Eté maussade pour les catholiques chinois

Source: FSSPX Actualités

Shi Taifeng

Un rassemblement religieux de haut niveau, comme il s’en est rarement vu, vient d’être organisé à Pékin par les instances du Parti communiste chinois (PCC). Le but : faire passer un nouveau cap à la sinisation des religions en Chine, une politique qui menace l’existence même du catholicisme dans l’empire du Milieu.

Un séminaire « historique », selon les termes de Bitter Winter, sur la « sinisation » de la religion s’est tenu à Pékin le 26 juin 2024. Outre les chefs de file des cinq religions autorisées : le confucianisme, le bouddhisme, le taoïsme, l’islam et christianisme, « la conférence a réuni plusieurs représentants des principales instances du PCC ».

La seule intervention importante, sur laquelle ont été calquées toutes les autres interventions de la journée, a été donnée par Shi Taifeng, membre du Bureau politique du Comité central du PCC et responsable du Front Uni*, qui a déclaré que « la sinisation de la religion (était) le seul moyen de guider activement les religions dans leur adaptation à la société socialiste ».

Ainsi, poursuit Bitter Winter, dans une société socialiste, « il ne saurait y avoir de place pour les religions non sinisées » qui constitueraient selon lui « une menace pour l’harmonie sociale et le progrès », et qui devraient donc être « éradiquées » : on ne saurait être plus clair.

Contrairement à ce que des diplomates du Vatican voudraient croire, la sinisation ne consiste pas en une prudente adaptation de la religion à la culture et aux traditions chinoises, comme l’envisageaient les missionnaires récents de la Chine, mais en un alignement total de l’Eglise, de sa divine constitution et de ses dogmes, aux principes du marxisme selon Mao Zedong et ses successeurs.

Shi a ensuite utilisé une formule nouvelle : il a signifié aux représentants des religions qu’il devraient se plier à la doctrine des « Deux établissements » et des « Deux garanties » : expressions sibyllines pour des occidentaux.

Au nom des « Deux établissements », les activités religieuses devront mettre en valeur le magistère que Xi Jinping exerce sur le socialisme à la chinoise, ainsi que la place centrale occupée par l’actuel chef de l’Etat chinois.

Par le principe des « Deux garanties », les prêtres devront, par exemple, souvent rappeler que la vérité n’est pas enseignée par Dieu, mais bien plutôt par le PCC et par son maître, le camarade Xi.

Ainsi, la sinisation n’a d’autre visée que de transformer l’objet formel de la foi en substituant la pensée régulatrice de l’actuel homme fort de Chine à l’autorité de Dieu, auteur de la Révélation. Et malheur à ceux qui oseront contrevenir aux nouvelles normes dogmatiques.

Dans cet univers totalitaire, nombreux sont ceux qui s’interrogent sur la valeur de l’accord provisoire signé par le Saint-Siège et la Chine en 2018, puis renouvelé en 2020 et 2022. Si les termes en demeurent encore inconnus, ce protocole est censé en finir avec le schisme entraîné par la fondation de l’Association patriotique des catholiques chinois, et la nomination par le PCC d’évêques entièrement dévoués à sa cause.

Mais que dire d’un épiscopat légitime qui serait tenu d’enseigner les erreurs marxistes ? Cet automne, l’accord provisoire touche une nouvelle fois à son terme : autant dire que les prochains mois seront cruciaux pour les catholiques de Chine qui espèrent que le Vatican leur enverra un signal audible.

* Agence de renseignement tentaculaire du PCC, utilisée pour recueillir des informations sur les partis démocratiques, les intellectuels, les dissidents, les groupes religieux et ethniques et d’autres personnes influentes, en Chine et à l’étranger. Son principal objectif est d’éliminer les forces anticommunistes ou d’inciter toute personne extérieure au Parti à soutenir le PCC et son gouvernement. Il supervise neuf bureaux internes, dont le deuxième est chargé des affaires religieuses, le septième des questions relatives au Tibet et le neuvième du Xinjiang. Il administre également les cinq organisations religieuses officiellement approuvées. Note de Bitter Winter.