Chine : une nouvelle loi sur la protection des secrets

Source: FSSPX Actualités

Un amendement à la Loi de la République de Chine sur la protection des secrets d’Etat, devant entrer en vigueur le 1er mai 2024, a été publié en janvier. Cette loi, promulguée en 1988 a été révisée en 2010. L’interprétation donnée à cet amendement est diverse, selon le point de vue.

Selon l’agence Reuters, les législateurs chinois « ont élargi la loi sur les secrets d’Etat en étendant le champ d’application des informations sensibles restreintes aux “secrets de travail” » selon le texte intégral de la loi publiée en ligne. Une traduction anglaise est donnée par le site China Law Translate.

Une loi visant les entreprises étrangères

« L’importance croissante accordée par la Chine à la sécurité nationale est source d’incertitude pour les entreprises », a déclaré Jens Eskelund, président de la Chambre de commerce de l’Union européenne à Pékin, selon des propos rapportés par Reuters.

Les secrets d’Etat englobent des domaines allant de la prise de décision du gouvernement et du Parti communiste chinois (PCC) aux activités militaires et diplomatiques, en passant par le développement économique, la science et la technologie. La mise à jour de la loi exige la protection des éléments d’information « qui ne sont pas des secrets d’Etat, mais dont la fuite aurait certains effets néfastes ».

La loi révisée « renforcera la systématisation, l’exhaustivité et la synergie » des lois relatives à la sécurité nationale et aux secrets d’Etat, a déclaré un fonctionnaire anonyme du Bureau des secrets d’Etat. « Cette révision (…) a clairement inscrit dans la loi la gestion du secret par le Parti », a-t-il ajouté.

Une interprétation mitigée

Selon Jeremy Daum, attaché de recherche au Yale Law School Paul Tsai China Center, basé à Pékin « la récente révision de la loi chinoise sur la protection des secrets d’Etat ne semble pas si importante que cela ». Pour lui, « la plupart des changements ne sont que des mises à jour visant à tenir compte d’une société de plus en plus numérique ».

Il ajoute que « la version finale de la loi mentionne que des règles distinctes concernant les “secrets d’entreprise” seront fournies, mais il pourrait s’agir de documents internes publiés par les services concernés. C’est un point à surveiller. »

Agent spécial ! Où courrez-vous ? Affiche de 1951. La chasse aux espions, une vieille crainte du communisme chinois.

L’interprétation de Bitter Winter

Bitter Winter est un magazine en ligne sur la liberté de religion et les droits de l’homme en Chine. Le site a publié un article sur la nouvelle loi, dont l’objectif déclaré est de renforcer la protection des secrets d’Etat et de la sécurité nationale, et de prévenir les fuites, l’espionnage et le sabotage.

La loi définit les secrets d’Etat comme des questions liées à la sécurité et aux intérêts de l’Etat dans divers domaines, mais la définition n’est pas claire, car la loi élargit la définition des secrets d’Etat à des questions qui n’ont pas été définies comme secrètes par une autorité quelconque, mais qui pourraient néanmoins affecter la sécurité et les intérêts de l’Etat si elles étaient divulguées.

L’article 13 donne une liste non exhaustive des secrets d’Etat. Bitter Winter conclut qu’un secret d’Etat est ce que le PCC décide être tel, même après que le contenu en a été révélé. Les éléments donnés par cet article peuvent englober des questions relatives aux droits de l’homme et la répression des religions “illégales”.

Le nouveau texte accorde plus d’autorité à la Commission de sécurité nationale, au Bureau du secret d’Etat et à d’autres départements pour superviser et contrôler la mise en œuvre de la loi, ainsi que pour enquêter sur les violations et les punir. Elle alourdit les sanctions pour violation de la loi, qui vont de l’avertissement et de l’amende à l’emprisonnement et à la peine de mort.

La loi peut avoir un effet dissuasif pour les journalistes, les universitaires, les activistes et les avocats, confrontés à davantage de restrictions et de risques dans leur travail. La loi peut également affecter la coopération et les échanges entre la Chine et d’autres pays et régions, en particulier dans le domaine des affaires, de la science et de la technologie.

Ces mesures ne sont donc pas favorables pour l’économie. Mais, pour Bitter Winter, la priorité du PCC est peut-être de créer un climat de terreur et d’essayer d’empêcher toute information préjudiciable au Parti d’être partagée sur les médias sociaux ou de faire l’objet d’une fuite à l’étranger… y compris pour Bitter Winter dont des correspondants ont déjà été arrêtés en 2018.

Cette loi pourra aussi être utilisée contre l’Eglise catholique, dans le sens d’une sinisation. Le fait de communiquer avec le Vatican, pour les évêques catholiques, pourrait être, dans certaines circonstances, interprété comme une violation d’un secret d’Etat, avec les conséquences et les peines qui pourraient s’en suivre.