Doctrine sociale de l’Eglise : le risque personnaliste et la tentation écologiste

La Fondation Centesimus annus vient de se réunir à Rome et de décerner son prix « Economie et société », soulignant ainsi tout l’intérêt que l’Eglise porte à la doctrine sociale.
Instituée par Jean-Paul II en 1993, et dénommée ainsi en raison de l’encyclique éponyme publiée deux ans plus tôt par le pape polonais à l’occasion du centenaire de Rerum novarum, la Fondation Centesimus annus a pour buts principaux de diffuser la doctrine sociale de l’Eglise et de soutenir les actions charitables du pape.
Réunis au Vatican du 18 au 20 mai 2017, dans le cadre d’un symposium sur le thème de "la création d’emplois à l’ère numérique", les membres de Centesimus annus ont été reçus par le pape François en audience à l’issue de leurs travaux.
Le pape a salué leurs efforts de recherche dans le domaine de « l’économie, le développement et le commerce, pour répondre aux défis éthiques posés par l’imposition de nouveaux modèles et formes de pouvoir découlant de la technologie, de la culture du rebut et de styles de vie qui ignorent les pauvres et méprisent les faibles ».
Afin de populariser sa mission, Centesimus annus a de plus créé, en 2013, le prix international « Economie et société ». Il est décerné tous les deux ans à une publication dans le domaine économique et social remarquée pour sa contribution originale dans l’étude et la compréhension de la doctrine sociale de l’Eglise.
Cette année, le prix vient d’être décerné par la Fondation à l’Allemand Markus Vogt, professeur d’éthique sociale à l’Université catholique de Munich. Cet universitaire a été primé pour son livre « Le principe de durabilité. Une tentative de perspective théologico-éthique », paru en 2013.
Le lauréat y soutient la thèse selon laquelle, dans le cadre de l’économie contemporaine, ce n’est pas le progrès pour lui-même qui importe, mais le maintien des grands équilibres économiques, sociaux et écologiques, qui assure la pérennité et la justice sociale. Pour garantir ce maintien, la capacité à se restreindre volontairement est, selon lui, au cœur d’un processus qui va à l’encontre de ce que prône la société de consommation.
La doctrine sociale est devenue partie intégrante du Magistère de l'Eglise, un point de passage obligé pour tous les papes depuis l’encyclique fondatrice de Léon XIII, à laquelle fit écho Pie XI dans Quadragesimo anno. En 2004, le thème de la doctrine sociale fait même l'objet d'une synthèse systématique et exhaustive, sous la forme d'un Compendium de la doctrine sociale de l'Eglise, à l'initiative du Conseil pontifical Justice et Paix.
Jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale, les interventions du Magistère sur la question sociale ont été principalement consacrées à l’amélioration de la condition ouvrière et à la condamnation des idéologies totalitaires du communisme et du national-socialisme. Après le conflit de 1945, Pie XII orientera ses réflexions vers l'avènement d'un nouvel ordre politique international capable de garantir la sécurité des nations, tout en cherchant à prémunir les milieux ouvriers de l'influence du socialisme athée et matérialiste.
À partir des années soixante, un certain glissement s’opère sous l’impulsion de la philosophie personnaliste, celle-là même qui est au principe de la déclaration conciliaire Dignitatis humanae sur la liberté religieuse. Dorénavant, c’est la personne humaine, le respect de sa dignité et de sa transcendance qui sont au fondement de la doctrine sociale, qui intègre aussi les droits modernes issus des Lumières. Dans cette ligne conciliaire, l'apport du pape François consiste à voir et à penser la personne humaine à travers le prisme de l’écologie intégrale, comme le manifeste son encyclique Laudato si'.
L'Eglise connaît une terrible crise de transmission de la foi, notamment depuis le concile Vatican II et son adaptation au monde – aggiornamento. Celui-ci a conduit à la remise en cause de la liturgie, de l'enseignement du catéchisme ou de la morale traditionnelle. Dans ce contexte, les questions sociales sont souvent le moyen pour les pasteurs de faire entendre la voie de l'Eglise sur d'autres sujets que ceux directement confiés à leur charge : lutte contre la peine de mort et la torture ; accueil des étrangers et des migrants ; répartition des ressources et distribution des biens ; écologie et changement climatique ; dialogue des cultures et préservation de la paix, etc.
Il n'est plus guère question de la politique des Etats et du règne social du Christ, Roi des nations. C'est pourtant en rappelant aux dirigeants leurs devoirs et la place des commandements de Dieu dans la conduite des affaires publiques que l'Eglise a toute sa place pour restaurer l'ordre de la Cité et promouvoir le bien commun.
C'est ici le dernier commandement laissé par le Christ à ses Apôtres : "Allez donc, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, et enseignez-leur à observer tout ce que je vous ai commandé" (Mt 20, 28). Les questions sociales ne seront pas résolues sans le Christ Roi.
(Sources : La Croix / La Documentation Catholique / Eglises & Ecologies - FSSPX.Actualités - 20/06/17)