Considérations morales sur le vaccin anti-Covid 19
Alors que plusieurs vaccins contre le Covid-19 ont déjà été mis au point, diverses rumeurs circulent autour de ces produits et avancent une impossibilité morale d’en user.
La situation pharmaceutique est extrêmement complexe et évolutive. A ce jour, on ne compte près d'une cinquantaine de vaccins différents déjà produits ou en cours d’élaboration, selon 4 méthodes distinctes de conception.
Le présent article traite exclusivement de la réponse à donner à cette question morale : sur la base concrète du fonctionnement d’un vaccin et de la manière dont il est préparé, est-il possible d’utiliser l’un ou l’autre des ces vaccins sans commettre de péché ?
Libre à chacun d’avoir son opinion sur l’origine du Covid-19, sur la manière dont il a été géré ici ou là, sur la politique de vaccination de tel ou tel pays, sur la vaccination en général ; mais tous ces éléments ne changent rien à la conclusion morale donnée ici.
Article mis à jour le 6 mars 2021.
Cet article comporte trois parties, nécessaires pour comprendre le jugement moral porté.
Présentation de la vaccination
L’idée vaccinale
L’idée de préparer le corps contre les effets néfastes de poisons ou d’agents infectieux n’est pas nouvelle. Elle pourrait remonter au roi Mithridate (132 – 63 av. JC). Il est dit qu’il prenait de petites quantités de poison afin de s’y accoutumer. Cette idée se retrouve aujourd’hui dans la désensibilisation, qui a pour but de diminuer les réactions inappropriées chez les sujets allergiques. Le sujet est mis en contact avec des quantités croissantes d’éléments auxquels il est sensible pour, à terme, supprimer la réaction allergique à ces éléments.
Dans la vaccination, le mécanisme est différent. Il consiste à administrer tout ou partie d’un agent infectieux, parfois seulement sa production, pour provoquer la réaction de l’organisme et lui permettre d’acquérir une immunité contre cet agent.
Une première conclusion importante doit être tirée. La vaccination ne fait qu’utiliser une propriété du corps humain ou animal : sa capacité dite immunitaire de s’opposer activement aux agents étrangers qui l’attaquent. Ainsi, si un sujet est infecté par le bacille de Koch, agent de la tuberculose, et guérit, il sera immunisé contre une nouvelle infection : c’est une immunité naturelle. Si un autre sujet est vacciné par le BCG (Bacille de Calmette et Guérin), qui vient d’un bacille de Koch rendu inoffensif, il développe également une immunité, produite par la vaccination : c’est une immunité induite, efficace contre le bacille de Koch.
Mais il est bien évident que cette immunité est également naturelle : c’est seulement la manière dont elle a été produite qui diffère. Cette immunité induite est souvent moins durable, car la réaction sollicitée est moins importante qu’au cours d’une maladie.
Les divers types de vaccins
Jusqu’à présent, on pouvait classer les vaccins en deux catégories : les vaccins vivants atténués et les vaccins inactivés.
Dans le premier cas, avant de l’administrer, on modifie d’abord l’agent infectieux dans le but de le rendre inoffensif, mais en lui conservant son pouvoir antigénique, c’est-à-dire sa capacité à provoquer une réaction immunitaire. Le cas du BCG est caractéristique de cette méthode. Le système immunitaire s’attaque à l’agent vaccinal et gardera en mémoire son intervention : il sera ensuite capable de se défendre contre une attaque de l’agent infectieux.
Cependant, ce type de vaccination est contre-indiqué pour les sujets immunodéprimés – dont le système immunitaire est déficient – car il y a alors un risque de véritable infection. Le cas s’est présenté avec la vaccination contre la variole et a produit des drames.
Dans le cas des vaccins inactivés, l’agent infectieux est mort ; il peut être administré entier ou en partie. Parmi eux, le vaccin antitétanique est un cas singulier : il n’utilise pas l’agent infectieux, mais la toxine qu’il produit, qui est dangereuse, voire mortelle. Cette toxine est détoxifiée avant d’être administrée, de sorte qu’elle ne présente plus de danger, mais garde son pouvoir antigénique.
