fahmida Quader. Se référant à plusieurs versets assez explicites du Coran, les deux juges ont demandé au parlement d’introduire la peine de mort pour les délits de « blasphèmes contre l’islam ».
C’est la première fois dans l’histoire d’un pays qui a acquis son indépendance après sa partition du Pakistan en 1971, que des magistrats entament une procédure dans le but de punir de la façon la plus lourde les délits envers la religion de Mahomet.
Joints par les médias, les responsables catholiques – l’Eglise représente moins de 0,5% d’une population musulmane à 90%, soit 400.000 fidèles répartis dans deux archidiocèses – ont refusé de commenter l’initiative des juges de Selim Khan, estimant que le sujet est « sensible » et « risqué » pour la minorité chrétienne.
Le débat sur le délit de « blasphème contre l’islam » doit être situé dans une recrudescence du militantisme islamique : depuis plus d’une dizaine d’années, une cinquantaine de personnes athées ou issues de minorités religieuses ont été brutalement assassinées dans le pays.
Tenant son pays d’une main de fer depuis quinze ans, la première ministre Sheikh Hasina – qui a entamé en janvier dernier son cinquième mandat à l’âge de soixante-seize ans – quoique de confession musulmane, refuse de laisser la religion interférer dans la sphère politique, entraînant l’ire des fondamentalistes. A ce titre, elle est appréciée de la communauté catholique qui voit en elle un garde-fou contre les excès de l’islam radical.
Connue pour avoir dynamisé l’économie et renforcé le secteur textile, la fille du père fondateur du pays est critiquée par les médias occidentaux pour avoir enfermé son pays et ses 170 millions d’habitants dans un régime de plus en plus autoritaire : le principal parti islamiste d’opposition – le Jamaat-e-Islami – est régulièrement interdit de participer aux élections en raison de sa charte qui contrevient à la Constitution laïque du pays. Mais la liberté des chrétiens est peut-être à ce prix.
Toutefois, dans cinq ans, au terme de ce qui pourrait être son ultime mandat – Sheikh Hasina sera âgée de quatre-vingt-un ans – la première ministre du Bangladesh pourra-t-elle passer la main à l’un de ses enfants comme elle le souhaite ? Rien n’est moins sûr, car les héritiers de la Dame de fer sont loin de bénéficier de l’aura de leur mère, et les minorités religieuses craignent le pire.
Selim Khan peut être tranquille : pour sa part, il ne devrait écoper que d’une peine relativement bénigne, car la peine de mort pour les blasphémateurs a peu de chance d’être promulguée sous le règne de Sheikh Hasina. Mais l’avenir est une équation à plusieurs inconnues pour ceux qui refusent d’embrasser la foi de Mahomet.
(Sources : Ucanews/Fides/Le Figaro – FSSPX.Actualités)
Illustration : Photo 145016140 © Md Tabrij | Dreamstime.com