Kant au Vatican

Source: FSSPX Actualités

Emmanuel Kant

Le 23 octobre 2022, le président Emmanuel Macron a prononcé un discours à l’ouverture du 36e Forum international pour la paix, organisé par la Communauté Sant’Egidio, à Rome. Le lendemain il était reçu en audience privée par le pape François durant 55 minutes.

Sur des images diffusées par le Vatican, les deux hommes sont apparus souriants, le président français tutoyant le souverain pontife comme il l’avait fait lors de sa précédente visite, en 2021.

Au cours du traditionnel échange de cadeaux, le pape a offert une médaille de bronze représentant la place Saint-Pierre, ainsi que son dernier Message pour la paix, le Document sur la Fraternité humaine co-signée avec le grand imam d’Al-Azhar le 4 février 2019 [également appelée Déclaration d’Abou Dabi], et un livre sur la Statio Orbis du 27 mars 2020, lorsqu’il avait, en pleine pandémie, adressé une prière pour le monde, seul, sur la place Saint-Pierre battue par la pluie.

De son côté Emmanuel Macron a offert une édition française de l’essai Vers la paix perpétuelle [1795] du philosophe prussien Emmanuel Kant [1724-1804]. On s’étonnera peut-être du choix du président français, sauf si l’on a lu dans le dernier DICI [n°425, octobre 2022, pp.9-10] les réflexions de Stefano Fontana, dont la justesse se trouve ici confirmée.

En effet, dans La Nuova Bussola Quotidiana du 13 septembre, le philosophe italien considérait que le Congrès des chefs spirituels des religions mondiales et traditionnelles – auquel participait le pape François –, s’apparentait à une forme d’« ONU des religions ».

Ce « voyage, écrivait-il, s’inscrit certainement dans la ligne de l’encyclique Fratelli tutti [2020], de la déclaration d’Abou Dabi [2019] et de la conception [qu’a François] du dialogue interreligieux. » Il voyait dans ce forum bien plus les projets de l’internationalisme des Lumières que les intentions d’universalité de l’Eglise catholique. »

Et de dénoncer la caution philosophique de ce type de réunions syncrétistes : « Le penseur le plus illustre qui a fourni la base d’un projet comme celui qui est poursuivi dans le congrès au Kazakhstan est probablement Emmanuel Kant. C’est bien dans ce but qu’il a écrit ses deux traités sur la Paix perpétuelle [1795)] et la Religion dans les limites de la seule raison [1793].

« En bon “piétiste”, Kant a réduit la religion à la raison et la foi à la moralité. La seule chose que le croyant doit faire est de “bien se comporter”, tout le reste n’est que superstition. Et il doit le faire parce que c’est la seule chose qu’il puisse faire. La religion kantienne est donc une religion universelle, car la raison et la moralité sont universelles. C’est aussi une religion sans dogme, car ses principes sont les principes de la morale que la raison seule est capable de fixer dans la conscience. »

L’universitaire concluait en s’interrogeant sur « la participation de l’Eglise catholique à cette nouvelle morale civique syncrétiste, qui ne peut naître que de la mise entre parenthèses de la vérité ou de la non-vérité des religions, et de leur réduction à la morale conventionnelle des institutions internationales. »

Emmanuel Macron ne s’est donc pas trompé de cadeau.