Irlande : Mgr Grech lance une « Eglise synodale irlandaise »

Source: FSSPX Actualités

Cardinal Mario Grech

Nommé secrétaire général du Synode des évêques le 16 septembre 2020, le cardinal maltais Mario Grech sera amené à être le coordinateur du prochain synode romain sur la “synodalité”, en octobre 2022.

Créé cardinal lors du consistoire du 28 novembre 2020, Mgr Grech a pris la parole au nom des treize nouveaux cardinaux pour évoquer « le profil de l’Eglise synodale et de la synodalité comme forme et style de l’Eglise ».

Ainsi le cardinal, à « l’écoute de tous les évêques », précise-t-il vouloir faire davantage « en soutenant les évêques et les Conférences épiscopales dans la maturation d’un style synodal, sans interférer, mais en accompagnant les processus en cours aux divers niveaux de la vie ecclésiale ».

Dans cette optique, il s’est adressé aux évêques d’Irlande le 3 février 2021, dans un discours intitulé “Vers une Eglise synodale irlandaise”. Le 3 mars 2021, Mgr Paul Dempsey, évêque de Achonry et Mgr Fintan Gavin, évêque de Cork et Ross ont annoncé, en marge de l’Assemblée générale en ligne de la Conférence épiscopale d’Irlande, qu’un chemin synodal serait officiellement lancé à cette occasion.

Une autorité inversée

Dans ce pays si profondément catholique, où aujourd’hui la chrétienté n’existe plus, Mgr Paul Dempsey se demande « comment la mission de l’Eglise en Irlande pourrait prospérer ».

Ce à quoi le cardinal Grech répond que « si l’Eglise veut devenir une Eglise missionnaire, alors elle doit être une Eglise synodale, car la synodalité n’est pas seulement un choix méthodologique, mais le mode d’être d’une Eglise qui veut aller en mission », souligne-t-il.

« Pour rendre cette impulsion missionnaire toujours plus ciblée, généreuse et fructueuse, le pape encourage chaque Eglise particulière à entreprendre un processus résolu de discernement, de purification et de réforme », poursuit-il.

Et d’expliquer que « le synode des évêques doit devenir de plus en plus un instrument privilégié d’écoute du peuple de Dieu ». C’est pourquoi, « une conversion ecclésiologique est urgente ».

« Malheureusement, le cléricalisme continue de sous-estimer les laïcs et leur contribution dans l’Eglise », déplore le cardinal Grech. Or la synodalité appelle à une nouvelle façon d’exercer l’autorité, en suivant l’image de la « pyramide inversée ».

Ici le cardinal reprend les propos de l’Américaine Amanda C. Osheim, docteur en théologie : « concevoir l’autorité hiérarchique comme une pyramide inversée renverse une conception pyramidale plus ancienne de l’Eglise, une économie ecclésiale de ruissellement dans laquelle le Saint-Esprit a été donné d’abord au pape et aux évêques, puis au clergé et religieux, et enfin aux fidèles…

« Cette pyramide divisait effectivement l’Eglise en Eglise enseignante (ecclesia docens) et Eglise enseignée (ecclesia discens). En inversant la pyramide, l’analogie de François refond l’autorité comme étant dépendante de la réception – écouter et apprendre des autres – au sein de l’Eglise. »

Un « printemps ecclésial »

Ce « repositionnement ou changement de style » implique un « processus de large participation » des laïcs et de la hiérarchie catholique – des évêques et du pontife –, insiste le cardinal. Il souligne que c’est le pape François lui-même qui « a favorisé le rôle des synodes et a inauguré un nouveau style de synodes marqué par une réelle liberté d’expression ».

Ce nouveau style d’autorité, inspiré par la primauté de “l’écoute” est une « certaine manière de diriger en se plaçant au milieu des autres, d’être avec eux dans une coresponsabilité qui recherche l’autonomisation et la participation de tous ». Evêques et pasteurs ont alors la « responsabilité de guider et de maintenir l’objectif de la synodalité qui est de construire une communauté fraternelle et missionnaire au service du bien commun de la société ».

« Dieu, n’hésite pas à affirmer le cardinal Grech, attend de l’Eglise du troisième millénaire ce chemin de synodalité. » Voici venir un processus synodal qui « promet un printemps ecclésial » ! Il faut comprendre : la « renaissance d’une Eglise authentique ». – Derrière ces mots pompeux, il faut voir une véritable subversion  !

Une assemblée synodale nationale

La Conférence des évêques catholiques irlandais a publié le 10 mars 2021 sur son site une déclaration à l’issue de l’Assemblée générale du printemps 2021. Les évêques ont en premier lieu, « décidé de s’engager dans une voie synodale pour l’Eglise catholique en Irlande menant à la tenue d’une Assemblée synodale nationale dans les cinq prochaines années ».

