Bras de fer entre la Curie et les évêques allemands
Les cardinaux Luis Ladaria Ferrer et Marc Ouellet
Quelques jours après avoir été rejetée par la Conférence des évêques d’Allemagne (DBK) la proposition romaine de moratoire sur le chemin synodal allemand a été rendue publique, dans un geste inhabituel, par le Vatican : une façon, pour la Curie, d’accroître la pression, en attendant une éventuelle décision claire du souverain pontife.
C’est via L’Osservatore Romano du 24 novembre 2022, relayé par le portail officiel d’informations du Saint-Siège, Vatican news, que la Curie romaine a rendu publique son appréciation sur la méthode employée par le chemin synodal allemand : une façon de répondre au rejet opposé par la DBK, à la proposition de moratoire évoquée il y a peu par FSSPX.Actualités.
La presse du Vatican a décidé de publier les deux rapports des cardinaux Luis Ladaria Ferrer, préfet du Dicastère pour la doctrine de la foi, et Marc Ouellet, préfet du Dicastère pour les évêques, lus aux prélats allemands lors de la réunion inter-dicastérielle du 18 novembre dernier, réunion à laquelle le pape François n’a pas participé, contrairement à ce qui avait été prévu par le service de presse du Saint-Siège.
Le préfet du Dicastère pour la foi, dans sa communication intitulée « Faire partie d’un corps plus grand » a énuméré cinq « préoccupations » à l’encontre du chemin synodal allemand :
– les documents de travail du synode ne forment pas un « tout cohérent » et reposent sur des affirmations qui ne sont « pas pleinement assurées » du point de vue de la foi et de la morale ;
– le point de départ de la réflexion selon lequel les abus dans l’Eglise seraient systémiques, est erroné ;
– la voie synodale allemande a tort de laisser entendre qu’il n’y a « presque rien à sauver dans la morale sexuelle et que tout doit être changé » ;
– il n’y a pas lieu de maintenir ouvert le débat sur l’ordination sacerdotale des femmes, car il a déjà été tranché ;
– enfin, les conclusions du synode sont « lacunaires » en ce qui concerne les pouvoirs traditionnels de l’évêque en matière d’enseignement, de foi et de sanctification des fidèles.
En conclusion, comme s’il avait bien le sentiment de marcher sur des œufs, le cardinal Ladaria précise : « L’Eglise universelle a besoin de l’Eglise en Allemagne, tout comme l’Eglise en Allemagne a besoin de l’Eglise universelle. »
Le préfet du Dicastère pour les évêques a ensuite pris la parole en commençant – en guise de captatio benevolentiae – par un éloge de l’épiscopat allemand, qui aurait, selon les termes du cardinal « réellement pris au sérieux le drame des abus scandaleux dans l’Eglise ».
Ceci posé, le haut prélat québécois a pointé le danger d’un « schisme latin imminent » : comment l’agenda d’un groupe de théologiens il y a encore quelques décennies, a-t-il pu devenir la proposition majoritaire de l’épiscopat allemand ? « Que s’est-il passé ? Où avons-nous atterri ? », s’interroge-t-il.
Pour le cardinal Ouellet, les propositions du chemin synodal portent « ouvertement atteinte à la communauté ecclésiastique » car elles créent des « doutes » et des « confusions » : il y voit l’œuvre de « groupes d’intérêts » particuliers, et considère que le projet de réforme allemand « est sorti de la route ».
A la fin de son intervention, le préfet du Dicastère des évêques a appelé ses confrères d’outre-Rhin à un « moratoire », au nom de « l’unité de l’Eglise », à un « changement de méthode » : autant de propositions poliment rejetées par l’épiscopat allemand. Ce qui explique peut-être pourquoi Rome a décidé de communiquer de façon assez inhabituelle.
On sait également que lors de la réunion inter-dicastérielle du 18 novembre dernier, le cardinal secrétaire d’Etat, Mgr Pietro Parolin, a pris la parole, mais le contenu de son intervention n’a pas été rendu public, comme le précise la version allemande de Vatican News.
Reste maintenant à connaître la position publique de l’hôte de Sainte-Marthe qui, jusqu’ici, a préféré être relativement discret et ne pas se mettre en avant sur la question du synode allemand. Il faut dire qu’il n’est pas aisé de dresser l’aigle allemand, surtout quand on connaît la contribution à l’Eglise universelle d’une Eglise locale qui dégageait plus de six milliards d’euros de recettes fiscales en 2020…
(Source : Vatican News – FSSPX.Actualités)
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