L’on peut associer à cette dernière catégorie les vaccins dits “protéiques” : l’agent vaccinal n’est composé que de protéines de l’enveloppe du virus, ou de son enveloppe entière vidée de son contenu.
Une autre variante consiste à utiliser un virus inoffensif pour l’homme, pour introduire l’agent vaccinal dans sa cible cellulaire (vecteur viral).
Les vaccins synthétiques
Un nouveau type de vaccin est étudié depuis dix ans. Il a été d’abord envisagé pour des maladies telles qu’Ebola ou Zika. L’idée a été reprise pour le vaccin contre le Covid-19.
Comme tout être vivant, le virus Covid-19 contient un matériel génétique formé d’acide ribonucléique (ARN). Chez les vivants, l’ARN peut exister sous diverses formes : ARNm (messager) qui transmet des informations de l’ADN du noyau de la cellule aux systèmes utilisateurs ; ARNt (transfert), qui apporte les éléments à assembler selon le code de l’ARNm ; ARNr (ribosomial) qui constitue les ribosomes, les usines de fabrication des protéines.
L’idée du vaccin synthétique est de copier une petite partie du virus concerné, sous la forme d’un ARNm. La partie choisie dans le cas du Covid-19 est celle qui code la spicule, un élément qui permet au virus de s’introduire dans les cellules.
Cet ARNm vaccinal est administré au sujet et pénètre dans une cellule, ce qui entraîne sa multiplication. Lorsqu’il sort de la cellule, il est appréhendé comme élément étranger, et détruit par le système immunitaire. De ce fait, le sujet acquiert une immunité induite qui lui permettra de lutter contre une infection réelle par Covid-19.
L’intérêt de cette méthode est la rapidité de la mise au point. De fait, les deux laboratoires ayant déjà annoncé des résultats très satisfaisants utilisent cette méthode. Le laboratoire russe Gamaleya produit un vaccin d’une manière similaire, mais utilise un “vecteur”, autrement dit, un virus inoffensif pour l’homme, pour introduire le fragment d’ARN. Ce qui pourrait poser un problème moral qui sera examiné plus loin.
Les spécialistes de l’ARNm opposent des objections au vaccin de ce nom, qui méritent considération. D’abord, divers paramètres nécessaires à l’efficacité du vaccin semblent trop aléatoires. Ainsi, les patients atteints de cancer ou de maladies auto-immunes pourraient souffrir de complications. De plus, la possibilité que l’ARNm soit transformé en ADN, quoique extrêmement faible, ne semble pas nulle. Mais il semble difficile d’élaborer le scénario d’une incorporation de cet ADN dans le génome dans un être vivant.
Enfin, en matière de vaccination, l’histoire de la médecine a démontré que l’on ne pouvait se passer de certaines étapes et du temps qu’elles nécessitent. La précipitation avec laquelle ces vaccins à ARNm ont été autorisés, peut donc être sans hésitation considérée comme une imprudence grave. Ce qui ne signifie pas qu’il y aura obligatoirement des effets graves, mais que la prudence habituelle n’a pas été respectée.
La préparation des vaccins
La préparation d’un vaccin comporte trois étapes : la conception, la production et le test en laboratoire. Au cours de ces trois étapes d’élaboration, une difficulté morale peut survenir à cause du milieu dans lequel le vaccin est préparé.
Notons immédiatement que les vaccins contre les maladies transmises par des bactéries ne sont pas en cause. En effet, dans ce cas, le milieu de culture n’est qu’un ensemble de nutriments qu’utilise la bactérie pour se nourrir : glucose, eau, calcium, etc.
Dans le cas des vaccins viraux, la difficulté est la suivante : chacune des trois étapes de leur préparation peut requérir une culture de virus, nécessitant un milieu composé de cellules vivantes. Dans le cas particulier des vaccins synthétiques, c’est le cas seulement pour la phase de test.
