Entre abus et contradictions - Pour une synthèse critique de l’Instruction "Redemptionis sacramentum"
La treizième et dernière encyclique du pape Jean-Paul II Ecclesia de eucharistia, signée le 17 avril 2003, était consacrée à un approfondissement doctrinal du Mystère de leucharistie. Lambition affichée du Vatican était de concilier la doctrine traditionnelle de la messe avec les grands acquis du concile Vatican II sur le sacerdoce commun des fidèles, sur lcuménisme et la nouvelle vision de lEglise quil implique. Les commentateurs de tous bords ont reconnu dans ce double objectif une contradiction subsistante, qui compromet la lisibilité de la nouvelle doctrine et limite fortement demblée son efficacité pastorale.
Linstruction Redemptionis sacramentum, que publie la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements, sous lautorité du cardinal nigerian Francis Arinze, souffre de la même ambivalence que lencyclique. Rien détonnant, puisque lencyclique est la source principale de linstruction. La Congrégation pour le culte divin, prenant acte de lenseignement du pape, y énonce un certain nombre de directives liturgiques concrètes, à lusage de toute lEglise. Lobjectif avoué est de mettre de lordre dans la Maison, mais sans renoncer à Vatican II, sans oublier la doctrine de Sacrosanctum concilium sur ladaptation nécessaire des rites de lEglise à la culture contemporaine et sans condamner lenseignement nouveau sur lassemblée liturgique et sa participation active au culte de la religion chrétienne (n°37).
Reprenant le diagnostic de Jean-Paul II dans Ecclesia de eucharistia, la Congrégation pour le culte divin commence dailleurs par un satisfecit clair : Il ny a pas de doute que la réforme liturgique du Concile a produit de grands bénéfices de participation plus consciente, plus active et plus fructueuse des fidèles au Saint Sacrifice de lautel . Mais ce jugement globalement positif appelle quelques nuances : Les ombres ne manquent pas (n°4). Et le cardinal Arinze de poursuivre immédiatement : On ne peut passer sous silence les abus, même très graves, contre la nature de la liturgie et des sacrements et aussi contre la Tradition et lautorité de lEglise .
Une dénonciation des abus
Cette dénonciation des abus constitue le premier volet de lInstruction romaine. Rome a enfin une certitude dans le domaine de la pratique liturgique actuelle : il y a eu et il y a encore aujourdhui beaucoup dabus. Le terme est en quelque sorte officialisé par ce document puisquil revient trente fois sous la plume des rédacteurs. On reconnaît dans ce thème des abus la vieille idée que soutenait en 1976 Michel de Saint Pierre, lorsquil publia ce recueil des abus post-conciliaires qui sappelait Les fumées de Satan. On peut dire quen 2004, Rome a rejoint le dessein qui animait les membres de lassociation Credo à cette époque. Il aura fallu un quart de siècle pour que ce terme dabus ait en quelque sorte droit de cité parmi les catholiques. Ce nest plus un acte de méfiance vis-à-vis de Rome que de dénoncer les abus liturgiques qui se multiplient un peu partout, puisque désormais ce langage est utilisé, le plus officiellement du monde, de manière récurrente par la Congrégation pour le culte divin.
Mais quest-ce quun abus ? Le dictionnaire note bien que labus se définit toujours par rapport à un usage, par rapport à une mesure, par rapport à une norme, par rapport à un droit. Lusage, la mesure, la norme, le droit, pour les rédacteurs de ce texte, cest le concile Vatican II en général, et cest en particulier le rite rénové dit de Paul VI, qui en est issu. Il nest dailleurs question dautres rites latins que de manière fugitive et sans aucune précision (n°3). Ces rites étant ceux qui sont reconnus par le droit , il est clair quon ne saurait y inclure le rite vénérable de saint Pie V, dont le droit immémorial na toujours pas été explicitement reconnu par lautorité vaticane.
