Echanges de courrier entre l’abbé Sulmont, curé de Domqueur et l’évêque d’Amiens, Mgr Noyer
Evêché dAmiens
Mgr Jacques Noyer
21, rue St Leu
80000 AMIENS
Amiens, jeudi 28 novembre 2002
M. labbé Philippe SULMONT
Curé du groupement paroissial
6, Place de lEglise
80620 DOMQUEUR
Cher ami,
Les propos que vous avez tenus ce mois-ci dans votre bulletin paroissial, faisant suite à ceux que vous aviez tenus précédemment dans le supplément de votre bulletin, ont ému bien des gens.
Vous semblez en appeler à une croisade nouvelle contre lIslam et même le Coran : ce nest pas conforme à la position de lEglise catholique précisée au Concile dans la déclaration Nostra Ætate.
Par ailleurs prôner une telle attitude est irresponsable par rapport au bien commun de nos cités où la paix reste fragile. Il est du devoir des pasteurs dinviter chacun à trouver des raisons de vivre ensemble plutôt que dentretenir des méfiances et des haines ancestrales.
Jai cru bon de prendre position clairement et publiquement contre vos propos.
Jai noté également que vous avez écrit ces mots dans la partie paroissiale de votre bulletin, ce qui engage évidemment le diocèse. Je veux bien accepter comme excuse le fait que vous preniez ces discours comme un simple rappel de ce quon disait autrefois. En juxtaposant le péril jaune et la présence de lIslam vous semblez manifester une xénophobie indigne dun pasteur catholique dans la situation actuelle.
Vous comprendrez que des incidents de ce genre mencouragent à chercher une solution pour la prise en charge de vos paroisses. Si lâge peut servir dexcuse à certaines de vos maladresses, il demande par là même un changement dans vos responsabilités.
Je souhaite que vous puissiez publier dans votre bulletin paroissial et sans commentaire cette présente lettre.
Je sais que vous êtes toujours prêtre du diocèse et soucieux de lannonce de lévangile. Cest pourquoi je suis certain que vous saurez tirer les leçons de cet incident. Je vous assure de mon union de prière et je vous rappelle que ma porte vous est toujours ouverte.
+ Jacques NOYER
Domqueur, le 3 décembre 2002
Non recuso laborem
Je ne renonce pas à mon travail
Devise de St Martin encore à 81 ans
Abbé Philippe SULMONT
80260 Domqueur
Tél. 22 28 03 35
Monseigneur,
Jai reçu le lundi 2 décembre la lettre que vous avez datée du 28 novembre.
Cette lettre contient des éléments étranges :
-Vous semblez être désormais lallié de la ligue des Droits de lhomme qui est depuis toujours anticléricale et qui pense probablement que les circonstances sont particulièrement favorables à son action.
- Nostra Ætate de Vatican II est en contradiction avec lapostolat dun saint François Xavier par exemple, qui aurait dû se contenter dadmirer en paix les idoles jaunes de lExtrême-Orient.
(Voir à ce sujet létude documentée du Sel de la Terre n° 42 dautomne 2002 p. 225 à 243)
-On peut sétonner que la liberté de défendre la foi catholique me soit refusée alors quau contraire le combat pour la foi musulmane soit encouragé par vous.
- Je ne comprends pas de la part de quelquun qui se veut démocrate et qui figure en tête du trombinoscope de Golias ! je ne comprends vraiment pas cette attitude dictatoriale qui prétend minterdire tout commentaire et voudrait me forcer à diffuser des propos insupportables à mes paroissiens. Vous avez lambition de me réduire au silence. Mais tout chef dont la démission a été acceptée se doit dexpédier seulement les affaires courantes en attendant linstallation de son successeur.
- "La paix fragile de nos cités" dont vous parlez, Monseigneur, (un agnosticisme bien dosé ?) nest pas la Paix dont parle lévangile. Le Christ annonce les persécutions à ceux qui seront fidèles. Cherchez le mot PAIX dans nimporte quelle synopse ou concordance, vous serez édifié.