Or, les virologues utilisent trois types de cellules : des cellules issues d’organes humains ou animaux ; des lignéesUne lignée de cellules ou lignée cellulaire est une population homogène de cellules, stables après des mitoses (divisions) successives, et ayant en théorie une capacité illimitée de division. continues qui sont souvent d’origine cancéreuse et se multiplient presqu’indéfiniment ; et des cellules embryonnaires humaines, qui se multiplient également très longtemps.
Les lignées embryonnaires humaines
Parmi ces dernières, il existe actuellement au moins trois lignées qui sont issues d’un avortement : la lignée HEK-293, issue d’un fœtus avorté en 1972 aux Pays-Bas, la lignée MRC-5, issue d’un fœtus avorté en 1966 en Angleterre, et la lignée Per.C6, issue d’un fœtus avorté aux Pays-Bas en 1985.
L’utilisation de cellules issues de fœtus avortés pour produire des vaccins a donc cours depuis les années 60, et a déjà permis l’élaboration de différents vaccins, comme ceux qui préviennent la rubéole, la varicelle, l’hépatite A et le zona.
Dans le cadre du développement de vaccins contre le Covid-19, ces cellules sont utilisées pour produire soit des vecteurs viraux (adénovirus), qui transporteront l’agent vaccinal, soit la protéine du spicule du coronavirus, qui provoquera une réponse immunitaire.
Les laboratoires pharmaceutiques préfèrent, malheureusement, utiliser des cellules issues de fœtus plutôt que des cellules adultes, qui vieillissent plus vite et cessent de se diviser. Les cellules fœtales sont aussi moins susceptibles d’être contaminées par des virus ou des bactéries, ou d’avoir subi des mutations génétiques.
Problèmes moraux posés par l’utilisation de lignées issues de fœtus avortés
La question est de savoir si l’on peut, ou même dans certains cas, si l’on est tenu d’employer un vaccin qui aurait été cultivé sur des cellules issues d’avortement ?
Le crime de l’avortement est si abominable et si répandu aujourd’hui, qu’au premier abord, cette question peut paraître inutile ; spontanément, le catholique répond : non.
En réalité, le problème peut s’avérer extrêmement délicat, car il arrive que, dans certaines circonstances bien particulières, on puisse être confronté à des devoirs si graves, que cela entraîne de véritables cas de conscience. Dans ces dilemmes redoutables, l’appui de la théologie morale s’avère indispensable pour examiner la situation de façon approfondie, et discerner le bien à accomplir.
Remarques préliminaires
Il est nécessaire de remarquer que les cellules fœtales ne sont pas injectées avec le vaccin, comme certains le croient : elles servent seulement à la culture des virus, et sont d’ailleurs détruites par les virus, comme le sont les cellules infectées chez un malade. Cela ne change d’ailleurs rien au problème moral.
Il faut également remarquer que ce n’est pas l’utilisation des cellules fœtales elles-mêmes qui est coupable, parce qu’elles auraient pu être obtenues de manière licite : en cas d’avortement spontané ou de fausse-couche. C’est le fait qu’elles aient été obtenues par un acte mauvais : un avortement.
Distinctions en jeu
Le principe qui guide la réflexion dans cette situation, est celui de la coopération au mal. La question qui se pose de manière générale est la suivante : est-il permis de coopérer au mal ou au péché d’autrui ? La théologie morale a donné les explications nécessaires.
Est appelée “coopération au mal”, le fait d’aider un pécheur à commettre son péché, quelle que soit l’aide apportée. Il faut, pour qu’elle soit constituée, que l’action du coopérateur ait une influence réelle sur l’acte mauvais, par l’aide apportée pour le produire.
Pour l’apprécier il faut la situer avec exactitude. Ceci est capital. Ceux qui négligent ces précisions risquent de ne pas bien juger de la moralité d’une coopération.
Cette dernière est dite immédiate quand le coopérateur réalise avec le pécheur l’acte même du péché, par exemple s’il aide le voleur à emporter le butin et à le cacher. C’est le cas encore de l’aide chirurgicale qui accomplit certaines parties d’un avortement avec l’avorteur.