A propos de la messe traditionnelle
On aurait pu penser que les auteurs, dans leur souci de remise en ordre, recommanderaient la célébration occasionnelle du rite traditionnel à tous les prêtres de lEglise latine, souvent déboussolés ou désorientés. Il nen est rien. On ne peut pas se cacher que ce silence sur le rite de saint Pie V a quelque chose de méprisant1. Il constitue une première réponse officielle de Rome à la demande publique de notre supérieur Mgr Bernard Fellay, qui avait réclamé que soit reconnu, pour chaque prêtre de lEglise latine, le droit de célébrer la messe dans le rite latin immémorial. La réponse nest même pas une fin de non recevoir, cest un silence. La Fraternité Saint Pierre, lInstitut du Christ Roi et les autres communautés auxquelles il a été reconnu un droit liturgique particulier (privata lex) feraient bien de méditer sur la signification de ce silence. La précision que lon peut lire au n°112 représente lultime concession à la Tradition liturgique que Rome soit actuellement prête à faire : Il est permis aux prêtres de célébrer la messe en latin en tous lieux et à tous moments, en se conformant aux horaires et aux temps fixés par lautorité ecclésiastique . Il sagit dailleurs bien dune concession, puisque ce qui est mis en avant, comme prioritaire, dans le texte de Redemptionis sacramentum, ce sont les horaires et les temps fixés par lautorité ecclésiastique .
Dans lInstruction, malgré la confusion de pensée que nous pouvons constater (voir note 1), la pratique romaine est donc clairement affichée : le rite rénové peut être célébré en langue latine, mais sous surveillance, cest-à-dire conformément aux règlements de temps et de lieux édictés par lautorité ecclésiastique diocésaine. Quant au rite traditionnel, dit de saint Pie V, il na aucune existence juridique dans lEglise universelle. Son droit de citoyenneté nest même pas mentionné. Cela constitue dailleurs un camouflet pour le cardinal Castrillon Hoyos, qui le 24 mai 2003, à Rome, avait publiquement voulu évoquer ce droit. Le préfet de la Congrégation du Clergé trouvera sans doute dans ce silence les limites de sa médiation entre le Vatican et les traditionalistes. Quant aux communautés Ecclesia Dei, leur problème peut être considéré comme réglé : elles sont soumises à lautorité de lévêque diocésain pour tout ce qui concerne la liturgie, hormis les droits qui leur ont été légitimement concédés (n°23)2 .
Harmoniser le Concile et la Tradition ?
Alors même quelle entreprend de dénoncer les abus liturgiques qui fleurissent un peu partout dans le monde, lautorité romaine croit plus que jamais que le concile Vatican II suffit à tout et que cest de lui que jaillira la vie pour une Eglise en crise. Sur ce point clé, il nest pas question encore denvisager la moindre repentance. Il suffit de donner au peuple chrétien la bonne interprétation des documents conciliaires.
Quelle est douloureuse parfois cette interprétation cependant ! Que faire des grands thèmes liturgiques du Concile comme lexpérimentation, ladaptation au monde et la participation active des fidèles ? Ils ont été les fers de lance de la destruction rituelle et culturelle opérée durant les quarante dernières années. Comment éviter que le reliquat de laile marchante de lEglise, avec tous les adversaires de la remise en ordre voulue par Rome, nutilisent ces thèmes conciliaires contre lInstruction Redemptionis sacramentum3 ? Le problème a dû être véritablement cornélien pour les rédacteurs du document. On accordera que le staff du cardinal a manuvré avec une grande subtilité pour éviter tous les brisants. Mais cette grande subtilité contribue à rendre son propos illisible. Le paradoxe de ce document de remise en ordre, cest quil se trouve, sur plusieurs points essentiels, à la limite de la contradiction interne, ce qui risque bien de le priver de toute efficacité concrète dans la vie de lEglise.
Exemples : la question des filles enfants de chur, la communion sous les deux espèces, le problème de ladaptation au monde et le thème du ministre du sacrement de leucharistie.
Voyons le premier point, les filles enfants de chur : Il est tout à fait louable que soit maintenue la coutume insigne des servants dautel ou enfants de chur. En effet, du nombre de ces enfants qui servent à lautel a surgi une multitude de ministres sacrés (n°47). Le propos est très traditionnel. Hélas, à la fin de ce paragraphe, on apprend que les filles ou les femmes peuvent être admises au service de lautel, au jugement de lévêque diocésain ; dans ce cas, il faut suivre les normes établies à ce sujet . Bien que très ponctuelle, la contradiction est patente entre lappel à un renouvellement du service de lautel pour que naissent des vocations sacerdotales et la permission accordée aux filles et aux femmes de servir à lautel...
