Chine : Situation de l’Eglise catholique

Source: FSSPX Actualités

cathédrale Saint-Ignace de Shanghai

Le 8 septembre 2005, la Salle de presse du Saint-Siège a communiqué la liste des membres nommés par le pape Benoît XVI et invités à se rendre à la 11ème assemblée générale ordinaire du Synode des évêques. Car, outre les évêques envoyés par les conférences épiscopales, le pape peut inviter personnellement évêques, cardinaux, experts-observateurs catholiques, clercs ou laïcs, et des membres d’autres confessions chrétiennes. Dans la liste publiée, on comptait parmi les 34 évêques invités, quatre évêques de la République populaire de Chine. Deux évêques de l’Église dite "officielle" - l’Association patriotique des catholiques chinois rattachée au gouvernement chinois - Mgr Antonio Li Duan, évêque de Xi’an et Mgr Aloysius Jin Luxian, évêque de Shanghai ; et deux évêques de l’Église dite "souterraine", clandestine et fidèle à Rome, Mgr Giuseppe Wei Jingyi, évêque de Qiqihar et Mgr Lucas Li Jingfeng, évêque de Fengxiang. Ce dernier a réussi à se faire reconnaître par le pouvoir en 2004, sans appartenir à l’Association patriotique. C’est la première fois que le Vatican convie des évêques de l’Église clandestine à Rome. Jean-Paul II avait invité, en 1998, deux évêques de l’"Église patriotique" au synode sur l’Asie.

 

La venue au Vatican des quatre évêques aurait ainsi réuni les deux Églises de Chine continentale. "Cela montre de manière évidente que le pape accorde une réelle importance à la Chine et que les Églises chinoises ont un rang important dans le monde", avait estimé Mgr Joseph Zen Ze-kiun, évêque de Hongkong.

 Le 6 septembre, Mgr Lucas Li Jingfeng, évêque de Fengxiang, précisait avoir reçu l’invitation du pape à la mi-août. "Aucun d’entre nous ne pourra y aller si le gouvernement met en avant le fait qu’il n’existe pas encore de relations diplomatiques entre le Saint-Siège et Pékin." Mgr Anthony Li Duan, archevêque de Xian, âgé de 78 ans, a confié qu"une tumeur l’empêchait de se lever et qu’il lui était donc impossible de voyager".

 Le 2 octobre, veille de l’ouverture du synode, Mgr Claudio Maria Celli, secrétaire de l’Administration du patrimoine du Saint-Siège, confirmait la volonté du Saint-Siège de normaliser les relations avec la République populaire de Chine. "Notre objectif n’est pas seulement d’établir des relations diplomatiques. […] Il est, en effet, inutile d’avoir un nonce à Pékin s’il ne peut être engagé dans la vie de l’Église". L’archevêque, âgé de 64 ans, qui reçoit discrètement à Rome de nombreux interlocuteurs chinois depuis 1982, a précisé malgré l’absence des quatre évêques au synode : "On peut dire aujourd’hui qu’un dialogue constructif avec la Chine a été entamé, dans la mesure où celui-ci a commencé il y a déjà plusieurs mois". En effet, les diplomates du Saint-Siège préparaient la venue des évêques depuis un an avec l’ambassade de Chine en Italie.

 De son côté, Mgr Nikola Eterovic, secrétaire général du Synode, expliquait que "le pape, avec ces nominations, avait voulu concrétiser la communion qui existe entre le Saint-Siège et l’Église catholique en Chine" et manifester "son respect du peuple chinois". L’ancien diplomate ajoutait que la République populaire de Chine "serait le seul pays dont les évêques seraient absents". Car le Vietnam, dont le gouvernement communiste n’a pas d’ambassadeur auprès du pape, a autorisé deux évêques à participer au Synode.

 Les quatre fauteuils des évêques chinois invités par Benoît XVI sont restés vides pendant toute la durée du synode. Le 10 octobre, au cours de la 11ème congrégation générale du Synode, Mgr Bosco Lin Chi-nan, évêque de Tainan à Taiwan, s’est exprimé sur le manque de liberté religieuse et la division de l’Église en Chine en demandant aux pères synodaux de porter dans leurs prières les quatre évêques chinois absents du Synode.

 Le 12 octobre Mgr Pierre Zhang Bairen, évêque de l’Eglise clandestine du diocèse de Hanyang, est décédé à l’âge de 91 ans. Son attachement au Saint-Siège lui a valu, depuis 1955, 24 années de prison ou de travaux forcés. Après une campagne d’intimidation auprès de la population et du clergé de la province du Hubei, les représentants du Bureau des affaires religieuses locales se sont résolus à lever l’interdiction de procéder à des funérailles publiques pour tenter de sauver la face devant l’opinion publique internationale, selon l’agence Asia News. Le gouverneur de la province a, cependant, maintenu l’interdiction d’utiliser le titre d’évêque et imposé l’usage seul des termes de "prêtre" ou "vieux prélat". Lors de la cérémonie on a pu toutefois lire sur une banderole : "Mgr Pierre Zhang Bairen, évêque non officiel du diocèse de Hanyang".

La cérémonie a eu lieu le 15 octobre à Zhangjiatai, village natal de l’évêque défunt, de 9 h à 16 h devant 7.000 fidèles venus des deux Eglises, "clandestine" et "officielle". La messe a été présidée par le Père Chen, le plus âgé des 4 prêtres présents du diocèse de Hanyang. Parmi les 15 prêtres qui ont concélébré, certains étaient membres de l’Eglise officielle, devenus prêtres grâce à Mgr Zhang. Conformément à la législation locale le corps de Mgr Zhang fut incinéré, et les cendres de l’évêque purent être conservées sous l’autel de l’église de Zhangjiatai.

