INDE : Le combat pour la Sainte Messe a mobilisé 7000 fidèles

Source: FSSPX Actualités

 


L’état du catholicisme en Inde

Nagerkoil1 a la plus forte densité de catholiques du sud de l’Inde, à l’exception de certains endroits au Kerala. On y compte 36% de catholiques. Ils ont été convertis par St François Xavier lui-même. Ils sont beaucoup plus pieux que les catholiques des autres régions et ont une mentalité très traditionnelle. Leurs vieilles églises ont été bâties par les fidèles, il y a bien des siècles, et tout ce qui concerne le temporel de la paroisse était traditionnellement administré par un comité de chefs élus.

Le clergé de ce bastion catholique est vraiment ce qu’il y a de pire en Inde. L’orgueil, l’arrogance, l’impureté, l’avarice sont les « vertus » que l’on remarque le plus communément chez eux. Ils ont imposé avec vigueur l’enseignement et les pratiques modernistes à cette population qui ne les a acceptés qu’à contrecœur.

La tâche la plus importante de l’évêque de cette région consiste à se débarrasser des comités administrateurs laïques et à imposer des "conseils paroissiaux" de son cru. Les événements de ces dix dernières années ont prouvé que le but principal de cette substitution est de concentrer les fonds et les moyens de recueillir l’argent entre les mains de l’évêque. Il a forcé les paroisses les unes après les autres à accepter. Beaucoup de méthodes cruelles ont été employées à cette fin. L’une des plus efficaces était l’interdit : on retirait le curé et on refusait les sacrements, surtout le mariage, la confirmation et la messe. On achetait la soumission des communautés qui résistaient ou on les écrasait avec l’aide de la police.

Il y eut une levée de boucliers dans beaucoup de paroisses au sujet de la communion dans la main, des femmes présentes dans le chœur et bien sûr des péchés publics des prêtres.

C’est dans ce contexte que se situent les événements de cet été à la paroisse de la Sainte Famille à Ramanpudur.


Les événements de Ramanpudur

Dimanche 13 juin. Les représentants de la paroisse de la Ste Famille viennent au prieuré de la Fraternité Saint Pie X, et après une rencontre cordiale, ils s’en vont visiblement contents.

Lundi 19 juillet. Les représentants de l’église de Ste Lourdes à Punnainagar (à côté de la Ste Famille et en accord avec eux) viennent et demandent explicitement que nous prenions en charge le ministère spirituel dans leur église parce que l’évêque venait de refuser de s’occuper d’eux jusqu’à ce qu’ils se soumettent à son décret d’établissement d’un conseil paroissial. La date fixée pour la prise en charge est le mercredi suivant.

Mercredi 21 juillet. Les fidèles sont rassemblés par la police qui essaie de les intimider pendant quatre heure pour qu’ils signent l’accord avec l’évêque, ou autrement, gare à eux !

Samedi 24 juillet. Le comité de Punnainagar vient au prieuré et nous montre la lettre qu’ils ont adressée à l’évêque mettant fin à tout rapport avec lui, et appelant les prêtres de la Fraternité Saint Pie X comme pasteurs. Une messe surprise avait été prévue à 4 heures du matin le lendemain dimanche. Avant de s’en retourner chez eux, ils étaient trahis : le président avait donné les clefs à la police, qui verrouilla l’église et remit les clefs à l’évêque. Plus d’espoir.

Dimanche 25 juillet. L’abbé Pancras, prêtre indien qui dessert notre prieuré, va à Punnainagar pour y célébrer la messe : surprise ! L’église est fermée à clef et gardée par la police. Il se rend alors à Asaripalam pour la messe habituelle dans la chapelle de la Fraternité. Après l’Asperges, une belle voiture avec des gens bien habillés arrive, ils descendent. Ces représentants de l’église de la Sainte Famille assistèrent pieusement à la messe, et après la messe, ils demandèrent que la Fraternité leur envoie un prêtre pour la messe du lendemain matin.

Lundi 26 juillet. Messe de 9 heures du matin. Les fidèles ont préparé une grande cérémonie à un sanctuaire dédié à St Jacques où l’abbé Blute chante une messe remarquablement bien servie par les garçons de notre pensionnat, devenus maintenant experts en liturgie. La foule d’environ 300 personnes est très édifiée. Ils ont bien chanté, se souvenant du Kyriale de leur jeunesse.

