Biélorussie : l’archevêque de Minsk sacrifié sur l’autel de la diplomatie

Monseigneur Tadeusz Kondrusiewicz
En Biélorussie, la tension croissante de ces derniers mois entre l’Eglise catholique et l’Etat dirigé d’une main de fer par Alexandre Loukachenko, s’est apaisée avec la démission acceptée par le Saint-Siège, de l’archevêque de Minsk.
Le 3 janvier 2021, jour de son soixante-quinzième anniversaire, Mgr Tadeusz Kondrusiewicz a reçu une lettre du Saint-Siège indiquant que le pape François avait accepté sa renonciation au siège archiépiscopal de Minsk, en raison de la limite d’âge fixée par le droit canonique en vigueur dans l’Eglise catholique.
A sa place, le Saint-Père a nommé Mgr Kazimierz Wielikosielec au titre d’administrateur apostolique, en attendant la nomination d’un nouvel ordinaire du lieu.
La rapidité de la décision romaine a créé la stupéfaction, pour laisser bientôt la place à la suspicion : Reuters souligne ainsi qu’il est « très inhabituel pour le pape d’accepter la démission d’un évêque précisément le jour de son soixante-quinzième anniversaire, et plus encore de l’annoncer un dimanche ».
L’agence de presse allemande se fonde sur une source diplomatique romaine pour affirmer que « la rapidité avec laquelle la démission a été acceptée, laisse supposer qu’il s’agit là d’un accord négocié entre le Saint-Siège et l’Etat biélorusse, afin d’obtenir le retour d’exil du prélat ».
En effet, Mgr Kondrusiewicz était bloqué depuis près de quatre mois à la frontière polonaise, par les autorités biélorusses qui lui reprochent d’avoir pris une part active au mouvement de contestation auquel le président Alexandre Loukachenko – l’un des derniers « dinosaures de l’ère soviétique », selon Le Monde – fait face depuis sa réélection, en août 2020.
Pour apaiser la situation – et éviter que la minorité catholique de Biélorussie (15 à 20% de la population) ne soit ciblée par le pouvoir en place, en guise de représailles – la secrétairerie d’Etat du Saint-Siège a dépêché sur place un envoyé spécial pour négocier le retour de l’archevêque, qui a finalement pu revenir dans le pays, le 24 décembre dernier.
Mais ce n’est pas tout. La nomination de Mgr Kazimierz Wielikosielec – une figure consensuelle demeurée discrète sur la situation politique, et qui a, pour sa part, déjà dépassé les 75 ans – écarte de facto de la gestion de l’archidiocèse, le vicaire général, Mgr Yuri Kasabutsky, un prélat qui n’a pas, lui non plus, hésité à prendre position en faveur des manifestations organisées contre le chef de l’Etat, suscitant l’ire de ce dernier.
Compte tenu de ce contexte, Jonathan Luxmoore écrit dans les colonnes de The Tablet, que la démission de l’archevêque et la nomination d’un administrateur, auraient « provoqué le choc et la consternation parmi les membres de l’Eglise, qui y voient une victoire pour le régime en place ».
Si la Biélorussie est particulièrement regardée, c’est aussi qu’elle constitue un pays pivot entre Etats qui ne cessent d’exposer leur rivalité : la Pologne et la Russie. « Le pouvoir a eu le sentiment que l’action de l’archevêque était pilotée par Varsovie. La Pologne est très proche des catholiques », relève un chercheur spécialiste de la zone cité par La Croix, sous le couvert de l’anonymat.
(Sources : Reuters/La Croix/Il Sismografo/Le Monde – FSSPX.Actualités)
Illustration : Redaktor01 Remik Kubicki, CC BY 3.0, via Wikimedia Commons