Chine : sinisation de l’Eglise catholique, censure et répression

Source: FSSPX Actualités

Depuis l’Accord provisoire passé entre la Chine et le Saint-Siège, le 22 septembre 2018 – toujours tenu secret –, deux premières ordinations épiscopales ont été célébrées les 26 et 28 août 2019.

Le père Antoine Yao Shun, âgé de 54 ans, a été ordonné évêque de Jining le 26 août, dans la cathédrale Notre-Dame du Rosaire de Jining, au nord du pays. Jining est le plus important diocèse de la Mongolie intérieure, où vivent environ 70.000 catholiques. La cérémonie était présidée par Mgr Paul Meng Qinglu, évêque de Hohhot, vice-président de l’Association patriotique (officielle) des catholiques chinois (CCPA), précise Eglises d’Asie, l’agence des Missions Etrangères de Paris. 

Mgr Etienne Xu Hongwei, nommé évêque coadjuteur du diocèse de Hanzhong, dans la province de Shannxi, a été ordonné le 28 août dans la cathédrale Saint-Michel de Hanzhong. Le Bureau de Presse du Saint-Siège a confirmé que ces deux ordinations ont eu lieu dans le cadre de l’Accord provisoire sino-vatican, alors que le pape avait accepté Mgr Yao et Mgr Xu avant la signature de l’Accord.

En effet, explique Sandro Magister sur son blogue Settimo Cielo le 31 août, ces deux nouveaux évêques avaient été élus à cette fonction en avril dernier par des assemblées composées de prêtres, de religieux et de laïcs de leurs diocèses respectifs, tous sélectionnés par les autorités chinoises et rassemblés dans un hôtel où ils ont reçu des instructions de vote bien précises. Dans les deux cas, poursuit le vaticaniste italien, c’est la pseudo-conférence épiscopale chinoise, composée des seuls évêques officiellement reconnus par le gouvernement qui a présenté les nouveaux évêques à Rome, qui les a acceptés. Les termes précis de l’Accord entre les deux parties sont toujours secrets mais il est d’une évidence limpide que c’est bien ainsi qu’il doit fonctionner.

Les médias officiels de la République populaire de Chine ont tenu à montrer, photos à l’appui, que l’ordination épiscopale de Mgr Yao Shun s’était déroulée sans tensions particulières, et conformément aux dispositions de l’Accord. Du côté du Vatican, on insiste aussi sur le « consensus » qui a présidé à la nomination du nouvel évêque de Jining : « le choix du nouvel évêque – écrit Gianni Valente le 26 août, dans Vatican Insider, média officieux du Saint-Siège – a suscité l’émergence d’un important consentement unanime du Saint-Siège, de la communauté diocésaine et de l’appareil politique autour du profil du candidat ». Et le vaticaniste de se féliciter que « l’Accord provisoire conclu entre le Saint-Siège et le gouvernement de Pékin sur la nomination d’évêques chinois fournisse des mécanismes permettant de trouver des solutions toujours conformes à la nature apostolique de l’Eglise, tout en maintenant ouverte la porte à une discussion franche et directe avec les autorités politiques chinoises ».

Parallèlement, la sinisation du catholicisme est une réalité qui progresse en Chine, soutenue par le Parti communiste chinois, afin de correspondre aux directives lancées par le président Xi Jinping en 2015. Selon ces directives, précise Eglises d’Asie (EDA), apparaissent des censures et des modifications de textes classiques dans les manuels scolaires. Des mots comme « Dieu », « Bible » ou « Christ » ont ainsi été retirés d’extraits de Hans Christian Andersen, Daniel Defoe, Anton Tchekhov, Léon Tolstoï ou Victor Hugo, supprimant toute référence religieuse. Au début de l’année, explique l’agence des Missions Etrangères de Paris (MEP), les Editeurs de l’Education populaire, liés au gouvernement, ont publié un manuel scolaire pour les élèves de CM2, contenant quatre extraits d’auteurs étrangers expurgés afin de correspondre à la volonté du Parti communiste chinois. Censure qui s’est répandue dans l’éducation chinoise, jusqu’à l’université où certains enseignants condamnent et confisquent les classiques contenant des mots religieux. En effet, désormais les religions doivent s’assimiler à la culture chinoise et se soumettre au Parti. La sinisation consiste à exalter le patriotisme national contre les religions « étrangères » comme le christianisme. Selon les observateurs, cette campagne contre le christianisme est due aux craintes que la Chine devienne « le pays le plus chrétien au monde » d’ici 2030, comme l’ont prédit certains sociologues, tel l’Américain Fenggang Yang de l’université de Purdue. (cf. DICI n°375, août 2018) Pour des observateurs plus critiques, la sinisation sert également de bouclier contre la démocratie, les droits de l’homme, et l’Etat de droit. 

