Indonésie : Ecolières catholiques obligées de porter le voile des musulmanes
Depuis la chute du régime Suharto en 1998, une vingtaine de municipalités et districts ont pu édicter, en raison de la décentralisation, des décrets inspirés de la charia. Les uns pénalisent des conduites prohibées par la loi islamique, telles que l’adultère, la consommation d’alcool ou la prostitution. D’autres imposent aux femmes le port du voile islamique dans les lieux publics dans les villes de Padang et de Solok (province de Sumatra-Ouest) et dans la province de Banten. A Padang, à Indramayu (Java-Ouest) et à Maros (Célèbes-Sud) des décrets imposent aux écoliers l’apprentissage du Coran.
Depuis deux ans à Padang, un arrêté municipal du maire de la ville, Fauzi Bahar, impose aux élèves musulmans la tenue traditionnelle musulmane dans les écoles publiques du primaire et du secondaire. Les écolières doivent porter une longue robe, une chemise à manches longues et le jilbab, foulard cachant les cheveux, les oreilles et le cou. Les garçons doivent porter le baju koko (chemise à manches longues) et un pantalon. Certaines écoles publiques de la province imposent également cette tenue vestimentaire à tous les écoliers et écolières non musulmans.
Dans le district de Pesisir Selatan, Nova Hungliot Simarmata, lycéenne catholique scolarisée dans un établissement public, a dans un premier temps refusé de se conformer au port du voile obligatoire depuis 2005. « J’étais si gênée lorsque j’ai porté le voile pour la première fois. Je me sentais si bizarre. Les gens pouvaient penser que j’étais musulmane puisque je portais ce vêtement », a déclaré la jeune fille.
Stefanus Prayoga Ismu Rahardi, père de famille catholique, a deux de ses trois filles dans des écoles publiques. « La première fois que je les ai vues avec le jilbab, j’ai ressenti comme un malaise. Elles ne savaient pas comment le porter et elles en étaient irritées. Je leur ai suggéré de porter le voile afin de ne plus être importunées et de n’y voir qu’un ‘accessoire’, a-t-il ajouté en précisant regretter cette solution car « si une non-musulmane porte le jilbab, qu’elle le veuille ou non, elle est identifiée à l’islam ».
Bonifasius Bakti Sirergar, membre du Bureau pour l’enseignement catholique de Sumatra-Ouest, a constaté que, dans bien des cas, les jeunes filles non-musulmanes se résolvent à porter le jilbab, mais s’y sentent contraintes. Elles ne sont scolarisées dans ces écoles que parce qu’elles ne peuvent pas l’être dans des établissements gérés par des catholiques ou des protestants.
Par ailleurs, certaines écoles privées catholiques de l’enseignement secondaire ont vu le nombre de leurs élèves musulmans augmenter sensiblement depuis l’année scolaire 2004/2005. Car ces écoles ne les obligent pas à porter le jilbab comme au lycée public de Padang. « Nous avons des cours sur la religion musulmane. Par conséquent, je n’ai pas l’impression de négliger l’éducation religieuse », déclare une des élèves musulmanes.
Le maire de Padang a demandé aux élèves musulmans étudiant dans les écoles chrétiennes d’appliquer la directive imposée aux élèves des écoles publiques au sujet de la tenue vestimentaire. Cependant la plupart des écoles catholiques n’appliquent pas de mesures disciplinaires envers les élèves musulmans qui portent l’uniforme habituel. Selon le P. Florianus Sarno, responsable du Bureau diocésain de l’éducation, « les écoles catholiques demandent aux élèves de porter l’uniforme national » ; c’est à dire pour les garçons une chemise blanche et un bermuda rouge en école primaire, un bermuda bleu au collège et un pantalon gris au lycée ; et pour les filles, un chemisier blanc et une robe. Le samedi, les élèves portent l’uniforme scout. Les filles doivent porter des robes longues, précise le P. Florianus Sarno.
(Sources : Apic/Eglise d’Asie)