Béatification de Charles de Foucauld
Sur proposition de la Congrégation pour la cause des saints, Jean-Paul II a promulgué, le 20 décembre 2004, 22 décrets déclarant trois miracles nécessaires à des canonisations, huit miracles en vue de béatifications, dix reconnaissances de vertus héroïques et un martyr. Ces décrets concernent cinq Polonais - que le pape pourrait élever à la gloire des autels lors d’un éventuel voyage en juin dans son pays natal-, quatre Ukrainiens nés en Pologne, un Letton mort en Belgique, cinq Italiens, deux Allemands, deux Espagnols, le Français Charles de Foucauld, une Portugaise et une Américaine.
A cette occasion, le postulateur de la cause en béatification de Charles de Foucauld, Mgr Maurice Bouvier, explique que la Seconde Guerre mondiale puis la guerre d’indépendance de l’Algérie ont été les deux principales causes rendant "peu opportune la béatification d’un prêtre qui avait été officier de l’armée française, avant sa conversion". C’est pourquoi la cause, ouverte en 1927, a été ralentie de 1939 à 1945, puis quasiment arrêtée en 1956. Le procès a finalement repris en 1967, lorsque le pape Paul VI a rendu hommage aux efforts du Père de Foucauld pour sauver la culture touareg, alors que le gouvernement algérien semblait enclin à étouffer les minorités du pays.
L’examen des écrits de Charles de Foucault s’est achevé en 1968, permettant de répondre à toutes les critiques qu’avaient formulées les censeurs théologiens. En 1947, le procès diocésain était clos et déposé au Saint-Siège. Commencé en 1978, le procès romain s’achève en 1995. Le 24 avril 2001, le décret reconnaissant les vertus héroïques de Charles de Foucauld est promulgué. Il ne manquait plus que la reconnaissance d’un miracle nécessaire à toute béatification.
En 1984, Giovanna Citeri Pulici, une Italienne de la région de Milan actuellement âgée d’une soixantaine d’années, est guérie d’un cancer des os par l’intercession du Père de Foucauld. Son mari, Giovanni Pulici, invite en effet ses deux sœurs religieuses, ainsi que le curé de sa paroisse, à prier avec lui l’ermite de Tamanrasset, pour lequel il a une grande dévotion. Ce n’est qu’à la fin de l’an 2000 que Giovanni apprend que le postulateur de la cause recherche un miracle. L’enquête diocésaine commence à Milan en automne 2002, et prend fin au printemps 2003. A Rome, après une étude approfondie, la commission médicale reconnaît le miracle en juillet 2004, suivie le 27 octobre par la commission théologique en charge du dossier.
Reste désormais à fixer la date de la béatification à Rome. En janvier prochain, les Amis de Charles de Foucauld, se réuniront pour préparer cette cérémonie et appeler les fidèles à faire des dons permettant de couvrir les frais. Le postulateur de la cause et Mgr Claude Rault, le nouvel évêque de Laghouat, diocèse où est mort Charles de Foucauld, souhaitent qu’il soit porté à la gloire des autels avec d’autres personnes, pour ne pas "le mettre en vedette" (sic). Au Vatican on aimerait que cette cérémonie soit l’occasion de marquer le lien entre l’Europe et l’Afrique du Nord, et surtout de souligner la dimension eucharistique de la spiritualité de Charles de Foucauld, alors que l’Eglise célèbre en 2005 une année dédiée à l’Eucharistie.
Quelques déclarations montrent que des considérations interreligieuses, dans la ligne de Vatican II, ne sont pas absentes de cette béatification. Le 6 mai 2001, Jean Paul II, visitant la mosquée de Damas - grande première dans l’histoire des relations islamo-chrétiennes - avait placé le dialogue interreligieux entre musulmans et chrétiens sous les auspices de Charles de Foucauld et de son ami Louis Massignon. Pour Mgr Rault, la vocation et la spiritualité de l’ermite sont marquées par l’islam. "Ce sont les musulmans qui l’ont ramené à Dieu" (sic !), explique-t-il. "C’est en les voyant prier que lui, l’incroyant, est revenu à la foi de son enfance. Le cœur de Charles de Foucauld appartient plus au monde, qu’à la France". "Il est possible que certains commentateurs et que certains musulmans ne comprennent pas la sainteté d’un tel homme. C’est l’occasion pour nous de faire comprendre pourquoi cet homme est allé si loin. Il voulait aller vers l’autre (sic)", conclut Mgr Rault.
Mgr Teissier, l’archevêque d’Alger, partage ce sentiment. "La spiritualité de Charles de Foucauld, qui s’incarne aujourd’hui dans les congrégations et associations de vie spirituelle constituées autour de son héritage, est une présence importante pour les relations entre chrétiens et musulmans". "Des contestations pourraient avoir lieu, le Père de Foucauld a vécu dans une autre période de l’histoire de l’Algérie. Il n’aurait pas pu se rendre à cette époque à Tamanrasset sans l’armée française. Les positions du Père de Foucauld ont pu être tributaires de son temps dans sa façon de voir l’Islam et la présence de l’Eglise dans le monde. Tout ceci a été transformé par son amitié avec les musulmans. Si le Père de Foucauld est arrivé dans une position de conquérant, ensuite il a été transformé par la rencontre d’autres cultures", juge Mgr Teissier. "Ce qui démontre son respect profond pour le peuple touareg, ce sont ses travaux ethnologiques, ses recueils de poésies et son dictionnaire de Touareg, qui font toujours référence", poursuit l’archevêque d’Alger. En 1915, Charles de Foucauld achevait un dictionnaire Touareg-Français de plus de 2000 pages.