Hong Kong : le procès du cardinal Zen a débuté
Tribunal de Kowloon ouest
Prévu dès le 19 septembre 2022, le procès du cardinal Joseph Zen Ze-kiun, 90 ans, évêque émérite de Hong Kong, s’est ouvert une semaine plus tard, le 26 septembre. Après deux jours de séances, le tribunal de première instance de Kowloon ouest, à Hong Kong, a ajourné au 26 octobre le procès du cardinal Zen, a annoncé Eglises d’Asie (EDA).
L’agence des Missions Etrangères de Paris précise qu’il devait durer cinq jours. Le cardinal Zen et quatre coaccusés ont été inculpés pour défaut d’enregistrement du fonds « 612 Humanitarian Relief Fund », aujourd’hui dissous.
Arrêté le 11 mai dernier dans le cadre de la loi sur la sécurité nationale imposée par Pékin, pour « collusion avec des forces étrangères », le cardinal Zen avait été relâché sous caution avec interdiction de quitter le territoire hong-kongais. Une telle accusation peut entraîner des peines de trois ans jusqu’à la prison à vie.
Aux côtés du cardinal, la chanteuse Denise Ho, l’avocate Margaret Ng, l’universitaire Hui Po-keung, et Cyd Ho, une ancienne parlementaire (aujourd’hui en prison) se trouvent inculpés pour défaut d’enregistrement du fonds « 612 Humanitarian Relief Fund ». Le fonds avait apporté un soutien financier, psychologique et juridique aux personnes arrêtées durant les manifestations pro-démocratie de 2019. Ils ont tous plaidé non coupables.
Il y a 1121 prisonniers politiques dans l’ancienne colonie britannique, un chiffre mis à jour le 29 août par le Conseil de la démocratie de Hong Kong, indique l’agence italienne des Missions étrangères, Asianews. Nombre d’entre eux sont des personnalités connues du front démocratique, comme le magnat catholique des médias Jimmy Lai.
Condamné en 2021 pour avoir participé à des manifestations non autorisées, le fondateur du quotidien indépendant Apple Daily, désormais fermé, sera jugé à partir du 1er décembre pour menace à la sécurité nationale, précise Asianews.
Avec d’autres militants et contributeurs, Lai est accusé de « collusion avec des forces étrangères », un crime prévu par la loi draconienne sur la sécurité imposée par Pékin en 2020. Le procès devant la Haute Cour devrait durer plus de 30 jours : l’homme d’affaires risque la prison à vie.
Accusé par Pékin et abandonné du Vatican
Dans un article publié par la presse hong-kongaise peu de temps après l’arrestation du cardinal Zen, Tony Kwok, universitaire pro-Pékin spécialisé dans la lutte contre la corruption s’est dit convaincu de la culpabilité du haut prélat. Plus particulièrement pour avoir reçu environ 3,3 millions d’euros de la part de Jimmy Lai.
Selon Kwok, la police chercherait à savoir si cet argent a été « utilisé à des fins subversives » ou pour corrompre le cardinal. L’universitaire hong-kongais soupçonne également le cardinal Zen de travailler pour les services secrets des Etats-Unis – et donc contre la Chine – où il s’est rendu à cinq reprises.
Dans l’avion de retour du Kazakhstan, le pape François a préféré ne pas répondre directement à une question de journaliste sur la situation de l’évêque émérite d’Hong Kong. Il a simplement affirmé que le cardinal Zen était « une personne âgée qui dit ce qu’il ressent » (sic).
Il a enjoint de ne pas juger la Chine, plaidant pour un dialogue patient. Le pape a aussi renouvelé son soutien au cardinal secrétaire d’Etat Pietro Parolin, qui a l’entière charge de la diplomatie avec Pékin. Une diplomatie que le cardinal Zen n’a jamais hésité à commenter sévèrement. En particulier, il avait évoqué sur son blogue, le 7 octobre 2020, l’Ostpolitik du Saint-Siège, du cardinal Casaroli et du cardinal Parolin, en ces termes :
« Je crains que le cardinal Parolin n’ait même pas la foi. J’ai eu cette impression lorsque, dans un discours commémoratif en l’honneur du cardinal Casaroli, il a salué son succès dans l’établissement de la hiérarchie ecclésiastique dans les pays communistes d’Europe, en disant que “quand vous cherchez des évêques, vous ne cherchez pas des gladiateurs, qui s’opposent systématiquement au gouvernement et qui aiment se montrer sur la scène politique”.