Deuxième point : la communion sous les deux espèces. Les rédacteurs de lInstruction souhaitent encadrer le plus strictement possible cet usage nouveau. Mais, parce quils ne peuvent contredire les autorisations données antérieurement par la Constitution Sacrosanctum Concilium (n°55), ils en arrivent à banaliser cet usage, en particulier en prônant la communion par intinction, dont on doit toujours maintenir en vigueur la possibilité (n°103). Certes on doit absolument exclure la communion sous les deux espèces, lorsquil y a un risque même minime de profanation des saintes espèces (n°101). Mais les raisons dogmatiques alléguées par le concile de Trente pour que la communion ne soit donnée aux fidèles que sous une espèce (DS 1725 ssq) ne sont pas reprises. Concrètement, lusage de ce rite anti-traditionnel progressera sans doute grâce à lInstruction et à sa recommandation du rite de lintinction...
Ladaptation et lexpérimentation
Troisième point, la question de ladaptation. On nous dit dès labord quil sagit de renforcer le sens profond des normes liturgiques (n°2). Tout le document se présente comme une reprise en main ou un rappel à lordre face aux abus. Il nempêche que lon ne souhaite pas revenir sur lesprit de Sacrosanctum concilium et sur le grand impératif dadaptation de la liturgie que lon y trouve sans cesse. Ainsi est-il stipulé expressément dans lInstruction que lévêque doit constamment veiller à ce que ne soit pas enlevée la liberté, qui est prévue par les normes des livres liturgiques, dadapter dune manière judicieuse la célébration à lédifice sacré, au groupe de personnes ou bien aux circonstances pastorales, de telle sorte que le rite sacré tout entier soit réellement adapté à la mentalité des personnes (n°21). Et comme si lon craignait que ce message ne soit pas assez clair, on y revient un peu plus loin : Un large espace est laissé à une liberté dadaptation opportune, qui est fondée sur le principe que chaque célébration doit être adaptée au besoin des participants, ainsi quà leur capacité, leur préparation intérieure et leur génie propre, selon les facultés établies par les normes liturgiques (n°39). Le problème cest que ces normes liturgiques sont tellement floues dans le nouveau Missel que bien des excentricités seront encore tolérées et que bien des incongruités se pratiqueront en toute légalité, ainsi que le pape lui-même en donna lexemple au cours de ses voyages...
On pourrait penser que la notion dexpérience liturgique (pourtant centrale dans Sacrosanctum concilium) pourrait se trouver mise en cause de façon définitive, grâce à la présente instruction. Mais lorsquon se rend au texte lui-même, il faut reconnaître que lon y retrouve la même ambivalence : Depuis 1970, le Siège apostolique a fait savoir que toutes les expériences liturgiques, relatives à la célébration de la sainte messe doivent cesser et il a réitéré cette interdiction en 1988 (n°27). Voilà qui nest pas particulièrement neuf. On cite deux documents, pour renforcer la résolution anti-expérimentation : un document qui nous fait remonter 34 ans en arrière ; un autre qui a juste seize ans ! Il sagit simplement dun troisième rappel. Encore nest-il pas absolu : Pour pouvoir faire des expérimentations de ce genre à lavenir, il sera nécessaire dobtenir lautorisation de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements. Celle-ci laccordera par écrit à la demande de la Conférence des évêques . Finalement, il est donc encore possible de faire des expérimentations liturgiques dans lEglise ; en tout cas, la porte reste entrouverte. Au lieu de reconnaître, franchement et chrétiennement, que ces expériences, encouragées officiellement par les textes du Concile, ont été loccasion de sacrilèges, de vandalisme et de scandales considérables, qui ont éloigné de la foi un grand nombre de personnes, on conserve ce principe mortifère de lexpérimentation, en se réservant simplement den réglementer les applications. Dommage ! Quel beau sujet de repentance on aurait eu là !
Léquivoque du sacerdoce commun
Quatrième thème contradictoire : le sacerdoce commun des fidèles, que lon tente déquiparer ou au moins de comparer au sacerdoce des ministres ordonnés (comme sil constituait un degré inférieur mais participant réellement de la dignité sacerdotale). Sur ce point, dont on peut considérer quil fut le point clé de la révolte de Luther contre lEglise romaine et dont on peut penser quil est le fondement de la réforme liturgique, telle quelle est programmée au concile Vatican II et telle quelle est exposée au n°7 de Missale romanum, les explications des rédacteurs de Redemptionis sacramentum atteignent un sommet de complexité parce quelles touchent à des abîmes de contradiction.