Mardi 27 juillet. La Fraternité est maintenant la bienvenue. Elle est logée dans le presbytère de la paroisse de la Ste Famille. La première de plusieurs réunions avec les officiers de police du district, les représentants de l’évêque et les représentants de la Ste Famille, a lieu pour essayer de trouver une solution. Les fidèles se défendent : « L’évêque nous a définitivement abandonnés, aussi sommes-nous libres de choisir les prêtres de la Fraternité pour pasteurs ». A l’extérieur 300 femmes récitaient le chapelet. Dans l’église, nous faisions la neuvaine à St Antoine.

Mercredi 28 juillet. Les fidèles de Punnainagar manifestent devant le bureau du représentant de la justice, réclamant les clefs de leur église.

Jeudi 29 juillet. Punnainagar commence à être en ébullition, et les hommes pensent sérieusement à un soulèvement. Ils sont calmés par les gens de Ramanpudur avec lesquels ils ont fait une alliance infrangible pour ramener la messe tridentine dans leurs églises. Des accusations et des mises en garde paraissent dans tous les journaux.

Vendredi 30 juillet. Un homme politique, ami de la Tradition, prend contact avec le Collateur - le plus haut officier du district - lui demandant d’accorder son soutien au peuple. Sa réponse : "Il y a 42 paroisses qui sont exactement dans la même situation que celle de la Ste Famille, si je m’implique dans l’affaire, je n’aurai plus de temps pour rien d’autre".

1er août, dimanche des Macchabées. Une messe solennelle est prévue à l’église de la Ste Famille pour la première fois depuis 40 ans. La rumeur parle d’une opposition de l’évêque. La police arrive à 4 h 30 du matin. L’autel est gardé par nos prêtres, les abbés Pancras et Michael, jusqu’à l’heure de la messe solennelle. Les partisans de l’évêque arrivent à la porte, un minable ramassis de 35 personnes mal intentionnées. 500 fidèles les trouvent à la porte, leur interdisant l’entrée. Tous restent pour écouter le sermon de l’abbé Blute. Consternés, les hommes de Monseigneur rentrent chez eux. Après cette messe glorieuse, les paroissiens se réunissent autour de l’église pour un repas offert par deux riches hommes d’affaires pour célébrer avec éclat cette journée.

Mercredi 4 août. L’évêque Léon Dharmaraj convoque tous ceux qu’il emploie dans le diocèse ; ses vicaires les cajolent et les menacent, les obligeant à signer tous une feuille blanche, et les pressant d’aller le lendemain protester chez le Collateur, chacun devant amener avec lui 15 membres de sa famille. Les professeurs des écoles du diocèse rentrent chez eux tard, tremblants et anxieux. La paroisse de la Ste Famille porte plainte auprès du ministère de l’Education contre cet abus d’autorité. De méchants bruits de schisme sont réfutés par les Hindous qui regardent et assistent avec une crainte respectueuse à la procession des morts et à la messe du matin. L’un d’eux : "Même si ces prêtres étaient de grands pécheurs, je suis convaincu par leurs prières que ce sont de saints hommes."

Jeudi 5 août, jour fatidique : un jugement doit être rendu par le fonctionnaire du district. Le comité va défendre sa cause et 400 pieux fidèles, hommes et femmes, s’agenouillent à l’extérieur de l’église et récitent le chapelet. Le syndicat des enseignants fournit 40 partisans de l’évêque. Le fonctionnaire ordonne que la foule se disperse. Les gens de la paroisse de la Ste Famille viennent immédiatement demander une exposition du St Sacrement et ils adorent pendant cinq heures priant et chantant sans interruption. Après l’arrivée des délégués se tient une bruyante réunion publique avec moult discours en faveur de l’unité, de la messe tridentine et de la Fraternité. Quiconque disait par inadvertance : "Notre curé est venu et…", était réduit au silence par les cris de "Pas notre curé – notre ANCIEN curé !" De même l’affirmation : "Notre évêque a…" était étouffée par "Pas le NÔTRE !" Les officiers du district voulaient un compromis. Les représentants de la paroisse affirmèrent : "Pas sans une réunion de toute la paroisse". "Faites-la demain" fut la réponse. "On ne peut pas. Les gens ne peuvent venir que le dimanche." Aussi la réunion pour connaître la volonté du peuple fut-elle ajournée au dimanche. Cependant les partisans de l’évêque et les hommes du gouvernement insistèrent :

- Est-ce que vous ne pouvez pas interrompre vos messes ?

- Oh non, nous avons besoin de notre messe quotidienne.

- S’il vous plait, de grâce, arrêtez cette messe !

Le diable est évidemment tourmenté par cette lumière aveuglante dans son royaume de ténèbres.

