Italie : Réactions à la proposition d’un PACS
Le 12 septembre dernier, Romano Prodi, chef de l’opposition italienne et catholique pratiquant, s’exprimait en faveur du Pacte civil de solidarité (PACS) dans une lettre adressée à la principale association italienne de défense des homosexuels, Arcigay. Ce pacte "trouvera certainement une solution dans le programme final de l’Union" écrivait l’ex-président de la Commission européenne, en songeant aux élections législatives du printemps 2006 où le président du Conseil italien Silvio Berlusconi entrera en lice avec la coalition des partis de l’Union.
Le 13 septembre, le Vatican dénonçait par la voix de l’Osservatore Romano "la recherche de bulletins de votes à travers une déchirure inacceptable de la famille. C’est introduire dans la compétition politique une réalité naturelle - la famille - vers laquelle tendent naturellement l’homme et la femme. Cette réalité est fondée sur le mariage, comme le rappelle la Constitution italienne elle-même. C’est donc une tentative de relativiser et de colorer d’idéologie la réalité de la famille". Romano Prodi a tenu à préciser que le PACS "sert à mettre en règle des situations qui autrement feraient souffrir des centaines de milliers de personnes. Il ne s’agit pas d’une nouvelle conception de la famille, cela n’a rien à voir avec le mariage ou les adoptions".
Roberto Calderoli, ministre des Réformes et membre du parti populiste de la Ligue du Nord, s’est opposé à "ceux qui proposent de reconnaître les unions de fait" car celles-ci sont "un acte contre nature". "Je ne pensais vraiment pas qu’il fût possible de tomber aussi bas pour une poignée de voix".
Le 14 septembre, le cardinal Mario Francesco Pompedda, préfet émérite du Tribunal suprême de la signature apostolique, répondait au quotidien italien Il Giornale : "Il convient d’être très clair pour éviter que la reconnaissance des ’unions de fait’ soit assimilée ou ressemble même de loin au mariage. Mais, dans le principe, je ne suis pas opposé à étudier des formes juridiques de tutelle". "Si, d’une ’union de fait’ est née une descendance, il faudra défendre ces enfants en imposant des devoirs aux parents naturels, même si ceux-ci ne sont pas unis en mariage". "Au-delà des devoirs, naissent aussi des droits", c’est pourquoi il ne semble "pas opportun que l’Etat ignore complètement le problème". "On ne peut pas oublier que d’une ’union de fait’ qui dure depuis plusieurs années naît une relation qui ne peut pas ne pas engendrer de droits". - Cette déclaration pour le moins surprenante dans la bouche d’un cardinal émane de celui-là même qui avait exprimé de vives réserves au lendemain de la rencontre entre Benoît XVI et Mgr Fellay, le 29 août dernier.
Pour sa part, le cardinal Ersilio Tonini, archevêque émérite de Ravenne, déclarait au quotidien Il Tempo, qu’il jugeait "très grave" la proposition de Romano Prodi. "Je pense que sa déclaration est digne d’un régime antidémocratique qui ne respecte pas les citoyens".
Le 15 septembre, le cardinal espagnol Julian Herranz, président du Conseil pontifical pour l’Interprétation des textes législatifs de l’Eglise catholique et membre de l’Opus Dei, répondait au quotidien La Repubblica : "Selon moi, le législateur, dans l’exercice de ses fonctions, doit toujours agir pour le bien commun. Il doit travailler constamment en considérant le bien de ses concitoyens et des institutions de la société, parmi lesquelles une place de choix revient au mariage et à la famille, biens communs par excellence".
" C’est pourquoi toutes les lois qui favorisent la famille fondée sur le mariage sont bonnes, les autres lois qui au contraire cherchent à affaiblir le mariage et la famille ne sont pas aussi bonnes". " Une chose est de parler de mariage et de famille, une autre de parler des droits des personnes individuellement, des droits qui sont inaliénables. Personne ne veut le nier. Il s’agit d’être clair et de ne pas créer de confusion même de caractère sémantique. Sur les droits personnels, législateurs et juristes ont un vaste champ d’étude et d’intervention, il suffit d’avoir davantage d’imagination, de créativité. Mais tout cela ne doit pas être pensé et fait au détriment du mariage et de la famille."
Le cardinal espagnol a tenu à rappeler qu’à l’occasion du congrès sur la famille organisé par le diocèse de Rome en juin dernier, Benoît XVI avait condamné les unions libres et les mariages homosexuels : "Les différentes formes actuelles de dissolution du mariage, comme les unions libres et le ’mariage à l’essai’, jusqu’au pseudo-mariage entre personnes de même sexe" sont "des expressions d’une liberté anarchique qui se fait passer, à tort, pour la vraie libération de l’homme". "Le mariage et la famille ne sont pas une construction sociologique occasionnelle", et ne sauraient "être remplacés par d’autres créations".
