Discorde au sein du collège cardinalice

Le 9 mai 2010, la presse italienne a largement repris les propos critiques tenus par l´archevêque de Vienne, le cardinal Christoph Schönborn (à gauche sur la photo), contre le doyen du Sacré Collège, l´Italien Angelo Sodano (à droite sur la photo). Le prélat autrichien reproche à l´ancien secrétaire d´Etat du Saint-Siège d´avoir récemment réduit à de simples « jacasseries » les scandales des prêtres pédophiles mais aussi d´avoir couvert les méfaits de son prédécesseur à Vienne, le cardinal Hans Hermann Groër, au milieu des années 1990.
Au cours d´une rencontre informelle avec la presse autrichienne, le 28 avril dernier, le cardinal Schönborn aurait ainsi accusé le cardinal Angelo Sodano de s´être rendu coupable d´une « lourde offense » à l´égard des victimes de prêtres pédophiles, le 4 avril dernier. Au début de la messe de Pâques au Vatican, le doyen des cardinaux avait fait publiquement part à Benoît XVI du soutien de toute l´Eglise, dans la tourmente des scandales de pédophilie, en lui demandant de ne pas « se laisser impressionner par les ‘jacasseries’ du moment ».
Selon l´agence de presse catholique autrichienne Kathpress, le cardinal Schönborn est allé plus loin en accusant le cardinal Sodano, secrétaire d´Etat de 1991 à 2006, de s´être opposé, il y a 15 ans, à la création d´une commission d´enquête vaticane sur l´archevêque de Vienne de l´époque, le cardinal Groër. Celui-ci était alors accusé par un ancien séminariste d´actes pédophiles commis dans les années 1970. Le cardinal Groër avait démissionné de son poste en 1995, dès les premières allégations d´abus sexuels. Il est décédé en 2003.
« Pendant longtemps, le principe de l´Eglise a été de pardonner, a déploré le cardinal Schönborn, mais ce principe a été mal interprété, en faveur des coupables et non des victimes ». L´archevêque de Vienne, au cours de sa rencontre avec la presse, aurait aussi souhaité une réforme « urgente » de la curie romaine.
Les accusations portées par le cardinal Schönborn à l´encontre de l´ancien Secrétaire d’Etat s´ajoutent à celles récemment parues dans la presse américaine concernant son éventuelle complaisance à l’égard du fondateur des Légionnaires du Christ, le père Marcial Maciel (1920-2008), accusé d´abus sexuels. (voir DICI n°214). Pour l´heure, le cardinal Sodano n´a répondu à aucune de ces accusations. Pour beaucoup de vaticanistes, les récentes attaques concentrées sur l´ancien secrétaire d´Etat de Jean-Paul II et sur plusieurs membres de son entourage ne faciliteront pas l´accélération du procès de béatification du pape polonais.
Dans le quotidien italien La Repubblica du 10 mai 2010, l´ancien préfet de la Congrégation pour les causes des saints, le cardinal portugais Saraiva Martins a affirmé que même si l´intention du cardinal Schönborn était « honnête », ses accusations à travers la presse n´ont « pas rendu service à l´Eglise ». « Condamner publiquement celui qui représente l´unité des cardinaux (le doyen du Sacré Collège) n´est pas opportun », a-t-il ajouté.
Dans une note à propos de l’intervention du cardinal Sodano avant la messe de Pâques, adressée au Corriere della Sera et publiée le 10 mai, le Père Federico Lombardi, directeur du Bureau de presse du Saint-Siège, a déclaré que « Benoît XVI n´avait absolument rien demandé ». « Le discours du cardinal Sodano a été une initiative du collège cardinalice », a-t-il précisé, ajoutant que Benoît XVI, même dans des moments difficiles, « ne quémande et n´organise pas de manifestations de défense et de soutien pour sa sérénité (...) et son autorité ».
Le journal romain Il Fatto Quotidiano a pour sa part qualifié les propos du cardinal Schönborn de « très courageux ». Il a souligné qu´ils ont été portés à la connaissance du public en Allemagne le jour même où le souverain pontife a accepté la démission de Mgr Walter Mixa, évêque d´Augsbourg. Le 8 mai, lors d´une conférence de presse, les représentants de l´Eglise catholique en Allemagne ont confirmé que Mgr Walter Mixa était sous le coup d´une enquête préliminaire menée par le procureur de l´Etat de Bavière concernant des accusations d´abus sexuels sur mineurs, lorsqu´il était évêque d´Eichstätt (1996-2005). L´avocat de Mgr Walter Mixa a nié toutes les accusations formulées contre le prélat allemand. Et le 14 mai, le procureur de l´Etat de Bavière à Ingolstadt, Helmut Walter, a fait savoir que « la suspicion de crime d´abus sexuel n´avait pas pu être établie », et que l’enquête était abandonnée. (Sources : apic/imedia/Kathpress/La Repubblica – DICI n°215 du 22/05/10)