Le même jour : Dans la matinée, l’ancien curé, l’abbé Ladislaus, se faufile dans le presbytère et surprend l’abbé Blute et l’abbé Pancras en train de prendre leur petit déjeuner. Il se présenta comme étant l’abbé Benjamin. On lui offrit un siège, et bientôt il dit : "En fait, je suis le curé ici". Alors nous avons cordialement parlé des raisons pour lesquelles nous étions ici, et pourquoi nous n’allions pas partir, et comment il ferait mieux d’aller parler au comité, si vraiment il le voulait. Il a esquissé une grimace de chat. Un agent de sécurité est venu et l’a escorté jusqu’à la porte. Immédiatement il est allé avec ses amis au commissariat de police et a déposé une plainte pour tentative d’homicide contre les abbés Blute, Pancras et trois membres du comité qui étaient absents. Si telle est la qualité du clergé de Ramanpudur, je me sens pour ma part non seulement justifié, mais positivement tenu par devoir de venir en aide aux paroissiens.

Vendredi 6 août. Encore cinq heures d’adoration. Un « ordre de rétention » illégal est donné par le tribunal, interdisant aux prêtres de la Fraternité d’entrer dans l’église.

Dimanche 8 août. Après quelques discussions, la réunion générale de la paroisse établit un plan : proposer des conditions strictes à l’évêque s’il veut conserver le contrôle de la Ste Famille. Parmi ces conditions : le prêtre doit porter la soutane, ne permettre à aucune femme d’entrer dans son presbytère, ni dans le sanctuaire. Pas de communion dans la main, pas de femme qui font les lectures, et surtout, plus question à tout jamais de "conseils paroissiaux". Et comme ils le prévoyaient, l’évêque refusa de signer.

Mardi 10 août. La tension monte toute la journée. Messe du matin sans troubles. Des prières sont prévues pour le soir en l’honneur de St Antoine. A 5 h15, des camionnettes pleines arrivent et leurs occupants essaient de pénétrer dans l’église. On sonne la cloche. Des paroissiens en masse bloquent les portes. La police protège. La foule croît des deux côtés. Des camionnettes de location arrivent des villages de pêcheurs. Une foule de prêtres, peut-être une centaine, insiste pour qu’on les admette dans l’église pour dire la messe.

"C’est drôle, remarque un homme, d’abord ils nous refusent la messe, maintenant ils cassent les murs et nous supplient de les laisser dire la messe pour nous".

La foule répond à ces célébrants : "Nous avons nos prêtres, merci ! Vous pouvez rentrer chez vous !"

On disposa une statue de St Antoine et la prière commença. Du côté des paroissiens, se succédèrent des chapelets, des hymnes et des prières sans interruption. Une délégation de prêtres et de religieuses se rendit au bureau du fonctionnaire du district. Là se trouvait l’abbé Ladislaus Benjamin qui protestait avec véhémence, frappait du poing sur le bureau de l’auguste fonctionnaire, et donnait des coups de pieds dans les meubles. La police outragée lui donne une raclée et le flanque à la porte. A l’église, les fidèles font cuire une grande cuve commune de riz afin de pouvoir soutenir le siège. A 22h30, des gens arrivent en force par pleines camionnettes. La centaine de prêtres se couche par terre pour bloquer la route. Dans les paroisses alliées de Punnainagar, Thalaivaipuram, Mel Ramanpudur et autres, les cloches sonnent pour appeler des renforts. Des foules de fidèles entrent par l’arrière, grossissant les rangs de la paroisse. Ils sont 7000 personnes. Un appel général est lancé à tous les commissariats de police, et les camionnettes des policiers se mêlent aux camionnettes des gens loués par l’évêque en direction de Ramanpudur. Voyant cela, la police commence à arrêter les camionnettes et dégonfle leurs pneus. Finalement, quelque 1500 agents sont sur place empêchant la foule à l’extérieur d’entrer de force dans l’église. Il devient évident que les 100 prêtres ne sont pas en fait des prêtres, mais des pêcheurs revêtus de soutanes d’emprunt. A 2 heures du matin, la police charge la foule avec des bâtons et la disperse. C’est sans aucun doute un des troubles à l’ordre public les plus violents de l’histoire récente en Inde, et il a été complètement passé sous silence par les médias : aucun journal, aucune émission de TV ou de radio, aucun article dans les magazines. Qui a arrangé tout cela ?