La coopération est dite médiate quand le coopérateur fournit ce qui va servir au pécheur – matériel, action nécessaire, moyen – ou qui lui permettra de le faire plus facilement. Ainsi celui qui tient l’échelle au voleur, ou l’infirmière qui assiste le médecin avorteur.
Cette coopération médiate, enfin, peut être plus ou moins “proche” ou “éloignée”, selon que l’aide apportée influe plus ou moins sur le péché commis, ou a une connexion plus ou moins grande avec lui. Ainsi, fournir une idole à un païen est une coopération proche. Mais vendre le bois dont l’idole sera faite relève de la coopération éloignée.
Par ailleurs, en fonction de l’intention, on distingue la coopération formelle : le coopérateur consent volontairement au péché auquel il prête une aide. Ainsi, celui qui aide un cambrioleur en faisant le guet, par exemple, tout en approuvant ce péché, coopère formellement. Il sera d’ailleurs appelé “complice” par le droit.
La coopération est matérielle lorsque le coopérateur ne veut pas le péché, mais agit en prévoyant que le pécheur abusera de son apport pour pécher. Ainsi, le tenancier de bar qui accepte de fournir quelques verres à un client déjà éméché, uniquement pour l’argent, participe au péché d’ivrognerie mais ne s’associe pas à l’intention de l’ivrogne.
Principes
– La coopération formelle est toujours illicite et interdite, car elle ne fait que prendre à son compte le péché auquel on coopère. Le coopérateur recherche le péché lui-même.
– La coopération immédiate, même seulement matérielle, est illicite, parce qu’elle est une action mauvaise, et la plupart du temps un péché identique à celui du pécheur principal. Par exemple, un aide-chirurgien qui participe à une stérilisation – ligature des trompes ou vasectomie – fait le même péché que le chirurgien. Car son action influe directement sur l’acte du péché qui ne pourrait être commis sans lui, ou du moins avec beaucoup plus de difficultés.
– La coopération médiate est licite ou illicite. La plupart du temps et ordinairement, elle est illicite. Car l’on doit toujours chercher à éviter les actions mauvaises ou à éviter d’y coopérer.
– Cependant, pour une utilité réelle ou une nécessité grave, on peut parfois être invité à poser un acte qui, quoique bon en lui-même, sera une coopération médiate à une action mauvaise.
L’utilité ou la nécessité dont il est question peut être si impérieuse, que l’on est alors excusé de l’obligation d’éviter la coopération au mal. On dit qu’il existe une raison proportionnellement grave pour coopérer licitement.Merkelbach, Summa theologiae moralis, t. I, Paris, Desclée De Brouwer, 1931, pp. 394-400.
Prenons un exemple général : les divers acteurs possibles autour d’un avortement :
- coopérateur immédiat : l’aide-chirurgien qui fait une partie de l’avortement ;
- coopérateur médiat proche : l’assistant qui aide le médecin en lui passant les instruments ;
- coopératrice médiate moins proche : l’infirmière qui prépare la femme pour l’opération ;
- coopérateur médiat encore moins proche : celui qui entretient la salle d’opération ;
- en s’éloignant encore : celui qui stérilise les instruments nécessaires ;
- coopérateur éloigné : le laboratoire qui fournit les produits anesthésiants et les dilatateurs, ou encore le fabricant des instruments chirurgicaux : dans ces deux cas, le matériel fourni peut servir à d’autres interventions qu’un avortement ;
- coopérateur très éloigné : l’entreprise de livraison de ces produits.
Etant supposé pour chacun la coopération matérielle, la “proximité” par rapport au péché commis est très variable. Doit-on dire que tous et chacun de ces coopérateurs matériels sont absolument tenus de s’abstenir ? A n’importe quel prix ?
La théologie morale répond : non. L’influence sur l’acte mauvais est tellement faible, par exemple, pour celui qui balaie la salle d’opération, qu’une raison telle que garder sa place est suffisante pour continuer ainsi.
En revanche, plus l’influence exercée sera forte, plus la raison devra être grave. Et lorsque la proximité est trop grande, plus aucune raison ne peut excuser. Il faut refuser, quitte à changer de travail.