Au n°36, nous tombons naturellement sur un rappel de la doctrine conciliaire dans toute son ambiguïté, en particulier à travers une citation du n°10 de Lumen gentium, texte cardinal sur la question4. Au n°37, nous trouvons, pour étayer cette doctrine fondamentale, un contresens volontaire sur la lettre de saint Thomas dAquin, qui na jamais dit, nen déplaise aux rédacteurs, que tous les chrétiens sont députés au culte de la religion chrétienne par le caractère de fils de Dieu quimprime en eux leur baptême, mais qui a seulement souligné que nous sommes baptisés dans la mort de Jésus-Christ et dans sa résurrection et que, par là, chacun dentre nous, nous sommes ordonnés au culte de Dieu, puisque nous sommes rendus capables doffrir notre propre sacrifice intérieur. Dans le texte de la Somme théologique, il ne sagit pas immédiatement du culte public de lEglise, mais du culte intérieur que chacun peut et doit rendre à Dieu son Seigneur. Ce nest pas la même chose !
Du reste, dans la suite du n°37, les rédacteurs semploient à rappeler le sens catholique de la doctrine du sacerdoce des laïcs en citant saint Paul aux Romains XII, 1 : nous sommes tous des hosties vivantes, unies à lunique hostie. Mais nulle part nest rappelée la différence fondamentale entre le sacerdoce comme fonction ministérielle et le sacerdoce comme vertu personnelle. Lambiguïté subsiste donc à la fin du paragraphe, où lon sent bien que lon tente de signifier discrètement lidée que le simple baptisé exerce une fonction sacerdotale dans le cadre de sa participation liturgique. Le mot utilisé est le mot dignité, plus large que le mot fonction, mais qui, dans ce contexte liturgique, renvoie à un véritable office ministériel néanmoins...5
Un peu plus loin, le cardinal Arinze revient sur cette question épineuse du sacerdoce des laïcs. Il rappelle que leucharistie célébrée par le prêtre est un don qui dépasse radicalement le pouvoir de lassemblée ce qui fait quon ne peut parler dans un sens univoque de concélébration du prêtre avec le peuple présent (n°42). Reste que les rédacteurs continuent à dire, avec Missale romanum n°7, que le prêtre préside la célébration. On ne voit donc pas pourquoi, dans cette logique conciliaire, si le prêtre est seulement un président, il faudrait sabstenir de dire que lassemblée célèbre avec lui .
Résultat de ses finasseries théologiques : la Congrégation pour le culte divin, mettant en cause, avec raison, lexpression d assemblée célébrante , na pas pu la faire interdire, se contentant de souligner, avec une emphase presque risible, quil ne faut lutiliser quavec une très grande prudence (n°42). Tant quon nacceptera pas de reconnaître que le n°10 de Lumen gentium sur le sacerdoce commun est un texte luthéranisant et quil fait courir un grave danger à la liturgie catholique, on ne pourra rien obtenir de plus clair. Sur cette question du sacerdoce des laïcs, la Congrégation pour le culte divin, par souci de ne pas sécarter de la lettre du Concile, est à la limite du double discours. Il faudra bien un jour tirer au clair cette question brûlante. Cela na pu se faire ni dans Ecclesia de eucharistia ni dans Redemptionis sacramentum.
Pas de vraie volonté de rupture avec les erreurs
Lhistoire de cette instruction pourrait donc se résumer ainsi. Au commencement est une volonté de réagir devant les abus. A la fin une incapacité de sortir de la contradiction et du double langage...
Mais faut-il être uniquement négatif et ny a-t-il pas des acquis nouveaux dans ce texte ? Un liturgiste énumérera les points de détail sur lesquels Rome tente dobtenir une amélioration sensible. Il faut noter que la plupart du temps, les rédacteurs ne font que reprendre soit le droit le plus classique de lEglise (sur les excommunications ipso facto attachées à certains sacrilèges et autres graviora delicta), soit telle ou telle déclaration antérieure (sur les calices en terre cuite n°107, sur le ministre extraordinaire pour donner la communion n°158).
