Etats-Unis : bataille épiscopale à fleurets mouchetés

« Sortez de votre zone de confort.  Soyez une Eglise en sortie. » C’est devant un parterre d’évêques sceptiques que le cardinal Christophe Pierre – représentant du Saint-Siège auprès de l’épiscopat américain – a prononcé son discours, le 14 novembre 2023.

Vingt minutes durant lesquelles le haut prélat – un breton revêtu de la pourpre le 30 septembre dernier – a exhorté la conservatrice USCCB à faire sienne la vision synodale de l’Eglise défendue par l’hôte de Sainte-Marthe.

Il faut dire que le nonce était attendu au tournant : plus tôt dans le mois, le 2 novembre 2023, le porporato avait accordé un entretien à la revue jésuite progressiste America Magazine, une publication qui ouvre régulièrement ses colonnes aux contributions du Père James Martin, ardent défenseur du militantisme LGBT dans l’Eglise.

Mgr Pierre avait alors eu des mots sévères à l’égard de l’Eglise aux Etats-Unis, accusée d’être dépourvue d’une vigueur évangélisatrice qu’il constaterait bien plus affirmée en Amérique du Sud et en Amérique centrale.

De plus, le nonce avait également sacrifié aux poncifs d’un progressisme déclinant, déplorant le fait que « la plupart des jeunes prêtres d’aujourd’hui rêvent de porter la soutane et de célébrer la messe traditionnelle ».

La réponse du berger à la bergère n’a pas tardé à venir. Prenant la parole à son tour, Mgr Timothy Broglio, président de l’USCCB, s’est livré à une réfutation point par point des critiques de l’envoyé du pape François, saluant à l’inverse l’effort évangélisateur des prêtres et des séminaristes américains : « Quiconque a des oreilles devrait entendre ce que l’Esprit dit aux Eglises », a conclu Mgr Broglio en citant l’Apocalypse. Nul doute que celles de Mgr Pierre ont dû siffler.

Et comme si cela n’était pas assez clair, Mgr Broglio, interrogé par la presse en marge de la session sur le fait de savoir s’il se retrouvait dans la vision de l’Eglise américaine décrite par le nonce, a simplement répondu par un « non » laconique.

Avant de conclure : « Il y a un fossé entre le contenu de cet entretien et la réalité de l’Eglise ici. C’est ma perception en tout cas : le nonce a son opinion et j’ai la mienne, voilà tout. » Une séquence sans filtre qui a le mérite de montrer combien le lien entre Rome et l’USCCB s’est érodé sous l’actuel pontificat.

Sans parler du fait que la toute récente destitution de l’évêque de Tyler (Texas) opposant de longue date aux orientations du pape François, a été assez mal vécue outre-Atlantique : il faudra pas mal de fil pourpre et d’ingéniosité au cardinal Pierre pour parvenir à recoudre le vêtement d’une unité abîmée sur l’autel de la synodalité.