 Le 12 octobre, à la fin de la 15ème congrégation du Synode, l’évêque de Hong Kong Mgr Joseph Zen Ze-kiun déclarait qu’"en réalité il n’y a qu’une seule Église en Chine car toutes deux, apparemment distinctes, veulent être unies au pape". En effet, précisait-il, un grand nombre des évêques de l’Église officielle ont été reconnus par le Vatican, et surtout ces dernières années, ajoutant que les évêques affiliés à l’Association patriotique des catholiques de Chine sans l’approbation du pape n’étaient pas acceptés par le clergé et les fidèles. Il a souhaité "que cet état de fait et cette attitude ecclésiale incitent le gouvernement chinois à normaliser la situation, malgré les résistance des ’conservateurs’ de l’Église patriotique en raison d’intérêts personnels". Mgr Joseph Zen Ze-kiun a  conclu en jugeant que "l’Eucharistie bien célébrée pourra sans aucun doute accélérer la venue de la vraie liberté religieuse en Chine". Car, "l’invitation par le pape de quatre évêques chinois pour le Synode était une bonne opportunité qui a été ruinée par Pékin".

 Le père jésuite Benoît Vermander, dans un article publié par la revue jésuite italienne La Civiltà cattolica du 6 mars 2004 sous le titre "Y a-t-il un réveil religieux en Chine ?", annonçait qu’environ deux tiers des 79 évêques de l’"Association patriotique" chinoise étaient reconnus par le Saint-Siège. Ainsi, Joseph Xing Wenshi, prêtre chinois de l’Eglise officielle, qui a été sacré évêque auxiliaire de Shanghai en juin dernier, déclarait publiquement que le pape avait accepté sa nomination. Dans La Civiltà cattolica du 15 octobre dernier, le jésuite Hans Waldenfels affirmait, dans un article intitulé "La Chine est en train de s’ouvrir", que désormais "avant d’être sacrés évêques de l’Église officielle les candidats cherchaient à obtenir la reconnaissance du Saint-Siège". Depuis les années 1990 l’Église patriotique chinoise célèbre la messe "avec tous les rites que nous connaissons chez nous" (c’est-à-dire la nouvelle messe, ndlr), effaçant "toute distinction avec la liturgie célébrée dans la clandestinité", ajoutait le père allemand, qui s’est rendu de nombreuses fois en Chine. Si l’Église patriotique donnait auparavant "une impression de fermeture, pour ne pas de dire de frayeur, (…) aujourd’hui, le nom du pape est toujours prononcé dans le canon, à haute voix", et "où que l’on aille, l’on peut voir le portrait du nouveau pape". Il précisait qu’"il y a des régions où l’on accède librement aux églises clandestines", en notant que" la ‘cathédrale’ d’un ‘évêque clandestin’ peut parfois être plus grande que celle de l’‘évêque officiel’". Cependant, le père jésuite souligne l’antagonisme des deux points de vue : "le gouvernement chinois considère la nomination des évêques comme une question purement interne à la Chine", tandis que Rome, "pour des motifs surtout théologiques", y voit une question religieuse propre à l’Église ".

 Le 18 octobre 2005, en la fête de saint Luc, le cardinal Angelo Sodano, secrétaire d’Etat du Saint-Siège, a lu la lettre datée du 6 octobre et écrite en latin par Mgr Luc Li Jingfeng, au cours de la 19ème congrégation générale du synode.  L’évêque exprimait le regret de ses confrères et lui-même de ne pouvoir être aux côtés des 244 pères synodaux, avec leur souhait de voir rétablies les relations diplomatiques entre le Saint-Siège et la Chine. Benoît XVI a fait savoir qu’il adresserait une réponse manuscrite aux évêques chinois. Les attachés de presse du Synode ont indiqué que ces deux lettres devraient être rendues publiques ensemble.

 Le 22 octobre les pères synodaux ont adressé une lettre en latin à leurs "très chers frères dans l’épiscopat" dont l’absence au synode "a causé une profonde déception dans leur âme". Ils poursuivaient à l’attention des évêques chinois : "Nous aurions été heureux de vous rencontrer et d’entendre raconter de votre propre voix l’histoire de votre expérience ecclésiale source de souffrances et de fruits". En souhaitant que "l’on puisse rapidement trouver des chemins afin de rendre plus visible encore la pleine communion", les pères synodaux assuraient leurs confrères de "la prière de toute l’Eglise" à leurs intentions. La "lettre aux évêques chinois membres de la 11ème assemblée générale ordinaire absents de la salle du Synode" portait la signature de Mgr Nikola Eterovic, secrétaire général du Synode, et des cardinaux Francis Arinze, préfet de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements ; Juan Sandoval Iniguez, archevêque de Guadalajara (Mexique) et Telesphore Placidus Toppo, archevêque de Ranchi (Inde), tous trois présidents délégués.

 Le dimanche 23 octobre Benoît XVI a adressé "au nom de tout l’épiscopat (…) un salut fraternel aux évêques de l’Eglise en Chine" à la messe de clôture du Synode. "Le chemin de souffrance des communautés confiées à leur soin pastoral est présent dans notre cœur; il ne demeurera pas sans fruit parce qu’il représente une participation au mystère pascal, à la gloire du Père".