Canada : le pape François en “pèlerinage pénitentiel” (24-30 juillet 2022) (2)

Source: FSSPX Actualités

Le pensionnat de Kamloops

Après l’Angelus du dimanche 17 juillet 2022, devant 12.000 fidèles rassemblés sur la place Saint-Pierre, le souverain pontife avait indiqué le sens de son voyage apostolique au Canada : « Je viendrai parmi vous tout particulièrement, au nom de Jésus, pour rencontrer et embrasser les peuples autochtones. »

La première partie a décrit l’aspect « pénitentiel » de ce voyage papal. Elle a ensuite donné un aperçu de l’évangélisation du Canada pour situer la deuxième partie.

Les « pensionnats autochtones »

Au début du XIXe siècle, l’administration britannique prend le contrôle des vastes territoires de l’ouest du Canada, en établissant des réserves indiennes et en ouvrant des établissements scolaires, dénommés « pensionnats autochtones » ou « écoles résidentielles », pour les enfants d’autochtones en vue de faciliter l’assimilation des nouvelles générations à la société occidentale. Pour cela, l’administration britannique s’appuie sur d’importants mouvements philanthropiques protestants.

Le méthodiste Egerton Ryerson théorise le principe d’établissements capables de transformer les populations autochtones en agriculteurs « fortifiés par les principes, sentiments et habitudes chrétiennes ». Il rédige en 1847 un rapport sur le sujet pour le département des Affaires indiennes britanniques qui y voit une méthode pour faire grandir son influence non seulement sur les Indiens mais aussi sur les nombreuses populations francophones.

Leur fonctionnement est confié aux communautés religieuses mais reste financé en grande partie par l’Etat. 67% des établissements seront confiés à des organisations catholiques. En 1894, face à la résistance de certains parents, le gouvernement rend obligatoire la participation des enfants âgés de 7 à 16 ans.

En 1945, le gouvernement cesse de verser certaines allocations familiales aux familles qui n’y scolarisent pas leurs enfants. En 1969, le gouvernement cesse de collaborer avec les clergés, ce qui entraîne la fermeture de la plupart des établissements même si certains, encore financés par le gouvernement, resteront ouverts jusqu’à la fin des années 1990.

Aujourd’hui, les associations autochtones reprochent le « génocide culturel » perpétré par les écoles résidentielles. Sont dénoncés également les mauvais traitements que certains pensionnaires ont pu subir. Des enquêtes gouvernementales ont montré que dans certains établissements, la tuberculose avait entraîné la mort de très nombreux pensionnaires.

Et les disparitions d’enfants, liées aux décès en raison d’une maladie ou à des fugues, sont le point particulièrement sensible du débat. Le gouvernement interdisant de rendre les corps aux familles, beaucoup d’élèves auraient été enterrés par les établissements dans des tombes aujourd’hui anonymes, sans prévenir les parents.

Il existe aussi des cas d’adoption forcée d’enfants par des familles non-autochtones. Les associations dénoncent la disparition sans explications officielles d’enfants hébergés par ces établissements. Enfin, les associations mettent en avant les « traumatismes historiques » ou « intergénérationnels » de certains pensionnaires et leurs descendants manifestés par une hausse des suicides, de la toxicomanie, de la dépression, des abus dans les communautés autochtones.

En conclusion, la Commission de Vérité et Réconciliation du Canada a reconnu la responsabilité de l’Eglise catholique après l’enquête menée entre 2008 et 2015. C’est-à-dire la participation de l’Eglise catholique au « génocide culturel ».

L’Eglise catholique a officiellement présenté ses excuses aux autochtones en 2021, en reconnaissance des erreurs commises dans sa gestion des écoles résidentielles, après les excuses des représentants anglicans (1993) et unitariens (1986), et celles de la conférence oblate du Canada qui avait demandé pardon en 1991, et celles des jésuites canadiens (1993).

La Convention de règlement relative aux pensionnats indiens que l’Eglise catholique a signée en 2006 prévoyait le versement de 25 millions de dollars à titre de dédommagements. Après avoir tardé et essuyé de nombreuses critiques, les évêques canadiens ont annoncé en janvier 2022 avoir versé environ 28,5 millions de dollars. L’Eglise avait déjà investi 25 millions de dollars pour la construction de centres spécialisés dès 2011.

Qu’en est-il en vérité ?

Qu’en est-il vraiment de ces disparitions d’enfants ? Le site de FSSPX.Actualités a publié deux articles sur le sujet qui laissent pour le moins songeur sur l’ampleur de la désinformation. Dans le premier article (30 mai 2022), il est montré que la responsabilité des pensionnats relevait entièrement du gouvernement canadien et que de réels dysfonctionnements lui étaient imputables.

Dans le second (28 juillet 2022), il est montré que « à Kamloops, pas un seul corps [d’enfants] n’a été retrouvé », par le Pr Jacques Rouillard. Le site FSSPX.Actualités reprend un article publié le 11 janvier 2022 par The Dorchester Review, une revue d’histoire canadienne, qui démonte la désinformation sur les restes des enfants enterrés au pensionnat de Kamloops.

Plusieurs rapports ont fait état de la situation des pensionnats. En particulier deux rapports du Dr Peter Bryce, à la demande du ministère des Affaires indiennes, publiés en 1907 et en 1922, décrivent les mauvaises conditions sanitaires dans les pensionnats indiens et le taux de mortalité élevé en conséquence.

Le médecin avait recommandé la création d’hôpitaux dans les réserves ou à proximité, afin de combattre le taux alarmant de mortalité par tuberculose. En 1922, le Dr Bryce a fait valoir que le ministère des Affaires indiennes avait négligé les besoins des Autochtones en matière de santé et dénoncé une « négligence criminelle quant aux promesses des traités », qui n’avaient pas été tenues.

Plus récemment, un article du 6 juillet 2021, du Pr Jacques Rouillard, professeur émérite du département d’histoire de l’Université de Montréal, a rappelé que « dans le Rapport, “les écoles sont considérées comme des moteurs de changements culturels et spirituels” : les “sauvages” deviendront des “hommes blancs chrétiens”.

« Pour ce faire, le gouvernement a décidé d’une méthode radicale, inhumaine : arracher à leur famille contre leur gré les jeunes en âge de scolarisation. La responsabilité de cette tragédie incombe entièrement aux gouvernements canadiens qui se sont succédé et qui ont financé les pensionnats, et non aux communautés religieuses qui répondaient aux objectifs de scolarisation fixés par le ministère des Affaires indiennes. »

Et au sujet des tombes d’enfants morts en grand nombre de la tuberculose, « selon les historiens Jim Miller et Brian Gettler, qui ont fait porter leurs recherches sur les Premières Nations, “des croix de bois étaient placées là où les enfants étaient enterrés dans des cimetières selon les rites catholiques. Elles se sont évidemment rapidement désagrégées”. »

Ainsi, conclut le Pr Jacques Rouillard, « rien n’indique que les enfants enterrés dans ces cimetières oubliés depuis longtemps soient morts de mauvais traitements ou de négligence. (…) S’il y a une faute, elle incombe au ministère fédéral des Affaires indiennes qui n’a pas fourni un financement adéquat pour les pensionnats, les enfants et les cimetières.

« Selon les médias, cette tragédie canadienne est le résultat de l’échec de l’Eglise catholique et d’autres organisations religieuses, ce qui constitue un sectarisme anticatholique pur et simple. C’est une autre tentative de discréditer la foi religieuse et de chasser la religion de la place publique. Les pensionnats sont l’outil utilisé à cette fin. »