Église de France : « chacun votera en conscience »

Source: FSSPX Actualités

La Conférence des évêques de France ne donne pas de consigne de vote pour le second tour de l’élection présidentielle le 7 mai prochain, contrairement à sa position de 2002, où elle appelait à ne pas voter pour M. Jean-Marie Le Pen. Quinze ans plus tard, c’est en ordre dispersé que fidèles, prêtres et évêques se rendront aux urnes dimanche prochain.

Au soir du premier tour de l’élection présidentielle le 23 avril 2017, les catholiques de France ont voté pour M. François Fillon à hauteur de 28%, et ont placé M. Emmanuel Macron et Mme Marine Le Pen ex æquo avec 22% chacun, selon un sondage Ifop pour Le Pèlerin

Le Président de la Conférences des évêques, Mgr Georges Pontier, archevêque de Marseille, a fait paraître le 3 mai un entretien dans lequel il indique la position de l’Église de France qui ne donnera aucune consigne de vote au second tour : « je comprends que l’on puisse être désorienté face à la tournure qu’ont pu prendre les débats ; il faut reconnaître qu’il est difficile de se forger une opinion dans ce climat hystérisé. Mais qu’est-il plus facile : dire de voter pour tel ou tel ou inviter à la réflexion et au discernement ? Dans cette ambiance, il me semble que le rôle de l’Église est, plus que jamais, de ne pas prendre parti pour l’un ou l’autre candidat mais de rappeler à chaque électeur ce que notre foi nous invite à prendre en compte. » 

Cette précision se veut aussi un rappel à l’ordre aux clercs et aux associations qui seraient tentés de s’engager davantage au second tour de l’élection présidentielle. En effet, Mgr Marc Stenger, évêque de Troyes et président de Pax Christi France, n’a pas hésité à publier sur son compte Twitter : « le 7 mai, quel vote ? Pas celui de la peur, de la haine, du rejet, du mensonge de l’exclusion, du repli : c’est l’opposé de l’Évangile », visant assez clairement Mme Le Pen. Plus explicite, l’archevêque de Poitiers, Mgr Pascal Wintzer, a déclaré dans une tribune  libre au quotidien La Croix : « je ne voterai pas Marine Le Pen ». On ne saurait être plus clair. 

À l’inverse, un regroupement d'ecclésiastiques et de religieux dénommé « Collectif Antioche » s'adressait aux évêques de France dans un communiqué publié au lendemain du premier tour : « Nous étions à la Manif pour Tous et à la Marche pour la Vie et vous n’y étiez pas… La situation s’aggrave chaque jour. Nous partageons la souffrance d’un peuple que vous fréquentez bien peu. Tout cela interroge, pour parler votre jargon. Voilà pourquoi, sans "appeler" à voter, ni "canoniser" personne ni aucun programme, sans donner de leçons de morale à quiconque, sans jouer sur la peur, soucieux du bien commun politique dans le "moindre mal", nous disons paisiblement que nous voterons pour Mme Le Pen. » La candidate a en effet promis de revenir sur la légalisation du "mariage" pour tous votée en avril 2013. 

De son côté, l’évêque de Fréjus et Toulon, Mgr Dominique Rey, a énoncé les principes qui doivent guider un choix « en conscience » de la part des catholiques : « respect de la personne et de la vie, économie au service de la personne, option préférentielle pour les pauvres ». Pour Mgr Rey, la notion de « limite » contenue dans l’idée d’écologie intégrale développée dans l’encyclique du pape François « Laudato si » permet notamment de répondre à des idéologies comme « le libéralisme libertaire, le transhumanisme, l’anti-spécisme », qui « brouillent nos repères ». Difficile de ne pas y voir une forme de défiance vis-à-vis de M. Macron qui veut, par exemple, ouvrir la procréation médicalement assistée aux couples de lesbiennes et aux femmes célibataires, ou faire de l'école un "fer de lance" pour promouvoir le respect des communautés LGBTI (Lesbiens, Gays, Bisexuels, Transgenres, Intersexes). 

Quelques jours avant le second tour, Mgr Rey a ajouté : « nous n’obéissons pas aux exclusives de la médiacratie ou aux consignes du prêt-à-penser : être catholique n’est pas être politiquement neutre », a-t-il déclaré. Et de rappeler qu'il existe des points non négociables, tel que le caractère intangible de la vie humaine : "nous refusons donc l'euthanasie ou une aggravation de l'avortement". Ou encore la promotion de la famille fondée sur le mariage de deux personnes de sexe différent ; et donc "on ne peut pas accepter la PMA (procréation médicalement assistée) ou la GPA (gestation par autrui)". Si un candidat contredit gravement l'un de ces points, "il faut le disqualifier". 

Cependant, les personnalités ou associations catholiques qui s’expriment n’engagent en rien l’Église de France, relativise le Président de la Conférence des évêques : « des associations, des mouvements mais aussi des personnalités chrétiennes annoncent leur choix de vote ou indiquent des critères. En s’exprimant ainsi, ils ne représentent pas l’institution en tant que telle. Leur droit à prendre cette parole s’enracine précisément dans le fait qu’ils ne représentent qu’eux-mêmes. » 

Et Mgr Pontier de conclure : « Après, il faudra sans doute que les politiques s’interrogent pour savoir comment nous en sommes arrivés à cette situation inédite où plus de 40% des Français au premier tour ont voté pour des extrêmes. » 

Le Saint-Père, pour sa part, ne sera pas d’un grand secours pour la Conférence épiscopale : le pape François a en effet indiqué samedi dernier dans l'avion qui le ramenait en Italie, après son voyage en Egypte, qu'il ne connaissait pas assez le contexte de la présidentielle française pour se prononcer sur les candidats. 

« Pour vous dire la vérité, je ne comprends pas la politique intérieure française », a déclaré François, ne citant à aucun moment ni Mme Le Pen ni M. Macron. « Concernant les deux candidats à la présidentielle, je ne connais pas leur histoire, je ne sais pas d'où ils viennent. [...] Je sais qu'un des candidats est un représentant de la droite forte mais l'autre, vraiment, je ne sais pas d'où il vient et c'est pour cela que je ne peux pas donner une opinion tranchée sur la France », a-t-il ajouté. D’aucuns ont vu le refus papal de prendre position comme pouvant bénéficier à la campagne de Mme Le Pen. 

Retenons que si, en 2002, les évêques de France appelaient de façon officielle et unanime « à ne pas voter pour le candidat du Front National », il n'en va plus exactement de même aujourd'hui. 

(Sources : leTemps.ch / Conférence des Évêques de France / La Croix / Le Figaro / Le Salon beige - FSSPX.Actualités - 04/05/2017)