-Lorsque vous êtes venu au presbytère de Domqueur, le jeudi 24 octobre, cétait bien comme vous lavouez maintenant, pour essayer de "prendre en charge mes paroisses", contrairement à ce que vous mavez dit ce jour-là. Mes paroissiens ne peuvent admettre que vous ayez cherché à les abuser sur ce point.
- Pour ma part, je ne puis tolérer que vous me preniez pour un gâteux "dont lâge peut servir à excuser les maladresses". Ces mots-là pourraient être retenus comme blessants. Je préfère les oublier. A nos âges, on oublie facilement !
Vous-même, "père-évêque", vous avez sans doute oublié que quatre fois jai été agressé (porte forcée, carreaux brisés, gens cagoulés à 4 heures du matin, matelas retourné...) On voulait prendre à votre fils-prêtre le magot quon espérait trouver chez lui. Mais il ny avait rien à prendre. Presque tout le casuel est distribué chaque jour aux pauvres.
Ma richesse, ce sont les pauvres qui frappent à ma porte. Ma récompense, ce sont les sacrements que je donne.
Ces richesses-là, Monseigneur, vous ne pourrez pas me les arracher.
Bien vôtre
Ph. Sulmont
Curé de Domqueur
Amiens, mercredi 18 décembre 2002,
A M. labbé Philippe SULMONT
Cher confrère,
Le 13 décembre dernier, jai signé lordonnance qui achève lopération de restructuration paroissiale inaugurée le 25 septembre 1997, en la fête de St Firmin. Vous la trouverez ici, avant de la lire dans le prochain "Dimanche".
Par cette décision, le groupement paroissial dont vous étiez le curé depuis longtemps disparaît pour se fondre dans une paroisse plus large. La "nouvelle paroisse" est désormais confiée au ministère dun curé comme le texte de lordonnance le précise.
Le dévouement que vous avez montré à légard de ces communes nest nullement oublié et cette opération na pour but que de réaliser une organisation du diocèse conforme à sa pauvreté et à ses richesses. Pour chacun de vous et en fonction des circonstances, une nomination plus précise déterminera dans quelques jours votre statut et vos responsabilités.
Si vous le souhaitez, jaccepterai volontiers que vous restiez sur place et que votre activité pastorale puisse sexercer auprès de vos paroissiens actuels, dans cette nouvelle configuration paroissiale, tant que Dieu vous donnera la santé suffisante.
Je souhaite de tout cur que cet ajustement se fasse dans la paix. Peut-être que certains voudront y voir des intentions cachées. Lapplication de cette réorganisation dans les autres parties du diocèse montrent bien les fruits que nous pourrons en espérer.
Même si vous sentez quelques blessures dans cette opération, je voudrais que vous puissiez continuer à donner le meilleur de vous même dans la confiance en lEsprit Saint.
Cest ce que je demande à Dieu à quelques jours de Noël. Le Prince de la Paix vous aidera à vivre ce moment dans la prière et lhumilité. Je vous confie à Marie !
Votre évêque
Jacques NOYER
Abbé Philippe SULMONT
80260 Domqueur
Lundi 30 décembre 2002
Monseigneur,
Dans la lettre que jai reçue hier, mardi 31 décembre, quelques inexactitudes se sont glissées que je numérote pour la commodité:
1)la lettre na pas été postée à Amiens le 29 décembre, mais au Touquet, le lundi 30 décembre (cachet de la poste.)
2) Ce ne sont pas deux problèmes mais bien trois problèmes qui se posent :
a. la plainte de la Ligue des droits de lHomme
b. la propriété des archives
c. le rattachement à la paroisse nouvelle.