Application aux vaccins préparés avec des cellules issues d’avortement
Il s’agit maintenant de situer la coopération des acteurs de la préparation ou de l’utilisation d’un vaccin, dans le cas où il est préparé avec des cellules issues d’un avortement. L’on suppose qu’il s’agit de coopération matérielle, car une coopération formelle est de toute façon illicite.
Celui qui fabrique ce vaccin ou le commercialise coopère au péché d’avortement d’une manière qui, quoiqu’elle ne puisse être qualifiée de proche, peut être appréciée comme immorale. La culpabilité varie néanmoins selon le rôle exercé.
Celui qui dirige une entreprise pharmaceutique profitant d’un avortement passé, porte une responsabilité plus lourde. D’abord parce qu’il pourrait ne pas fabriquer ce vaccin, ensuite parce qu’il devrait ne plus utiliser les lignées cellulaires en question, et choisir d’autres lignées qui ne posent pas de problème moral, même si cela présente des inconvénients.
Le chercheur qui choisit les lignées cellulaires sur lesquelles il veut travailler se trouve dans une situation analogue : il profite d’un crime passé.
Mais le laborantin qui n’est qu’un exécutant, ou le chauffeur de camion livrant le vaccin, n’ont qu’une coopération éloignée : elle est donc acceptable, particulièrement pour le second.
Le médecin qui vaccine un patient, ou le patient qui se fait vacciner, n’ont qu’une coopération éloignée, car ces actes n’encouragent et ne favorisent le péché d’avortement que de façon très lointaine et très légère. Pour des raisons suffisantes de santé, de tels actes pourraient donc être moralement permis.
Une jeune femme devant se marier peut ainsi recevoir la vaccination contre la rubéole, même si un tel vaccin est presque toujours préparé sur des cellules fœtales obtenues par avortement. La raison est le danger pour l’enfant : si une femme contracte la rubéole durant sa grossesse, surtout pendant le premier trimestre, les risques de malformations – oculaires, auditives ou cardiaques – sont importants. Ces malformations sont définitives.
Cependant, si un vaccin est obtenu à partir de cellules non issues d’un avortement, et qu’il est disponible, c’est lui, bien sûr, qu’il faut utiliser.
Application au cas du vaccin contre le Covid-19
L’on ne s’intéresse ici qu’à la question suivante : l’aspect moral de l’utilisation d’un vaccin anti-Covid par rapport à sa préparation ou fabrication.
Lignées utilisées dans le cadre du vaccin contre le Covid-19
La liste complète des vaccins en préparation est donnée dans le document annexé à cet article. Ce document précise à chaque fois la firme responsable, et l’utilisation éventuelle de cellules issues de fœtus avorté, dans l’une ou l’autre phase de la préparation : conception, production et test.
Liste des vaccins actuellement en préparation :
Jugement moral d’après les principes posés
Puisque certains des vaccins proposés n’ont pas été préparés illicitement, ils ne posent pas de problème moral d’utilisation de ce point de vue. Ils doivent donc être préférés aux autres.
Les vaccins qui ont utilisé une préparation moralement illicite, doivent autant que possible être laissés de côté.
Mais si, dans un cas particulier, une personne se trouve dans la nécessité de se faire vacciner, et dans l’impossibilité d’obtenir un vaccin “licite”, n’ayant à sa disposition qu’un vaccin “illicite” ? Cela peut se présenter pour raison de santé – personne âgée vulnérable ; ou à cause de la situation professionnelle – personnel médical exposé ; ou encore pour raison professionnelle, comme un voyage en avion, car il y a déjà au moins une compagnie aérienne – Qantas en l’occurrence – qui a averti qu’elle exigerait la vaccination pour accepter un passager, dès que les vaccins seront disponibles. Il est très probable que cette exigence soit rapidement reprise par de nombreuses compagnies aériennes.
La coopération n’étant que lointaine, et la raison invoquée étant suffisamment grave, il est possible, dans ces cas, d’user d’un tel vaccin. Il reste d’ailleurs à chacun le devoir de juger, avec l’aide de conseils appropriés, de cette réelle nécessité.