« Je lui ai écrit pour lui demander s’il avait là l’intention de décrire le cardinal Wyszynski, le cardinal Mindszenty et le cardinal Beran. » Et de conclure : « Il n’y a pas de continuité entre Benoît XVI, qui a dit non à l’Ostpolitik, et François, qui a dit oui à l’Ostpolitik. Il y a la continuité de l’Ostpolitik du cardinal Parolin. »
De nombreux soutiens
Malgré l’étonnante attitude du Vatican, le cardinal Joseph Zen a recueilli, au sein de l’Eglise, de nombreux soutiens. Citons ici quelques-uns d’entre eux.
Le cardinal allemand Gerhard Ludwig Müller, préfet émérite de la Congrégation pour la doctrine de la foi, a évoqué un « procès injuste ». Mais il a surtout fait part de sa déception quant à l’absence de soutien du collège des cardinaux réunis en août au Vatican : « J’espère qu’on ne va pas l’abandonner, le consistoire aurait été l’occasion pour tous les cardinaux de déclarer leur pleine solidarité avec Mgr Zen. »
Il a déclaré à Il Messaggero le 1er septembre : « Le silence de ce consistoire sur le cas du cardinal Zen m’inspire des craintes. Peut-être que l’Eglise devrait être plus libre et moins liée à la logique du pouvoir, à la logique mondaine, par conséquent plus libre d’intervenir et, si nécessaire, de critiquer ces hommes politiques qui finissent par supprimer les droits de l’homme. Dans ce cas, je me demande pourquoi ne pas critiquer Pékin. (…)
« Zen est un symbole et il a été arrêté sous un faux prétexte, il n’a rien fait, c’est une figure influente, courageuse et très crainte par le gouvernement chinois », a-t-il ajouté. « Il a plus de 80 ans et on l’a laissé tout seul. »
Le cardinal birman Charles Bo, président des conférences épiscopales d’Asie, a dénoncé un « Etat policier ». Dans une déclaration, il a écrit : « Mon frère le cardinal, Son Eminence Joseph Zen, a été arrêté et fait l’objet de poursuites pour la simple raison qu’il était administrateur d’un fonds qui fournissait une aide juridique à des militants confrontés à des procès.
« Dans tout système où l’Etat de droit existe, fournir une assistance pour aider les personnes confrontées à des poursuites judiciaires à faire face à leurs frais de justice est un droit approprié et accepté. Comment peut-on considérer comme un crime le fait d’aider des personnes accusées à bénéficier d’une défense et d’une représentation juridique ? »
L’archevêque Salvatore Cordileone de San Francisco, sur Twitter le 26 septembre, a imploré : « Marie, dénoueuse de nœuds, contre toute attente nous vous demandons d’intercéder pour notre frère le cardinal Zen, afin que justice soit faite et que son cœur soit consolé. »
Mgr Athanasius Schneider, évêque auxiliaire de Maria Santissima à Astana, a offert ses prières sur Twitter le même jour : « Nous demandons à Dieu de protéger le cardinal Joseph Zen, un fils loyal de l’Eglise, qui fait face à un procès en tant que prévenu à Hong Kong. Que sa foi le soutienne toujours et lui donne la force dans ce moment délicat. Que Marie, Auxilium christianorum, soit à ses côtés pour lui inspirer du courage. »
Le cardinal Fernando Filoni, grand maître de l’Ordre équestre du Saint-Sépulcre et préfet émérite de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples, a apporté son soutien au cardinal Joseph Zen dans une longue lettre ouverte publiée le 23 septembre dans l’Avvenire. « Le cardinal Zen ne doit pas être condamné. Hong Kong, la Chine et l’Eglise ont en lui un fils dévoué, dont il ne faut pas avoir honte. C’est un témoignage de la vérité. »
Il cite son « intégrité morale et idéale », qui a incité Jean-Paul II à le nommer évêque et Benoît XVI cardinal. « Certains le considèrent comme un personnage un peu nerveux, note-t-il, et qui ne le serait face à l’injustice et devant l’exigence de liberté que tout système politique et civil authentique devrait défendre ?
« Je dois encore témoigner de deux choses, ajoute le prélat italien, le cardinal Zen est un “homme de Dieu”, parfois intempestif, mais soumis à l’amour du Christ, qui a voulu qu’il soit son prêtre, profondément aimant, comme Don Bosco, de la jeunesse. »
(Sources : cath.ch/imedia/eda/asianews/DICI n°425 – FSSPX.Actualités)
Illustration : Exploringlife, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons