France : La messe traditionnelle sur le pavé d’Amiens
La chapelle du Bon Pasteur, dans la rue Daire à Amiens, était la propriété du Conseil régional, qui a décidé d’en changer l’affectation pour pouvoir la transformer en crèche. La communauté catholique traditionnelle qui assistait là, depuis 23 ans, à la messe tridentine fut obligée de s’en aller. Après une année de démarches vaines auprès des autorités locales (Municipalité d’Amiens, Conseils régional et général), après l’élaboration d’un projet avorté de rachat d’une chapelle privée, les fidèles s’adressent à l’évêque d’Amiens, Mgr Jean-Luc Bouilleret, pour solliciter de sa bienveillance la mise à disposition d’un édifice, à Amiens ou dans sa proche banlieue.
Mais, le 16 septembre, une lettre de l’évêque leur oppose une fin de non-recevoir : « J’ai le regret de vous informer que nous ne pouvons mettre à votre disposition même temporaire une église affectée sous ma responsabilité ». Et malgré tous les contacts, malgré toutes les suppliques, sans même avoir accordé à la communauté la faveur d’une rencontre personnelle, Mgr Bouilleret a maintenu depuis ce jour sa décision : pas d’accueil, pas de mise à disposition, pas d’ouverture. Il faut que les fidèles d’Amiens assistent à la messe traditionnelle dans la rue.
Le 14 novembre, un communiqué de Mgr Bouilleret justifie son refus : « Le Motu Proprio Summorum Pontificum est destiné aux fidèles catholiques en communion avec le Saint Siège. (...) Je tiens à poser une distinction entre traditionalistes et intégristes. (...) En suivant Mgr Lefebvre, les membres de la Fraternité Saint-Pie X se sont séparés de l’Eglise en 1988 à la suite d’un acte de désobéissance de ce prélat. Ils sont ainsi devenus intégristes ». - Le mot qui n’est pas prononcé est celui de « schismatique », parce que de fait l’évêque d’Amiens a autorisé une messe orthodoxe le 25 juin 2006 dans le choeur de sa cathédrale, de même qu’il a accueilli des musulmans sur le parvis de la même cathédrale pour divers événements.
Le 25 novembre, nouveau communiqué : « Pour répondre à la demande du Pape Benoît XVI dans le Motu Proprio Summorum Pontificum (art. 5 § 1) une messe dominicale en latin selon l’Ordo Missae de 1962, missel de Jean XXIII, sera célébrée par un prêtre du diocèse d’Amiens. Pour l’année 2007, elle aura lieu le 1er et 3ème dimanche de l’Avent, les 2 et 16 décembre 2007, en l’église Saint Roch d’Amiens à 9 h. » - Autrement dit : la Tradition en pointillé, une semaine sur deux, les dimanches impairs.
Mgr Bouilleret semble ignorer l’esprit du Motu Proprio tel que le pape a pris la peine de l’exposer aux évêques dans sa lettre d’accompagnement : « (...) la raison positive qui est le motif qui me fait actualiser par ce Motu Proprio celui de 1988 : il s’agit de parvenir à une réconciliation interne au sein de l’Eglise. En regardant le passé, les divisions qui ont lacéré le corps du Christ au cours des siècles, on a continuellement l’impression qu’aux moments critiques où la division commençait à naître, les responsables de l’Eglise n’ont pas fait suffisamment pour conserver ou conquérir la réconciliation et l’unité ; on a l’impression que les omissions dans l’Eglise ont eu leur part de culpabilité dans le fait que ces divisions aient réussi à se consolider ». Et Benoît XVI de citer saint Paul : « Nous vous avons parlé en toute liberté, Corinthiens ; notre cœur s’est grand ouvert. Vous n’êtes pas à l’étroit chez nous ; c’est dans vos cœurs que vous êtes à l’étroit. Payez-nous donc de retour ; … ouvrez tout grand votre cœur, vous aussi ! (2Co 6,11-13). Paul le dit évidemment dans un autre contexte, mais son invitation peut et doit aussi nous toucher, précisément sur ce thème. Ouvrons généreusement notre cœur et laissons entrer tout ce à quoi la foi elle-même fait place ». Le Souverain Pontife invite les évêques à ouvrir leur cœur, et les traditionalistes voient les portes de toutes les églises d’Amiens fermées. Leur incompréhension est d’autant plus grande qu’il y a 350 églises non utilisées de façon régulière dans le diocèse.