Il faut affirmer nettement que nous sommes ici dans le domaine d’un jugement de prudence, qui ne peut être uniforme pour tous et dans tous les cas. La théologie morale dit ce qui est licite ou illicite. Elle donne les principes. Mais c’est à la prudence personnelle de juger au cas par cas de leur application.
Quant aux éléments extérieurs à cette question [de la licéité en fonction de la provenance et de la préparation du vaccin], ils sont de l’ordre de l’opinion personnelle. Comme toute opinion qui ne peut être prouvée absolument, il est vain et impossible de vouloir l’imposer à tous. Libre à chacun d’avoir son opinion sur l’origine du Covid-19, sur la manière dont il a été géré ici ou là, sur la politique de vaccination de tel ou tel pays, sur la vaccination en général ; mais tous ces éléments ne changent rien à la conclusion morale donnée ici.
Une dernière remarque
Il faut noter que, outre le cas de ces vaccinations que nous avons étudié, la coopération au mal se présente dans de multiples situations analogues : ces dernières peuvent être traitées et résolues selon les mêmes principes moraux. Ainsi :
Faut-il cesser de payer l’impôt, par exemple en France, parce qu’une partie de l’argent sert à rembourser l’avortement ou la PMA ?
Faut-il accepter de se fournir chez un pharmacien qui vend des produits illicites : abortifs, préservatifs, contraceptifs ? Ne serait-ce pas une forme d’encouragement ?
Faut-il accepter de se laisser soigner par un médecin qui agrée l’avortement et qui prescrit la pilule ?
Faut-il accepter d’aller dans un grand magasin ou dans une librairie qui vend de mauvais journaux ?
Une caissière doit-elle refuser d’encaisser le paiement d’un client qui lui présente un mauvais DVD ? Il est clair que la liste pourrait s’allonger indéfiniment.
Un dernier exemple sera tiré du nouveau Testament : Est-il permis de manger des idolothytes, autrement dit des viandes sacrifiées aux idoles (1 Co 8, 1) ?
Il faut savoir, pour bien situer cette question, que toute la viande consommée dans l’Antiquité passait obligatoirement par les temples. Il n’y a d’ailleurs qu’un mot en grec, mageiros (utilisé exclusivement au masculin), pour désigner le sacrificateur, le boucher et le cuisinier : pour qui voulait s’abstenir de viande immolée, il n’y avait pas d’autre viande à consommer.
Ajoutons que le péché d’idolâtrie est l’un des plus graves, puisqu’il s’attaque à Dieu lui-même.
La réponse que donne saint Paul est : il est permis de manger de ces viandes, sauf si cela scandalise le prochain. Cela signifie que celui qui consomme cette viande ne participe pas au péché d’idolâtrie. Sans quoi saint Paul n’aurait pu répondre ainsi.
De même, celui qui est dans une situation de coopération matérielle suffisamment éloignée dans l’usage d’un vaccin contre le Covid-19, dont la fabrication aurait bénéficié d’une des lignées cellulaires susmentionnées, ne participe pas au péché d’avortement commis il y a 35, 48 ou 54 ans.
Cependant, comme il a été dit, il faut, autant que c’est possible, éviter une coopération au mal, même matérielle, et s’il y a le choix, prendre le vaccin qui ne pose aucun problème moral.
Nous ne devons cependant pas nous contenter de ce déplorable état des choses sans rien faire. Les catholiques influents doivent user de tout leur pouvoir pour inciter l’industrie pharmaceutique à développer leurs nouveaux vaccins sur des supports cellulaires qui ne soulèvent aucune difficulté morale.
Abbé Arnaud Sélégny +
(Sources : lozierinstitute.org/ieb-eib.org/Le Figaro - FSSPX.Actualités)
Illustration 1, 3 et 5 : Flickr / Jean-Louis Mazières (CC BY-NC-SA 2.0)
Illustration 2 : Georges de La Tour, Domaine public, via Wikimedia Commons
Illlustration 4 : Nicolas Régnier, Domaine public, via Wikimedia Commons