Irak : Projet de loi américain d’armer de prétendues milices chrétiennes
Entrainement d'une milice chrétienne à Bagdad, en juillet 2015.
Dans le cadre de la lutte contre les djihadistes de la plaine de Ninive, l’agence Fides annonçait le 19 mai 2016, un projet de loi américain destiné à inclure dans le budget de la Défense des Etats-Unis, le financement et la distribution d’armes à de prétendues « milices chrétiennes ». Le nouveau projet fait référence de manière spécifique à des « milices chrétiennes » comme destinataires privilégiés du soutien logistique et militaire américain : « La Commission estime que les Etats-Unis devraient soutenir des groupes locaux, équipés de manière adéquate et opérationnels, comme les milices chrétiennes irakiennes, ayant une mission de sécurité nationale ».
L’initiative a lieu, souligne le site américain Christian Today, après que la Chambre des représentants des Etats-Unis approuvait très largement, mi-mars 2016, une résolution condamnant comme un « génocide » les atrocités commises contre les chrétiens et les autres minorités religieuses d’Irak et de Syrie par le groupe djihadiste Daech (cf. DICI n°333 du 25/03/16). Steve Oshana, Directeur exécutif de l’organisation A Demand for Action, en faveur de la protection des chrétiens, a qualifié cette initiative de « progrès important ». Selon lui, « les forces chrétiennes en Irak et en Syrie ont passé les 18 derniers mois à se consolider et un groupe a déjà reçu le soutien des Etats-Unis en Syrie ».
Opposé à ce projet de loi, Mgr Louis Raphaël Ier Sako, Patriarche de Babylone des Chaldéens, est convaincu que la décision de fournir des armes à de prétendues milices chrétiennes « est une très mauvaise idée. Elle fait comprendre à quoi tend réellement cette déclaration relative au génocide ». Car, explique-t-il à Fides, « il n’existe pas de milices chrétiennes mais seulement des groupes politisés et des personnes simples qui ont un besoin désespéré de salaire. Les chrétiens demeurés en Irak sont seulement les pauvres et ceux des strates moyennes. Parmi eux, se trouvent 100.000 évacués ».
Résidant à Bagdad, Mgr Sako ajoute que de nombreux réfugiés chrétiens ont été contraints à signer une « déclaration de fidélité » à la région autonome du Kurdistan irakien et à son Président, Masud Barzani. « Maintenant, poursuit-il, les arabes sunnites veulent créer une région autonome à Mossoul avec l’appui de la Turquie, alors que les kurdes veulent accentuer le processus d’indépendance du Kurdistan. Un autre groupe politique chrétien est appuyé par le gouvernement central de Bagdad. Une confusion totale règne ! Tous veulent instrumentaliser les chrétiens de la plaine de Ninive, en fonction de leurs ambitions et de leurs intérêts politiques. Cette zone se trouve à la limite. Il s’agit d’une région comprenant différentes ethnies et communautés religieuses, une zone de division entre la région dominée par les Kurdes et celle dominée par les arabes sunnites. Tous considèrent les chrétiens de ce secteur dans la perspective de leurs propres intérêts, économiques ou politiques. Je crains que tous ces discours ne transforment la plaine de Ninive en une région de conflits continuels, sachant que, si cela était le cas, aucun chrétien ne retournera chez lui. Les chrétiens, s’ils veulent avoir un avenir, ajoute le Patriarche, doivent s’intégrer aux institutions et suivre les autorités légitimes qui gouvernent le lieu où ils vivent. Les Etats-Unis, s’ils veulent réellement vaincre le prétendu ‘Etat islamique’, doivent soutenir les armées régulières qui dépendent du gouvernement central et du gouvernement autonome du Kurdistan au lieu de créer des milices sectaires ».
Déjà, en mars 2016, Mgr Sako publiait une lettre adressée aux fidèles chaldéens dans laquelle il dénonçait ces milices chrétiennes, qui se disent « assyriennes », en déclarant qu’il ne fallait pas « penser que la solution peut dépendre de la création de factions armées isolées qui se battent pour nos droits », puisqu’en réalité de telles milices confessionnelles sont « sponsorisées et soutenues par les mêmes pouvoirs qui ont déchaîné le conflit ».
(Sources : fides/christiantoday – DICI n°337 du 17/06/16)
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