Euthanasie en France : des soignants alertent le Parlement

Source: FSSPX Actualités

Un avis éthique majeur vient d’être publié au moment de la reprise des débats à l’Assemblée nationale sur la proposition de loi relative à l’aide à mourir, afin de mettre en garde contre les dérives potentielles de ce texte.

Ce document d’une trentaine de pages, fruit d’un an de réflexion par le collectif « Démocratie, éthique et solidarités », alerte sur le risque que cette loi ne devienne une porte ouverte à une « autodétermination » massive plutôt qu’une mesure d’exception strictement encadrée pour des cas limites de fin de vie.

Cosigné dans Le Figaro du 7 avril 2025 par une centaine de personnalités influentes, dont Jean Leonetti, d’anciens ministres de la Santé comme François Braun et Elisabeth Hubert, des juristes tels que Jean-Marc Sauvé, ainsi que des figures médicales et éthiques de renom, cet avis tire la sonnette d’alarme face à une proposition qui s’éloigne des engagements d’Emmanuel Macron en la matière.

Le chef de l’Etat avait fait mine de poser des garde-fous, évoquant une « aide à mourir » sous des « conditions strictes » pour soulager des souffrances insupportables en fin de vie, mais les auteurs estiment que le projet présenté pourrait aboutir à un accès quasi-illimité à la mort en gants blancs, avec des implications sociétales bien plus larges que médicales.

L’analyse pointe douze « constats », et diverge de l’avis 139 du Conseil consultatif national d’éthique de septembre 2022, qui avait ouvert la voie à une légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté. Pour les signataires, le texte ne répond pas à un besoin médical précis mais instaure un « droit à une mort provoquée » qui marquerait une rupture profonde, avec des risques majeurs pour la société.

Emmanuel Hirsch, cofondateur du collectif, souligne la « rupture anthropologique » du projet fragilisant les fondements éthiques de la médecine et de la société. Des témoignages de patients, comme Cyrille Jeanteur – atteint de Locked-In Syndrome – ou Bertrand Bonnefond – souffrant de la maladie de Charcot, ont mis en lumière les attentes et les craintes des personnes concernées.

La proposition de loi stipule que l’aide à mourir serait accessible aux patients souffrant d’une « affection grave et incurable, qui engage le pronostic vital, en phase avancée ou terminale ». Cette formulation, qui remplace une version antérieure mentionnant un « diagnostic vital engagé à court ou moyen terme », est jugée trop vague par les auteurs de l’avis.

Laurent Frémont, juriste et cofondateur du collectif, critique l’absence de définition claire des termes tels « pronostic vital engagé » ou « phase avancée », qui pourraient recouvrir de très nombreux cas, et viser des centaines de milliers de personnes atteintes de maladies chroniques ou de handicaps – diabète, insuffisance rénale, arthrose sévère, psychoses – bien au-delà de la fin de vie imminente. Cette ouverture transformerait l’aide à mourir en une pratique courante plutôt qu’en une exception.

Le processus d’accès à l’euthanasie est visé pour son caractère « expéditif ». Le texte prévoit qu’un seul médecin statue sur une demande en 15 jours maximum, le patient devant confirmer sa décision dans un délai de 48 heures (pouvant être réduit). Cette rapidité contraste avec les délais souvent longs pour obtenir des soins spécialisés, comme une consultation en centre antidouleur.

Laurent Frémont compare la procédure à celles d’autres pays, comme la Belgique, où les garde-fous sont plus stricts (demande écrite, délai d’un mois). En France, une simple demande orale suffirait, avec le risque de décisions hâtives. Emmanuel Hirsch s’interroge : le choix reposera-t-il sur des critères scientifiques ou sur des jugements arbitraires ?

Il demande un contrôle préalable, arguant que la mort, irréversible, exige des garanties solides et une exploration exhaustive des alternatives, au-delà des seuls soins palliatifs. L’avis met aussi en garde contre l’émergence d’un « droit opposable » à mourir, qui pourrait permettre à un patient de contester en justice le refus d’un médecin.

Cette perspective soulève des questions sur la pression exercée sur les soignants et sur les patients eux-mêmes, qui pourraient se sentir obligés de justifier leur volonté de vivre. Le collectif dénonce l’illusion d’une autodétermination pure, soulignant que la légalisation de l’aide à mourir aurait un impact immédiat sur les personnes fragiles, perçues comme ayant « déjà trop vécu ».

« En légalisant, on légitime », insiste Laurent Frémont, ajoutant que les patients éligibles seraient confrontés à un dilemme implicite : continuer à vivre ou accepter une mort présentée comme une option valable, voire préférable. Emmanuel Hirsch pose une question fondamentale : face à une vie devenue insupportable, faut-il proposer la mort ou tout mettre en œuvre pour améliorer les conditions de vie grâce à des traitements adaptés et un soutien social ?

Un autre point sensible est la contradiction entre la promotion du suicide assisté et les politiques de prévention du suicide, surtout alors que la santé mentale est une priorité nationale en 2025. Le collectif critique l’« héroïsation » médiatique des personnes recourant à la mort assistée à l’étranger, y voyant une forme de valorisation du suicide qui brouille les messages de prévention.

En somme, cet avis éthique – bien que son argumentation soit foncièrement insuffisante aux yeux d’un catholique – a le mérite de montrer combien une société qui s’est coupée de toute transcendance au nom d’une laïcité essentialisée, aboutit à un totalitarisme dystopique, bien réel celui-là.