France : Lettre du pape aux évêques français sur la laïcité
Jean-Paul II a invité la France au « respect d’une saine laïcité », dans un message adressé au président de la Conférence épiscopale française, Mgr Jean-Pierre Ricard. Cette longue lettre du pape, rédigée dans le cadre du centenaire de la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat - promulguée le 9 décembre 1905 – a été rendue publique le 12 février 2005.
Le pape y justifie la séparation de l’Eglise et de l’Etat au nom d’un bien commun à tous : « La non-confessionalité de l’Etat, qui est une non-immixtion du pouvoir civil dans la vie de l’Eglise et des différentes religions, comme dans la sphère du spirituel, permet que toutes les composantes de la société travaillent ensemble au service de tous et de la communauté nationale. » Reprenant son exhortation apostolique Ecclesia in Europa, il dénonce « un type de laïcisme idéologique ou de séparation hostile entre les institutions civiles et les confessions religieuses » (n. 117), pour aussitôt souhaiter : « au lieu de se situer en antagonisme, les forces sociales seront toujours plus au service de l’ensemble de la population qui vit en France. J’ai confiance qu’une telle démarche permettra de faire face aux situations nouvelles de la société française actuelle, en particulier dans le contexte pluriethnique, multiculturel et multiconfessionnel de ces dernières années ».
Plus loin, Jean-Paul II indique le rôle que peuvent jouer les chrétiens dans le cadre d’une société laïque et démocratique : « Au nom de leur foi, les chrétiens, personnellement ou en associations, doivent pouvoir prendre la parole publiquement pour exprimer leurs opinions et pour manifester leurs convictions, apportant de ce fait leurs contributions aux débats démocratiques, interpellant l’Etat et leurs concitoyens sur leurs responsabilités d’hommes et de femmes, notamment dans le domaine des droits fondamentaux de la personne humaine et du respect de sa dignité, du progrès de l’humanité qui ne peut pas être à n’importe quel prix, de la justice et de l’équité, ainsi que de la protection de la planète, autant de domaines qui engagent l’avenir de l’homme et de l’humanité, et la responsabilité de chaque génération. C’est à ce prix que la laïcité, loin d’être le lieu d’un affrontement, est véritablement l’espace pour un dialogue constructif, dans l’esprit des valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité, auxquelles le peuple de France est fort justement très attaché ».
Dans la ligne de la Constitution pastorale Gaudium et Spes du concile Vatican II, cette lettre sur la laïcité montre qu’est désormais écartée toute notion de royauté sociale du Christ et d’institutions chrétiennes. D’un point de vue simplement sociologique, l’historien Emile Poulat signale, dans La Croix du 14 février 2005, un malentendu persistant : « Les vraies questions sont celles du pouvoir de l’Eglise sur la société et de la liberté de conscience absolue revendiquée par les partisans de la laïcité. Et c’est bien sur ce point qu’ils attendent l’Eglise. L’Eglise admet certes la liberté de conscience, mais pas comme un absolu. Il y a donc un malentendu qui reste à résoudre ».