Extraits de la presse locale
Le Courrier picard, 12 novembre
L’histoire du manteau de saint Martin ou comment offrir un église
L’abbé Jean-Luc Radier, numéro trois du district de la Fraternité Saint-Pie X, qui officiait ce dimanche, a pris la parole devant 700 fidèles pour rappeler le plus justement les faits. : « (...) Aujourd’hui, n’oublions pas qu’en ce dimanche 11 novembre, nous fêtons la Saint-Martin : ce militaire qui donna la moitié de son manteau à un pauvre. Nous sommes ce pauvre, et nous nous adressons au diocèse d’Amiens qui compte de nombreuses églises fermées, faute de prêtres.
Il faut savoir partager ; il faut aussi savoir donner, surtout lorsqu’on appartient à la même famille et que nous partageons les mêmes valeurs, celles de la religion catholique romaine.
J’ai, je l’avoue, du mal à comprendre que certains diocèses prêtent ou donnent leurs églises à d’autres religions chrétiennes, comme les coptes, les orthodoxes et les protestants, et que nous les traditionalistes, nous soyons exclus de ce partage...
Cela prouve que, malgré les directives de Rome, du pape, il existe encore dans l’Eglise de France des forces d’opposition à la tradition catholique. C’est un comble ! »
(Jacques Goffinon)
L’Union - l’Ardennais, 19 novembre 2007
Après la pluie, le froid. Le climat amiennois n’est pas des plus tendres avec les catholiques traditionalistes qui se cherchent toujours une chapelle d’accueil, après avoir dû quitter leur lieu de culte du Bon Pasteur, rue Daire. Après avoir assuré leur messe dimanche dernier sur le parvis de l’église Saint-Germain, c’est cette fois sur le parvis de la cathédrale, hier à 10 heures, que près de 500 fidèles se sont retrouvés sous un froid de canard, le mercure pointant allègrement sous 0, pour l’office célébré par l’abbé Régis de Cacqueray, supérieur pour la France du district de la Fraternité Saint-Pie X.
Repli vers l’église Saint-Rémi ?
« C’est une situation à laquelle on ne s’attendait pas, regrette l’abbé Régis de Cacqueray. Quand nous avons appris que le Conseil général nous demandait de quitter la chapelle dans laquelle nous étions depuis 23 ans, j’avais prévenu l’évêché pour que nous trouvions une solution. Quand nous avons appris en octobre que rien n’était prévu, nous nous sommes trouvés acculés, avec des messes à célébrer dans la rue. »
Si le supérieur du district fait contre mauvaise fortune bon coeur, comme tous ses fidèles, il espère bien que la situation ne perdurera pas. « Nous avons approché les autorités politiques, mais c’est l’évêché qui est propriétaire des églises. Nous sommes des gens normaux, pas des excités, et beaucoup de personnes ne comprennent pas l’attitude de l’évêque. Mais je sais que des hautes autorités de l’Eglise ont ou vont se rapprocher de lui pour trouver une solution. » En effet, l’incompréhension enfle dans la ville, où les catholiques, moins nombreux à l’intérieur de la cathédrale que les traditionalistes dehors, ont fait savoir leur mécontentement, voire leur indignation.
Une solution devrait donc aboutir, et l’église Saint-Rémi, rue des Cordeliers, pourrait leur être attribuée.
Sans cela, ils célébreront une nouvelle fois la messe dehors, dimanche (25 novembre) à 10 heures, de nouveau devant l’église Saint Germain. (Jean-Marc Cavé)
Le Courrier picard, 19 novembre 2007
Du chahut dans la cathédrale
Pendant que les 500 catholiques traditionalistes assistaient à leur messe en latin sur le parvis de la cathédrale, plus de 120 fidèles de la paroisse du centre ville d’Amiens étaient présents à la grand’messe de 10 heures dans la cathédrale, ou plus précisément dans la chapelle d’hiver bien chauffée.
Au cours de son sermon, le prêtre qui avait expliqué ce qui se passait sur le parvis, a abordé le thème de l’œcuménisme et de la tolérance envers les autres religions. C’est à ce moment que plusieurs fidèles ont chahuté le prêtre pour lui demander pourquoi il parlait des autres religions et que le diocèse ne faisait rien pour « leurs frères qui partagent la même foi catholique ».
Le débat s’est continué hors de la cathédrale, et plusieurs personnes ont rejoint la messe tridentine.
Deux prêtres du diocèse d’Amiens nous ont fait savoir qu’ils ne partageaient pas la même position que leur évêque et qu’ils souhaitaient « qu’une église soit confiée au plus tôt aux catholiques fidèles à la tradition ». (Jacques Goffinon)