Ce discours nest pas nouveau à Rome et lon ne voit pas pourquoi cette instruction aurait plus de succès que tant et tant dinterventions antérieures du Siège apostolique6. Il manque le signe fort qui introduirait une véritable rupture non seulement avec le désordre postconciliaire mais avec la religion conciliaire. Personne à Rome ne semble vouloir prendre la responsabilité de le donner dans quelque domaine que ce soit. La langue française possède une belle expression pour caractériser les remèdes qui ne vont pas à la source du mal : linstruction Redemptionis sacramentum peut bien être définie comme un cautère sur une jambe de bois...
Reste un point que lon peut exploiter à satiété et que lon peut expliquer aux fidèles avec profit pour leur faire comprendre les fondements de notre résistance : Il est reconnu à tout catholique, quil soit prêtre, diacre ou fidèle laïc, le droit de se plaindre dun abus liturgique auprès de lévêque diocésain ou de lOrdinaire compétent équiparé par le droit, ou encore auprès du Siège apostolique en raison de la primauté du Pontife Romain (n°184). Ce droit de doléance reconnu quant aux abus fonde un droit de résistance dans la situation particulièrement grave où se trouve lEglise en ce moment. A lheure où nous sommes en effet, les abus deviennent en quelque sorte la règle et la norme, ou, comme dit linstruction par pléonasme les abus deviennent un usage habituel (n°4). Nous avons donc habituellement le droit de nous plaindre de ces abus habituels, et, pour éviter que cette situation ne dégénère, nous avons le droit et le devoir dexercer dans lEglise, moyennant la liberté administrative qui est celle de la Fraternité Saint Pie X par rapport à lInstitution, une véritable fonction critique.
Cest justement ce droit, cest cette fonction critique que nous exerçons en ce moment lorsque nous dénonçons les contradictions et le double langage de ce document de remise en ordre.
Addendum : Retour sur le mystère pascal
Dans un livre important (Le problème de la réforme liturgique*) la Fraternité Saint Pie X a récemment dénoncé la théologie du mystère pascal, développée in illo tempore par Dom Casel, et qui a pris une grande importance dans la nouvelle théologie de la messe. Certes linstruction Redemptionis sacramentum nest pas un document théologique. On ne peut donc pas exiger nécessairement dun tel texte une précision et une rigueur absolue en matière théologique. Nous proposons donc ce développement théologique en annexe.
On ne peut pas éluder, cependant, le fait que le premier paragraphe de linstruction propose une définition du Mystère liturgique qui insiste unilatéralement sur sa dimension eschatologique dune part et sur sa nature médiatique dautre part. La messe apparaît ainsi simplement comme lanticipation du Règne de la vérité et de la vie jusquà ce que le Seigneur vienne dans la gloire... . On nenvisage plus le sacrifice de la Messe comme un moyen de procurer hic et nunc ce règne en favorisant la sanctification de chaque fidèle. La messe est simplement le sacrement , cest-à-dire le signe de la parousie. On insiste heureusement sur sa dimension sacrificielle dans un paragraphe ultérieur (n°38), mais sans aucune précision sur la nature de ce sacrifice. Il aurait été utile cependant de préciser que ce sacrifice liturgique nest pas seulement un sacrifice de louange, matérialisé dans la prière publique de lEglise. Mais il faut bien reconnaître que la théologie du concile de Trente sur le caractère propitiatoire du sacrifice liturgique est absente de ce document (alors quon pouvait encore en identifier quelques traces dans Ecclesia de eucharistia).
Et si le sacrifice nest pas propitiatoire, est-il étonnant que le sacrement post-conciliaire semble navoir aucune efficacité par lui-même (ex opere operato) ? Cest de façon très troublante, en tout cas, quau n°39, lefficacité de ce sacrifice liturgique est ramenée à des facteurs purement subjectifs, afférents à lusage quen fait le fidèle : Il faut se souvenir que lefficacité des actions liturgiques ne réside pas dans les changements fréquents du rite, mais en vérité (sic) dans lapprofondissement de la parole de Dieu et du mystère célébré ... Un constat simpose après lecture et relecture attentive de cette phrase : la théologie sacramentelle de lex opere operato demeure très loin des réflexions habituelles des auteurs de ce texte.
Abbé Guillaume de Tanoüarn
* Le problème de la réforme liturgique est disponible dans la limite des stocks à Lettre à nos Frères Prêtres, Prieuré St Dominique, 2245 avenue des Platanes 31380 Gragnague