Inde : les chrétiens sont en danger
L’Inde, « république souveraine, socialiste, laïque, démocratique », est composé de 29 Etats et 7 territoires. Chaque Etat est doté d’une assemblée législative élue pour cinq ans, d’un ministre en chef, chef du gouvernement, nommé avec les membres du gouvernement par le Gouverneur, lui-même nommé par le président de l’Inde, dont le rôle est plus représentatif que politique. Le Parlement indien comprend deux Chambres : la Chambre des Etats (Rajya Sabha, chambre haute) et la Chambre du peuple (Lok Sabha, chambre basse).
Le président du parti majoritaire à la Lok Sabha est nommé Premier ministre, le chef du Gouvernement de l’Inde. Depuis la nomination du nationaliste hindou, Narendra Modi, Premier ministre, le 26 mai 2014, ses ministres, se sont plusieurs fois prononcés en faveur de mesures pour « protéger la religion hindoue », menacée par l’essor des minorités religieuses, musulmane et chrétienne, déclarent-ils. Conformément à une idéologie soutenue par le BJP (Bharatiya Janata Party, Parti du peuple indien) en faveur d’une nation indienne purement hindoue. Actuellement sept Etats ont voté une loi anti-conversion [d’hindous au christianisme] : le Gujarat, l’Arunachal Pradesh, l’Orissa, le Madhya Pradesh, le Chhattisgarth, le Rajasthan et l’Himachal Pradesh. Le Tamil Nadu, dans le sud de l’Inde, où les chrétiens sont nombreux, avait également adopté une loi anti-conversion, qui a été rapidement abrogée.
A chaque fois, ces lois anti-conversion, qui punissent les conversions obtenues par « la force » ou « des moyens frauduleux », se sont appuyées sur la notion de défense de « l’ordre public », qui relève de la juridiction de chaque Etat et non pas du gouvernement fédéral. Dans un article publié le 20 janvier 2016, l’agence d’information des Missions étrangères de Paris, Eglises d’Asie (EDA), annonce que le rapport annuel de l’organisation chrétienne indienne Catholic-Christian Secular Forum (CSF), sur la persécution des chrétiens en Inde, publié le 18 janvier, a recensé plus de 365 agressions anti-chrétiennes en 2015.
Joseph Dias, président de l’organisation, estime le chiffre minoré car il ne peut tenir compte des agressions anti-chrétiennes non enregistrées. En effet, « certains chrétiens ne souhaitent pas déclarer les violences qu’ils ont subies, de peur de se mettre à dos les responsables politiques, ou de subir de nouvelles représailles ». Ainsi donc les attaques anti-chrétiennes – viols, profanations d’églises, interruptions des offices et meurtres –, ont augmenté de 20 à 25% chaque année depuis cinq ans. « Les meurtres ont quasiment doublé en un an, et le plus alarmant est l’étendue géographique de cette sphère de violence.
En 2014, nous avions recensé des violences dans 18 Etats indiens. En 2015, 23 Etats sur 29 sont concernés », expose Joseph Dias. Le 12 janvier, EDA a interrogé John Dayal, ancien président de l’organisation All India Catholic Union (AICU), dont les prises de position contre le gouvernement de Narendra Modi, lui ont valu des menaces de mort de la part des nationalistes hindous du BJP (Bharatiya Janata Party). « Je suis préoccupé par la position de l’Eglise indienne qui subit une pression constante de la part du gouvernement, confie-t-il. Dans un contexte où les incidents visant la communauté chrétienne sont nombreux, l’Eglise a peur et est divisée. Elle est composée de petites paroisses, qui doivent répondre à des débats et des enjeux divers et variés ».
Le 28 septembre dernier, dans l’Etat d’Uttar Pradesh, le musulman Mohammad Akhlaq a été lynché par ses voisins hindous, pour avoir consommé de la viande de bœuf ; « quand la population sera radicalisée au point de trouver acceptable de massacrer un musulman qui a consommé de la viande de bœuf, alors notre tour viendra », explique John Dayal. Le gouvernement indien promeut le programme du Rashtriya Swayamsevak Sangh (RSS), ‘Organisation patriotique nationale’ qui est la matrice idéologique du BJP, précise-t-il, et ce dernier n’a jamais caché ses intentions. La stratégie de ce gouvernement est de faire de l’Inde une théocratie culturellement homogène. Le 19 octobre dernier le sociologue Deepak Metha, professeur à l’université de Shiv Nadar (New Delhi) déclarait à EDA : « Il est probable qu’avant la fin du mandat du Premier ministre Narendra Modi, qui dirige l’Inde sous les couleurs du parti nationaliste hindou du Bharatiya Janata Party (BJP), les violences communautaires vont s’intensifier dans le pays. »
(Sources : eda/cath.ch-apic – DICI n°329 du 29/01/16)