Ce que le président de la République attend de l’Eglise de France

Le 9 avril 2018, le président de la République française s'est rendu à l’invitation de la Conférence des évêques de France, lors d’une soirée au Collège des Bernardins devant un parterre de 400 invités.
Emmanuel Macron était venu pour apaiser les relations entre l’Eglise et un exécutif qui, depuis la « Manif pour tous », paraît s’être aliéné une bonne partie de l’électorat catholique. Dans son dernier livre, La grande peur des catholiques de France (éditions Grasset), l'ancien journaliste religieux du Monde, Henri Tincq, se désolant de la ruine du mythe progressiste, ne s’y est pas trompé : « la montée des forces de droite (…) au sein du catholicisme français est une cruelle déception ».
Dans cette perspective, le chef de l’Etat est venu aux Bernardins, percevant « combien le chemin que l’Etat et l'Eglise partagent depuis si longtemps, est aujourd'hui semé de malentendus et de défiance réciproques ».
Dans un discours de plus d’une heure, Emmanuel Macron a répondu à Mgr Georges Pontier, archevêque de Marseille et président de la Conférence des évêques de France. Il a appelé les catholiques à faire « trois dons » à la société : celui de leur sagesse, de leur engagement et de leur liberté.
Plus que trois dons, ce furent plutôt trois éléments de langage choisis à dessein, au moyen desquels le président entendait faire passer un message aussi ferme que clair aux catholiques français.
La rhétorique du « don de la sagesse » fut pour le chef de l’Etat l’occasion de rappeler que, pour l’exécutif, la « voix de l’Eglise » ne saurait être « injonctive ». En d’autres termes elle n’a pas vocation à s’imposer dans le débat public. Exeunt dans cette perspective les Manif pour tous et leurs succédanés. Pour Emmanuel Macron, le rôle de l’Eglise doit se cantonner à cette portion congrue qu'il nomme lui-même « l’humilité du questionnement ».
A travers la sémantique de l’engagement, le président de la République a exposé ce qu’il attend des catholiques en politique : un engagement essentiellement inscrit dans la perspective européenne, avec en filigrane l’exigence pressante de se démarquer clairement des forces politiques euro-sceptiques à un moment où cette question fait débat au sein même de la Conférence des évêques.
La rhétorique du « don de la liberté » a permis à Emmanuel Macron de demander aux institutions de l’Eglise de France l’engagement de demeurer fidèle au pluralisme religieux et à l’esprit de laïcité « sans chercher à complaire ni à séduire ». Cette dernière partie fut l’occasion pour le président d’être très clair en face de toute contestation qui pourrait venir du côté des catholiques de France : « Mon rôle est de m'assurer qu’il (chaque concitoyen) ait la liberté absolue de croire comme de ne pas croire, mais je lui demanderai de la même façon et toujours, de respecter absolument et sans compromis aucun, toutes les lois de la République. » La « règle d'airain » étant « la laïcité », qui impose « une liberté de conscience absolue ». On l'aura compris, en digne fils des Lumières le président français défend le primat de la conscience individuelle sur la règle divine, de l'opinion sur la foi, de la loi sur le Credo.
Emmanuel Macron « a semblé préparer les catholiques à ce que certaines de leurs aspirations soient déçues » : cette remarque du quotidien La Croix dans son édition numérique du 9 avril 2018 résume, en un doux euphémisme, cette « soirée inédite » aux Bernardins. En fait, résume Laurent Neumann, un éditorialiste politique, « Macron fait de la politique (…). Il fait ça parce qu’il va aller vers la loi sur la PMA (Procréation médicalement assistée) et qu’il ne veut pas revivre ce qu’il s’est passé sur le mariage gay ».
(Source : La Croix/elysee.fr/BFMTV - FSSPX.Actualités - 11/04/2018)