France : Le cardinal Tauran en faveur du oui au référendum sur la Constitution européenne
Si les Français rejetaient le traité constitutionnel européen lors du référendum du 29 mai 2005, ce serait une crise de crédibilité aux conséquences dramatiques pour l’Union européenne, estime le cardinal Jean-Louis Tauran, bibliothécaire et archiviste du Saint-Siège, ancien secrétaire du Saint-Siège pour les relations avec les Etats.
Le prélat français s’exprimait à l’issue d’une table ronde sur "Cent ans de laïcité à la française" organisée, le 13 mai, par l’ambassade de France près le Saint-Siège. "Le traité constitutionnel dans son ensemble est un traité valable", a déclaré le cardinal. "Ce n’est pas un chef-d’œuvre, mais il intègre des principes comme celui de solidarité et de respect des droits de l’homme qui sont très importants pour les croyants".
"Comme tous les traités, il peut être perfectionné, mais pour le moment je crois que ce serait très dramatique si le peuple français se prononçait contre ce traité. Ce serait un mauvais signal". Le rejet du traité par les Français créerait à ses yeux "une grande crise de crédibilité pour l’Europe, et la cause européenne en subirait des conséquences dramatiques car les gens diraient : cette Europe, elle existe ou elle n’existe pas, qu’est-ce que cette Europe ?"
Pour l’ancien "ministre des Affaires étrangères du Saint Siège", l’absence de référence aux racines chrétiennes de l’Europe dans le préambule du texte constitutionnel n’est pas un obstacle à la ratification du traité. "Il ne faut pas tout mélanger". Cette référence dans le préambule "n’a aucune valeur juridique", mais relève de l’évocation historique. Certes, le Saint-Siège a regretté qu’on ne sache pas relire l’histoire et reconnaître que le christianisme est la seule religion qui ait participé, contribué à la formation des institutions européennes à travers l’école, l’exercice de la démocratie dans les monastères bénédictins, etc… "C’est un regret, mais il ne faut pas non plus dramatiser".
En ce qui concerne la liberté de religion, a-t-il souligné, le plus important est l’article 52 du traité qui assure le dialogue permanent et transparent entre les communautés religieuses et les responsables civils. Pour le haut prélat, c’est là "une chose positive". Enfin, il a rappelé que le Saint-Siège n’était ni pour, ni contre une future entrée de la Turquie dans l’Union européenne.
Précisant sa pensée dans un entretien accordé à I.MEDIA, le 24 mai, le cardinal français a tenu à revenir sur l’absence de référence aux racines chrétiennes de l’Europe, absence qu’il préfère appeler "omission" : "Cette omission est sans aucun doute regrettable. Si nous ne sommes pas capables de relire notre histoire ou si nous la relisons au prisme d’idéologies réductrices, il est à craindre que les Européens aient des idées floues sur leur identité. Que répondraient-ils à la question : qu’est-ce que l’Europe ? Ceci dit, je considère positif que, grâce aux interventions de Jean-Paul II et de ses collaborateurs, un débat ait eu lieu sur ce sujet et que la formule finalement adoptée "héritage religieux" se réfère implicitement au christianisme". Dont acte.
A propos de l’entrée de la Turquie, le cardinal Tauran a très diplomatiquement nuancé son propos du 13 mai : "Ce qui permet à un pays d’accéder à l’Union européenne c’est qu’il partage et vive les valeurs fondatrices de cette Union. Ce sont les fameux critères de Copenhague, parmi lesquels se trouvent le respect effectif des droits humains fondamentaux ainsi que le respect et la protection des minorités. On peut alors comprendre que les papes et leurs collaborateurs aient toujours insisté pour que, comme les autres pays, la Turquie respecte effectivement la liberté religieuse des minorités, non seulement au niveau législatif et administratif, mais aussi au niveau social. Et si ma mémoire ne me trahit pas, la Commission européenne a signalé des carences sérieuses en ce domaine". Rien sur l’Europe chrétienne face à l’islam.
A la question : "Quelles seraient les conséquences d’un rejet du Traité le 29 mai ?", le cardinal Tauran répond : "Une telle éventualité compliquerait énormément le processus de ratification, étant donné que la France est l’un des pays fondateurs de l’Union européenne. L’Europe "politique" serait encore un projet. Seule l’Europe de "l’Euro" fonctionnerait... On en resterait au Traité de Nice et la Commission poursuivrait son travail comme elle est aujourd’hui".