Benoît XVI : les coulisses d’une démission

Source: FSSPX Actualités

Qui était au courant de la démission de Benoît XVI et depuis combien de temps ? A qui le pape émérite s’est-il confié ? Un vaticaniste italien fait le point sur les coulisses d’une démission qui a changé la face de l’Eglise.

Francesco Antonio Grana est vaticaniste pour le compte du magazine italien en ligne ilfattoquotidiano, de tendance centre-gauche.

Dans son dernier ouvrage Cosa resta del papato – « Ce qui reste de la papauté », [non traduit à ce jour, ndlr] – paru le 7 octobre 2021 aux éditions Terra Santa, le journaliste, tout en livrant une vision réformiste du futur de la papauté, livre des éléments, parfois inédits, sur les coulisses du geste sensationnel posé par Benoît XVI le 11 février 2013.

Cela permet de dessiner les contours d’un calendrier de la démission papale :

30 avril 2012. Le pontife allemand évoque pour la première fois à son secrétaire d’Etat l’idée d’une possible renonciation au trône de Pierre.

On sait d’autre part que trois autres personnes ont été alors mises dans la confidence par le pape lui-même : son confesseur, un prêtre polonais de la Pénitencerie apostolique ; son frère aîné, Mgr Georg Ratzinger ; et son secrétaire particulier, Mgr Georg Gänswein.

4 février 2013. Quelques jours avant que la nouvelle ne tombe tel un couperet, Benoît XVI informe le président de la République italienne, Giorgio Napolitano.

5 février 2013. C’est au tour du second secrétaire privé du Saint-Père, Mgr Alfred Xuereb, promu depuis nonce en Corée, d’être directement prévenu par son maître. Les choses vont alors s’accélérer.

10 février 2013. Dans la soirée, le substitut de la secrétairerie d’Etat, le futur cardinal Angelo Maria Becciu, téléphone au conseiller pour la communication du Vatican, le journaliste américain Greg Burke, qui deviendra plus tard directeur du Bureau de presse du Saint-Siège, lui demandant d’arriver un peu plus tôt que d’habitude au bureau le lendemain matin.

Mgr Becciu, ne lui a pas cependant révélé la raison de ce rendez-vous. Le secret absolu devait être gardé pour éviter toute fuite possible. Le scandale des Vatileaks datant de quelques mois seulement, il fallait éviter à tout prix que la décision du souverain pontife fût d’abord publiée dans les journaux, avant d’être solennellement annoncée lors du consistoire.

Le journaliste précise que « toujours la veille du consistoire, le maître des célébrations liturgiques pontificales, Mgr Guido Marini, de manière tout à fait inhabituelle, téléphonait au domicile de chaque maître de cérémonie pour s’assurer de leur présence à ce rendez-vous ».

Déjà le matin même du 11 février, quelques heures avant que Benoît XVI ne fasse l’annonce historique, Mgr Marini avait dit au gardien du sanctuaire pontifical de l’époque, le père augustinien Pavel Benedik, qu’il devrait « mettre de côté tout ce qui était nécessaire pour l’organisation d’un conclave ». Le cérémoniaire du pape était donc au courant, au moins 24 heures à l’avance.

C’est également le 10 février que plusieurs fonctionnaires de la secrétairerie d’Etat apprennent la nouvelle, lorsqu’on leur demande de travailler le texte latin de l’allocution pontificale : «  la formule de renonciation, a expliqué le cardinal Bertone, alors secrétaire d’Etat, a été soigneusement pensée et retravaillée sub secreto. L’autographe du pape porte la date du 7 février dans un premier texte et (…) le texte final porte la date du 10 février », explique le haut prélat.

Antonio Grana révèle également que « même le directeur de l’époque du Bureau de presse du Saint-Siège, le père jésuite Federico Lombardi, n’a appris la décision de Benoît XVI que quelques minutes avant le début du consistoire ».

Et l’on apprend que le jésuite n’a pas eu beaucoup de temps pour préparer la conférence de presse qu’il a improvisée immédiatement après l’annonce, dans un bureau de presse du Vatican, qui, encore désert quelques minutes plus tôt, a été littéralement «  pris d’assaut », en un clin d’œil.

Cet agenda forcément partiel de la renonciation de Benoît XVI, a le mérite de porter un éclairage particulier sur un événement dont les conséquences pour la vie de l’Eglise étaient encore impensables, une dizaine d’années auparavant.