Le 19 septembre, le cardinal Camillo Ruini, président de la Conférence épiscopale italienne, s’est exprimé sur le sujet au Conseil permanent de la Conférence des évêques italiens réuni à Rome du 19 au 22 septembre dernier : "Au delà de certaines prudences verbales et du nom qu’on leur donne, ces projets de lois - qu’on pourrait appeler un ’petit mariage’ - sont modelés en bonne partie sur l’institution du mariage et préfigurent quelque chose dont il n’est nul besoin. Cela produirait au contraire un obscurcissement de la nature et de la valeur de la famille, ainsi qu’un préjudice grave".
"Pour les couples qui désirent ou nécessitent une protection juridique de leurs rapports réciproques, il existe avant tout la voie du droit commun, large et adaptable à toutes les situations". Les couples homosexuels "ne sont pas toujours à la recherche de reconnaissances légales". Et "si certaines exigences apparaissaient ultérieurement, spécifiques et réellement fondées, d’éventuelles normes visant à les défendre ne devraient certes pas concrétiser un modèle législativement préconstitué ni élaborer quelque chose de semblable au mariage".
Le 21 septembre, le cardinal Angelo Sodano, secrétaire d’Etat du Saint-Siège, s’entretenait avec le quotidien La Repubblica : " ’Les couples de fait’, dont on parle, ne sont pas notre modèle de famille. Pour l’Eglise ce sont un homme et une femme qui se marient selon la doctrine chrétienne de l’Eglise. Il s’agit d’une valeur qui existait déjà avant le Christ"."Comme cardinal et comme secrétaire d’Etat, je dois toujours rappeler et prêcher le modèle familial de la doctrine de l’Eglise, du Concile Vatican II, du magistère des souverains pontifes et du catéchisme universel". "Parler d’unions en dehors du mariage ne signifie pas parler de droits, mais de certaines aspirations que des personnes pourront résoudre si elles le désirent avec des contrats individuels". "Les désirs et les aspirations ne sont pas toujours des droits", et si "dans la vie, les gens ont beaucoup d’aspirations, soutenir que ce sont des droits est une autre chose". "Je ne puis croire que l’Etat Italien puisse en arriver là".
"L’Eglise ne se taira pas", tel est le titre d’un article publié dans l’Osservatore Romano du 29 septembre, en réaction aux sifflets essuyés par le président de la Conférence épiscopale italienne, le cardinal Camillo Ruini, lors d’un déplacement à Sienne le 23 septembre dernier.
Le quotidien du Saint-Siège fait ainsi savoir que "l’Eglise ne se taira pas et ne se laissera pas intimider sur les thèmes importants pour l’homme et la société". Intervenant récemment devant le Conseil permanent de la Conférence des évêques italiens (CEI), le cardinal italien avait qualifié le projet de PACS de "préjudice grave pour le peuple italien". Par ailleurs, il avait salué "la sagesse du peuple italien" qui avait invalidé par une très forte abstention le référendum italien des 12 et 13 juin 2005 sur la procréation médicalement assistée.
Dans l’après-midi du 23 septembre, en déplacement à Sienne, le président de la Conférence épiscopale italienne a été chahuté par une quarantaine d’étudiants du groupe des "papillons rouges" qui regroupe divers courants de la jeunesse de la gauche locale. Le cardinal Camillo Ruini avait été invité à témoigner au cours d’un colloque intitulé "Karol Wojtyla, le rôle historique et la pensée de Jean-Paul II". Avant même de commencer son intervention, le haut prélat avait été copieusement sifflé et des pancartes étaient apparues avec les inscriptions: "Nous voulons faire un Pacs en avant", "Nous sommes tous homosexuels", ou encore "L’amour libre dans un Etat libre".
Le 27 septembre, le secrétaire général de la Conférence épiscopale italienne, Mgr Giuseppe Betori, a déclaré : "L’Eglise ne se laissera certainement pas intimider", ajoutant que les interventions de l’épiscopat "ne peuvent être considérées en aucun cas comme une interférence illégitime, et encore moins comme une interférence dans la vie du pays". Ces dernières, a-t-il précisé, "représentent plutôt la contribution constructive du catholicisme au bien et au développement de notre chère nation". Mgr Betori a rappelé que la contestation des étudiants à Sienne contre le cardinal Ruini avait été qualifiée par le cardinal lui-même de "plaisant intermède".
Dans la soirée du 27 septembre, le cardinal Giovanni Battista Re, préfet de la Congrégation pour les évêques a jugé "inacceptable" l’attitude des étudiants contestataires de Sienne. Le cardinal italien a tout de même qualifié l’événement de "marginal", regrettant qu’il ait été "amplifié par la presse".