MENACES SUR HONG KONG

Ainsi en est-il à Hong Kong, que Pékin souhaiterait assujettir totalement, en supprimant certains droits, persistant depuis 1997, sur la liberté de conscience et la liberté de religion. La pratique religieuse y est libre, contrairement à ce qui se fait en Chine continentale.

Depuis le 31 mars dernier, l’île de Hong Kong s’oppose au projet de loi du gouvernement en vue de faciliter les extraditions en Chine continentale. Depuis quelques semaines, les confrontations du mouvement anti-extradition avec la police ont montré l’apparition d’une grande violence policière pour réprimer le mouvement. Pour cette raison, écrit le P. Bernardo Cervellera directeur de l’agence AsiaNews, une question clé des manifestants est l’ouverture d’une enquête indépendante sur l’usage excessif de la force par les policiers, soupçonnés d’être de mèche avec certaines mafias locales, et d’être dirigés, conseillés et soutenus par les forces de police de Chine populaire.

L’agence italienne des Missions étrangères expliquait le 7 septembre que plusieurs centres commerciaux situés à proximité de stations de métro étaient devenus le lieu de manifestations du mouvement anti-extradition, en signe de protestation contre les violences policières dans le métro. En effet, poursuit AsiaNews, les autorités refusent de diffuser les vidéos de la soirée du 31 août, lorsque la police est descendue dans la gare de Prince Edward en frappant sans discernement des manifestants et des passagers et en pulvérisant des gaz urticants. Et, après avoir expulsé des journalistes et des photographes, la police est restée de longues heures dans la gare. Le mouvement demande la diffusion des vidéos de cette intervention policière, car depuis lors des manifestants ont disparu. Bien que le gouvernement nie qu’il y ait eu des morts dans l’assaut du 31 août, des groupes de jeunes ont déposé des fleurs et des messages devant la gare, précise AsiaNews.

Il faut aussi expliquer pourquoi la majorité des manifestants sont jeunes (près de 60% ont moins de 29 ans), poursuit le P. Cervellera, dans un article du 9 septembre. Il y a avant tout la colère et la déception de voir que depuis deux ans, le gouvernement reste sourd aux exigences de la démocratie ; à cela s’ajoute la frustration de voir la politique du gouvernement qui ne soutient pas le logement social, mais facilite la croissance des immeubles et des appartements coûteux. De sorte que les jeunes ne peuvent pas planifier d’acheter une maison ou un logement pour établir une famille. Enfin, il y a la politique d’immigration imposée par la Chine qui facilite l’entrée sur le territoire des diplômés chinois, prêts à travailler pour des salaires inférieurs à ceux de la population de Hong Kong. Ce qui fait chuter le marché du travail, à tel point que de nombreux jeunes de Hong Kong sont contraints d’émigrer pour trouver du travail.

Le cardinal Joseph Zen Ze-kiun, évêque émérite de Hong Kong, écrivait le 2 septembre sur son blogue, en s’adressant aux autorités : « Acceptez au moins deux exigences : retirez la loi perverse et mettez en place un comité d’enquête indépendant. Dans l’affirmative, j’espère que tout le monde acceptera une trêve, sinon le 1er octobre [jour de fête nationale] risque d’être une grande tragédie ». Ce 1er octobre 2019 Pékin souhaite fêter avec panache les 70 ans de la République populaire de Chine. Sera-ce un nouveau Tian’anmen, comme en 1989 ?