En juin 2021, lors de la prochaine Assemblée générale, un groupe de travail – composé de femmes et d’hommes laïcs, y compris des jeunes, de religieux, prêtres et évêques – sera organisé pour planifier et superviser les premières étapes du chemin synodal.

Une page en ligne est ouverte sur le site de la Conférence épiscopale pour y recueillir idées et suggestions. Les évêques « encouragent la réflexion, l’étude et la recherche sur le thème de la synodalité aux niveaux paroissial, diocésain, régional et national » en invitant écrivains, théologiens et conférenciers à proposer des articles dans la phase initiale des deux ans à venir. 

La nouvelle ecclésiologie promue par Mgr Grech

Dans un entretien accordé en novembre 2020 à La Civiltà Cattolica, le cardinal Grech s’est exprimé sur les conditions de l’Eglise en temps de pandémie, dénonçant « un certain cléricalisme », pour appeler de ses vœux une nouvelle ecclésiologie, aboutissement de ce chemin de synodalité.

Le confinement imposé par la pandémie « a mis en lumière une certaine ignorance religieuse, une pauvreté spirituelle », introduit le prélat maltais. « Certains, souligne-t-il, ont insisté sur la liberté de culte », jusqu’à [oser] dire que la vie de l’Eglise était interrompue, s’insurge-t-il.

C’est oublier, dit-il, « la liberté dans le culte : nous n’avons pas compris qu’il y avait d’autres manières de faire l’expérience de Dieu » – i.e. sans la célébration et la réception des sacrements.

« Un certain cléricalisme est apparu pendant la pandémie. Nous avons été témoins d’un degré d’exhibitionnisme et de piétisme qui sent plus la magie qu’une expression de foi mûre », commente le cardinal, pour conclure : « Ce sera un suicide si, après la pandémie, nous revenions aux mêmes modèles pastoraux que nous avons pratiqués jusqu’à présent. »

Ainsi la situation de cette année écoulée a permis à l’Eglise de « découvrir une nouvelle ecclésiologie, peut-être même une nouvelle théologie, et un nouveau ministère ». Et, explique le cardinal, « il est temps de faire les choix nécessaires pour s’appuyer sur ce nouveau modèle de ministère ».

Ainsi, « ce sera pour nous, en tant qu’Eglise, un moment opportun pour ramener l’Evangile au centre de notre vie et de notre ministère. Beaucoup sont encore des “analphabètes de l’Evangile”  (sic) ! »

En effet, poursuit le cardinal Grech, l’Eucharistie n’est pas la seule “présence réelle” du Christ, et se sentir perdu hors du contexte eucharistique ou cultuel indique « un certain analphabétisme spirituel », mais c’est aussi, poursuit-il, « la preuve de l’insuffisance de la pratique pastorale actuelle ».

A la faveur du confinement a émergé cette nouvelle ecclésiologie : la redécouverte du foyer familial ! « C’est là que réside l’avenir de l’Eglise : en réhabilitant l’Eglise domestique. Nous devons vivre l’Eglise au sein de nos familles. La grande Eglise communautaire est composée de petites Eglises qui se réunissent dans les maisons. Si l’Eglise domestique échoue, l’Eglise ne peut pas subsister ».

Le cardinal appuie cette « nouvelle évangélisation » sur la domus ecclesiæ des Actes des Apôtres : « Chaque jour, d’un même cœur, ils fréquentaient assidûment le Temple, ils rompaient le pain dans les maisons, ils prenaient leurs repas avec allégresse et simplicité de cœur » (Ac 2, 46).

« Ce n’est pas la famille qui est l’auxiliaire de l’Eglise, mais c’est l’Eglise qui doit être l’auxiliaire de la famille. » Et celle-ci « doit être un milieu où la foi peut être célébrée, méditée et vécue », selon « l’enseignement, dans le sillage du judaïsme, de saint Augustin et saint Jean Chrysostome »…

Ce qui induit, dans l’exposé du cardinal, que « la communauté paroissiale a le devoir d’aider la famille à être une école de catéchèse et une salle liturgique où le pain peut être rompu sur la table de la cuisine », amenant « le passage de la liturgie cléricale à la liturgie familiale ».

Cependant, subsiste l’obstacle du cléricalisme, « perversion de la vie de l’Eglise », qui retarde l’arrivée de ce printemps ecclésial, « malgré le fait que le Concile Vatican II a récupéré la notion de famille comme “Eglise domestique” ».

– Après le chemin synodal allemand, il faut s’attendre à un chemin synodal irlandais. Malgré la rhétorique ronflante dont ils se revêtent, tous les deux sont des voies sans issue.