Benoît XVI vu par le cardinal Kasper
Il faut dépasser les préjugés sur le cardinal Joseph Ratzinger en tant que Préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi pour saisir le travail du nouveau pape, estime le cardinal Walter Kasper, président du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens. Interrogé par l’hebdomadaire italien Famiglia cristiana, sur l’engagement du pape en faveur de l’unité des Eglises chrétiennes - exprimé dès sa première homélie lors de la messe de clôture du conclave, le 20 avril -, le cardinal a affirmé que "le ministère de Pierre est le ministère de l’unité et de la réconciliation".
"Je crois qu’en ce domaine aussi le pape nous offrira une nouvelle image. Il a déjà commencé avec un style de communication ouvert. Nous devons dépasser les préjugés liés à son rôle précédent. C’est un conservateur, mais il n’est pas fermé et entêté", a déclaré le compatriote allemand de Benoît XVI. "Il est nécessaire d’attendre et de ne pas se précipiter en lui accolant des étiquettes de droite ou de gauche".
En ce qui concerne une rencontre entre Benoît XVI et le patriarche orthodoxe de Moscou, Alexis II, le cardinal en charge des questions œcuméniques au sein de la curie a souligné qu’ il était trop tôt pour le dire et "pour le moment on n’en a pas parlé". Cette rencontre et un éventuel voyage du pape sur les terres orthodoxes russes est un défi hérité du pontificat de Jean-Paul II. "J’espère que ce sera possible, car ce serait un énorme progrès dans l’amélioration de nos relations".
Au sujet du dialogue avec les protestants, le cardinal a expliqué que les réactions du monde protestant à l’élection de Benoît XVI avaient été "plus ou moins positives". "Il y a une grande attente sur la façon dont agira le nouveau pape, qui pour le moment est avant tout connu comme un grand théologien".
Enfin, le cardinal a fait observer que "le nouveau défi œcuménique" se porte sur les sectes et mouvements chrétiens tels que les néo-pentecôtistes, les néo-charismatiques : "Ils sont en grande progression surtout en Amérique et en Afrique".
Benoît XVI et le cardinal Kasper se côtoient depuis 40 ans. En 2001, les deux théologiens allemands ont engagé une discussion animée par le biais d’articles et de conférences publiques sur le rôle des Eglises locales et de l’Eglise universelle. Le cardinal Kasper s’était opposé à ce qu’il avait appelé "une emphase rigide" de l’Eglise universelle et à un déclin de l’autorité des évêques dans le monde. Le cardinal Ratzinger lui répliquait qu’on ne pouvait pas nier la primauté de l’Eglise universelle sur les Eglises locales, car l’Eglise est une réalité qui dépasse les frontières géographiques.
Par ailleurs, en 1993, le cardinal Kasper, alors archevêque de Rottenburg-Stuttgart, était l’un des trois évêques allemands qui avaient permis à des catholiques divorcés et remariés d’accéder aux sacrements, estimant que leur premier mariage était nul. Cette pratique avait été interdite en 1994 par le cardinal Ratzinger.
En 1999, le cardinal Kasper critiquait le ton et le contenu d’un document signé par le préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi. Dans une série d’interventions publiques en Allemagne, il avait indiqué que Dominus Iesus qui ne reconnaissait pas aux communautés protestantes le titre d’ "Eglises" était "trop bref" et remettait en cause le dialogue œcuménique.