Il y a plusieurs années, trois familles avaient quitté la paroisse de la Ste Famille pour rejoindre les charismatiques. Après avoir assisté une seule fois à la vraie messe, elles sont toutes revenues à l’Eglise catholique traditionnelle. Un jeune homme témoigne : "Avec la messe en tamil, je n’y allais que le dimanche. Mais depuis que j’ai vu la sainteté de cette messe, je me lève tous les jours à 5h30 pour ne pas la manquer." Un homme dénonçait à grands cris les prêtres de la Fraternité. Par curiosité sa femme et ses filles assistèrent à la messe du dimanche. A leur retour, elles dirent :"Nous ne savons pas comment répondre à ce que tu dis de ces prêtres, mais tu dois voir la messe." Après avoir assisté à la messe une seule fois, il cessa ses dénonciations.

16 août. La crise est passée provisoirement. L’évêque a acheté le jugement de la Haute Cour de Madras et a obtenu un droit sur les clés de l’église. Il y est entré avec la police. Nous avons pris la fuite avec tous les fidèles. L’évêque a célébré en grande pompe, dans une église vide, une messe en ce lieu qui avait été sanctifié par la messe de St Pie V quelques jours auparavant. Il y avait 40 villageois et à peu près autant de gens amenés en bus par l’évêque. L’assistance normale est de 3000 personnes ! Les paroissiens nous demandent d’installer une tente sur un terrain loué pour y avoir la messe avant deux semaines. Ce sont plus particulièrement les habitants de Punnainagar qui se préparent à la prochaine offensive, parce qu’ils ont eux aussi maintenant rejeté le gouvernement de l’évêque Léon Dharmaraj (ce qui signifie "Lion Roi des Vertus", les vieilles femmes rient et disent Léon Adarmaraj, "Lion roi des vices"). Souvenez-vous de ce que dit St Pierre : "Votre adversaire le démon rôde comme un lion rugissant cherchant une proie à dévorer". Aussi continuez de prier pour nous, il y a ici une grande moisson à faire pour la Tradition, et qu’elle rende du 40, du 60 ou du 100 pour 1 dépend de nos prières.

Pour le moment, l’évêque a repris le contrôle de l’église en obtenant de la cour de justice locale un jugement en sa faveur. Les dirigeants locaux et un groupe de paroissiens sont allés à Madurai pour faire appel auprès d’une plus haute instance, afin de récupérer l’église et les bâtiments annexes. Les tribunaux en Inde sont absolument débordés par des affaires de propriété. Qui sait combien de mois ou d’années cet appel va prendre ?

De retour au prieuré de Palayamkottai, il nous faut établir des projets à long terme pour la région. Nous sommes optimistes et pensons que, quoi qu’il arrive, un nouveau centre de la Tradition va s’ouvrir dans cette région évangélisée par St François Xavier. La pointe sud de l’Inde est une étendue de terres fertiles, avec beaucoup de plantations de palmiers, bénéficiant à la fois des moussons du nord-est et du sud-ouest. Les gens y sont généralement ignorants de la crise de l’Eglise et pensent que toutes leurs difficultés avec l’évêque ne sont qu’une affaire locale.

Il n’y a pas eu de messe traditionnelle pour l’Assomption. La nouvelle messe dite par l’évêque dans l’église de la Ste Famille fut un échec. Comme les dirigeants locaux étaient absents, s’étant rendus à Madurai, les fidèles sont restés fermes. On a pris des dispositions pour célébrer la messe là où cela sera possible dans la région, le dimanche 22 août.

Lundi 30 août. Il semble nécessaire que la Fraternité Saint Pie X opte pour un centre de messes dans la région de Nagercoil, maintenant que l’évêque contrôle entièrement l’église de Ramanpudur. Une maison avec un grand terrain a été louée. L’autel sera installé sous la véranda et les fidèles seront dans le jardin, sur des nattes. On peut ainsi recevoir quelques centaines de personnes. L’abbé Pancras réside déjà dans cette maison qui est d’accès facile depuis Ramanpudur et les deux paroisses voisines.

Nous avons posé une dernière question à l’abbé Blute :

- Depuis quand êtes-vous en Inde ?

- Environ 7 ans et demi. J’avais déjà fait deux ans et demi aux Philippines avec l’abbé Morgan comme supérieur, quand Mgr Fellay m’a demandé de façon détournée ce que je

penserais d’une nomination temporaire en Inde. Mon visa d’origine était de trois mois, il a été prolongé de six mois, puis suivi d’un autre visa d’un an…, et maintenant j’ai un visa de dix ans, ce qui est tout à fait remarquable. Cela me fait un long séjour temporaire ! Mais je n’ai pas de regrets, vraiment aucun regret ! Je pense que Jésus-Christ m’a envoyé ici, par la volonté de mes supérieurs. Ce que je veux dire c’est que nous sommes comme une armée, et si les petits fantassins ne tiennent pas la partie du front qui leur a été assignée, il n’y a aucun espoir de victoire.