3) Ces trois problèmes ne sont nullement indépendants mais liés de très près, comme lindiquent aussi nettement que possible vos propos tenus au président M. LAOUT, publiés dans le Courrier Picard du 1er décembre, p. 5: "Je ne suis pas du tout daccord, dites-vous, avec les propos de labbé Sulmont qui sont faux et irresponsables..."
4) Lorsque vous êtes venu me voir au presbytère, le jeudi 24 octobre, "la seule question pour laquelle vous êtes venu" était de "dialoguer" et cest moi qui vous ai averti que je connaissais votre but secret par une indiscrétion du curé de Revelle : "il ne peut pas tenir sa langue, celui-là !" avez vous dit au téléphone.
Vous navez même pas voulu que je vous précise lâge ni le nom du "curé de St-Riquier" que je savais prêt à démissionner.
5) Jai lu dans le dernier Dimanche (N° 22 et javais été privé, on ne sait pourquoi, des 9 numéros précédents depuis le numéro 8 davril !), jai lu "lordonnance" présentée ainsi par vous: "Suite à lordonnance du 28 septembre 97 (erreur de frappe dans la lettre de labbé Dubled du 18 décembre qui date lordonnance de 1992 !! "Madame ou M. le Maire" ne doivent plus rien y comprendre").
Il reste quaprès 5 ans passés, on ne peut logiquement et canoniquement insérer nimporte quoi dans un ordonnance !
6) Les questions de dates qui pour vous, Monseigneur, nont aucune raison dêtre, sont au contraire dune importance capitale : les gendarmes dAilly sont revenus à Domqueur précisément pour me demander le bordereau de dépôt du Bulletin de Domqueur de novembre, faute de quoi il ne pouvait y avoir saisie immédiate par référé du procureur de la république, sans attendre un procès réclamé par la L.D.D.H.
7) Il est absurde de menacer quelquun dune décision dommageable pour lui... quand elle est déjà effective !! Votre ordonnance est nulle parce que vous navez jamais tenu compte de mes droits et des arguments auxquels vous navez jamais répondu.
Le Droit que vous invoquez comporte 12 canons (1740 à 1752) dont vous ne citez même pas un seul, ignorant systématiquement les canons qui donnent la possibilité au curé de sexprimer. Cest votre attitude dictatoriale, mimposant le silence qui est inexpliquée et inexplicable.
8)Rome et la Nonciature sont désormais au courant et jai des amis qui se font fort de trouver et de prendre un avocat. Mais vous devez savoir que Rome nest pas pressée. En attendant, les maires veilleront sur les archives des églises et les trésors des sacristies.
9)Faut-il vous répéter encore, Monseigneur, que votre "généreuse" proposition de me laisser sur place nest que de lesbroufe. Le presbytère appartient à la municipalité qui na aucun besoin de la signature de votre bail pour me loger.
10)Je napprécie nullement votre jeu de mots sur mes paroissiens "actuels".
Mes paroissiens actuels, ce ne sont pas seulement les habitants de Domqueur et des six autres clochers voisins : ce sont les familles qui demandent baptême, catéchisme, communions, mariages, obsèques, intentions de messes, qui viennent de loin et que la "grande paroisse" de St Riquier est dans lincapacité de satisfaire.
11) Je laisse volontairement tomber vos propos sur la gestion des comptes financiers... On ne musèle pas le buf qui foule laire. Je ne vois pas pourquoi, alors que cest moi qui fait le travail, il faudrait, en plus, que je paie des responsables laïques qui sont obligées de fermer boutiques lorsquelles ont accompli leurs trente-cinq heures et que jen fais à mon âge à peu près trois fois autant par semaine !
12)Quant aux appels à lhumilité et aux mots coléreux et méprisants dont vous me gratifiez, les paroissiens à qui jai lu votre lettre mont laissé entendre que ces quolibets ne risquent de faire de tort quà celui qui les prononce.
Abbé Ph. Sulmont
Curé de Domqueur