Jean-Paul II inquiet de la grave crise des vocations en France
"Depuis de nombreuses années maintenant, votre pays connaît une grave crise des vocations, une sorte de traversée du désert qui constitue une véritable épreuve dans la foi pour les pasteurs comme pour les fidèles et dont vos rapports quinquennaux se font largement lécho", a affirmé Jean-Paul II dans son discours transmis à Mgr Francois Saint-Macary, archevêque de Rennes, en visite ad limina. Le Saint-Père y parle de "lent effritement des effectifs", malgré les "nombreuses initiatives qui ont été prises dans les diocèses de France pour réveiller la pastorale des vocations".
Face à cette "crise (
) inquiétante dans ses conséquences proches et durables sur la vitalité des paroisses et des diocèses de France", le pontife romain a invité les prélats français à ne pas "céder au découragement" mais "à relever le défi, avec une ferme espérance, pour construire lavenir de vos Eglises".
Pour le pape, si les jeunes ne répondent plus à lappel de suivre le Christ dans le sacerdoce, il y a trois raisons majeures : la crainte de lengagement à long terme, la définition même du prêtre et la sécularisation qui tend à une connaissance superficielle du Christ.
"La première difficulté est la crainte de lengagement à long terme, parce quon a peur de prendre des risques sur un avenir incertain et quon vit dans un monde changeant où lintérêt semble fugitif, lié essentiellement à la satisfaction de linstant" a déclaré le pape. Et dajouter quon ne pourra surmonter la crise quen donnant confiance aux jeunes, dans une perspective à la mesure de lespérance chrétienne. "Cest tout lenjeu du travail éducatif qui est assuré dabord par la famille et par lécole, et qui saccomplit également à travers les diverses propositions pastorales pour les jeunes".
"La deuxième difficulté concerne la proposition du ministère sacerdotal lui-même. En effet, depuis plusieurs générations, le ministère des prêtres a considérablement évolué dans ses formes" et même "parfois été ébranlé dans les convictions mêmes de bien des prêtres concernant leur propre identité". Il a, en outre, été souvent dévalué aux yeux de lopinion, a poursuivi le pape. "Aujourdhui, les contours de ce ministère peuvent sembler encore flous, difficilement repérables par les jeunes et manquant de stabilité. Il importe donc de soutenir le ministère ordonné, de lui donner toute sa place dans lEglise, dans un esprit de communion qui respecte les différences et leur vraie complémentarité, et non pas dans un esprit de concurrence dommageable avec le laïcat".
Quant à "la troisième difficulté, la plus fondamentale", elle concerne "le rapport des jeunes avec le Seigneur lui-même. Leur connaissance du Christ est souvent superficielle et relative, au milieu de propositions religieuses multiples, alors que le désir dêtre prêtre se nourrit essentiellement de lintimité avec le Seigneur, dans un dialogue vraiment personnel". Cest donc une "découverte authentique de la personne de Jésus et de la relation vivante avec lui, qui sexprime dans la vie sacramentelle, dans la prière et dans le service des frères" qui sera bénéfique à léveil des vocations.
Dans son discours, Jean-Paul II a également évoqué la formation des séminaristes : "En France, les séminaires ont une longue histoire et une riche expérience", ce sont des "instruments sûrs et bien adaptés", donc "loutil essentiel et nécessaire de la formation des candidats au sacerdoce". Il a insisté sur "la qualité de ces maisons de formation, en particulier par le choix des formateurs", encourageant les évêques à conserver, dans la mesure du possible, un séminaire dans chaque diocèse. Pour le souverain pontife, il est en effet important que les prêtres connaissent bien leurs fidèles et ne soit pas déracinés par une formation hors du diocèse.
Face au "relativisme généralisé des valeurs diffusées dans les médias, par la banalisation de la sexualité, mais également par les scandales qui lui sont liés", il faut "être particulièrement attentifs à la formation humaine, affective et morale des candidats" a réaffirmé le souverain pontife, encourageant les formateurs "à poursuivre leur travail de formation et de discernement dans ce domaine, en relation avec des spécialistes compétents, afin de permettre aux jeunes quils accueillent de toujours connaître clairement les exigences objectives de la vie sacerdotale et de faire la lumière sur leur propre vie, afin destimer à sa juste valeur le don du célibat et de se préparer à le vivre généreusement dans la chasteté, comme un don damour offert au Seigneur et à ceux qui leur seront confiés".
Ce discours diagnostiquant le mal avec précision ressemble fort à la scène de lincendiaire essayant déteindre le feu quil a lui-même allumé. Si lignorance religieuse prédomine aujourdhui chez les catholiques, si lidentité sacerdotale est défigurée, si lespérance chrétienne ne vient plus réconforter les âmes dans ce monde sans Dieu, à quoi le doit-on plus spécialement, sinon à cette «troisième guerre mondiale» de Vatican II qui nen finit pas de ruiner lEglise, sous le regard bienveillant des pasteurs.